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1048Il y a beaucoup de réunions en ce moment dans les pays autour du “front”, c’est-à-dire les pays directement concernés par la crise géorgienne. C’est notamment le cas en Pologne. Les réunions, séminaires, etc., réunissent souvent des gens qu’on n’imagineraient pas voir ensemble selon les normes impliquées par nos vitupérations sur la “nouvelle Guerre froide”, en l’absence d’autres qu’on imaginerait au contraire très présents si l’on s’en tenait à la logique de ces mêmes vitupérations dont ils sont coutumiers.
A partir de certaines confidences, plus chaleureuses que secrètes d’ailleurs puisque ces réunions ne charrient guère de secrets d’Etat, nous mentionnons quelques points sur les attitudes, les positions, le climat qui règne à propos de ces questions, celles de la crise géorgienne et autour. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne retrouve guère de choses du climat ni des clivages de la Guerre froide. L’idée d’une “nouvelle Guerre froide” est une idée qui est du niveau de slogan.
• On trouve dans ces réunions des gens aussi variés que des Polonais bien sûr, des Français et des Allemands, des Russes, des Géorgiens, des gens d’autres pays du Caucase. Il y a très peu d’Anglo-Saxons, avec les Américains quasiment absents et les Anglais à peine présents sinon par leurs positions extrêmes (voir plus loin). Cette absence confirment un des phénomènes principaux de la crise géorgienne, qui est la présence faible des Anglo-Saxons. (Cela n'est pas seulement une question de géographie, puisque d'autres Occidentaux, comme les Français et les Allemands, y sont très présents.)
• L’état d’esprit des Polonais est très mélangé. On est loin, très loin d’un pays figés dans une position d’hostilité ou de crainte obsessionnelle. On trouve des positions plus fermes (anti-russes), d’autres plus arrangeantes vis-à-vis des Russes. L’impression qui prévaut est qu’il s’agit d’un pays dans un processus d’évolution et nullement bloqué dans une position donnée.
• Pour ce qui concerne les deux questions précises de la crise où la Pologne est plus ou moins impliquée, et qui débouchent évidemment sur des situations internationales importantes, plusieurs observations sont suggérées. Pour ce qui concerne la question du BMDE (anti-missiles), l’attitude des Polonais est un peu contrainte; il y a une sorte de fatalisme, comme pour dire qu’on ne peut résister à la pression américaniste, aux entreprises du complexe militaro-industriel; d’autre part, il y a l’idée que l’accord rapportera aux Polonais beaucoup de quincaillerie dont ils jugent avoir besoin. L’élément essentiel, recueilli au travers de divers contacts, est que la question des anti-missiles pourrait s'avérer moins vitale pour les Russes qu’il n’y paraît, et que les Russes ne le laissent paraître. C’est donc finalement l’idée qu’un arrangement pourrait être trouvé, qui pourrait prendre par exemple la forme d’inspections réciproques.
• …Par contre, sur la question de l’élargissement de l’OTAN (Géorgie, Ukraine), aucun doute à avoir: les Russes ne céderont pas. De telles décisions sont assurées d’être perçues comme autant des casus belli par la Russie. Il faut le savoir.
• Peut-être quelque chose d’intéressant peut-il être fait au niveau européen. Une idée fait son chemin, la relance, par la réaffirmation de son importance et l’élargissement de ses objectifs, du “triangle de Weimar” lancé en 1991 et activé en 1993, pratiqué depuis en vitesse de croisière, sans beaucoup d’effets. Il s’agit d’un accord informel de coopération sous forme de consultations régulières de trois pays, l’Allemagne, la France et la Pologne. (L’accord avait été activé notamment pour favoriser l’établissement de relations de confiance entre la Pologne récemment libérée du communisme et l’Allemagne qui se réunifiait, avec le soutien français dans l’esprit de la coopération franco-allemande; d’autres buts naturels, poursuivis par l’accord, concernaient l’établissement et le renforcement d’une stabilité de sécurité entre l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est.) Une telle réactivation permettrait de rassurer la Pologne, de renforcer sa sécurité dans un cadre très européen plutôt que transatlantique, de faciliter un arrangement avec la Russie en permettant à la Pologne, en position plus assurée, d’établir de meilleures relations avec la Russie. Une prochaine réunion, en 2009, pourrait constituer l’occasion de lancer cet état d’esprit nouveau; elle aurait lieu à Varsovie, ce qui justifierait une participation plus importante des Polonais (cela permettrait par conséquent, mais conséquence pas indifférente, de justifier la participation du Premier ministre polonais en plus d’un Président Kaczynski, un des deux jumeaux, assez souvent jugé comme peu accommodant).
• A partir de plusieurs exemple précis dans ces réunions, avec toutes les références qui importent, on a pu juger de la position hystériquement intransigeante, anti-russe, etc., des Britanniques dans la situation actuelle. Le cas est si évident qu’on pourrait conclure que les Britanniques sont, dans ce petit monde de la crise géorgienne, très nettement isolés par leur discours absolument intransigeant. On ignore la cause directe et concrète de cette “politique”… Si l’on ajoute que les Américains brillent par leur discrétion, sinon leur absence, on jugera de la singulière position des Anglo-Saxons dans ce contexte de cette crise essentielle. Il est impossible, à cet égard, de ne pas faire un lien entre la situation de cette crise géorgienne et l’effondrement en cours du système financier complètement d’inspiration anglo-saxonne. Les répercussions de la crise financière pèsent de tout leur poids sur la politique en retraite des Anglo-Saxons dans la crise géopolitique de la Géorgie. La perception joue à cet égard un rôle fondamental, en influençant la psychologie; l’affaiblissement dramatique des conceptions anglo-saxonnes avec la crise financière mine tout aussi dramatiquement l’esprit offensif des Anglo-Saxons dans les crises géopolitiques, et particulièrement dans cette crise géorgienne.
Mis en ligne le 18 septembre 2008 à 10H07