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1697Nous avions d'abord eu l'intention de placer en note du F&C sur la “psychologie terrorisée” du 16 avril 2012 ces observations, dans une intention de rappel et de documention du cas Rumsfeld les 10-11 septembre 2001, et par rapport à la thèse de la “psychologie terrorisée” des dirigeants du Système. En raison du développement de cette “note“ apparu à mesure de sa rédaction, nous avons préféré rassembler tout cela sous forme d’un texte d’Ouverture libre, renvoyant nécessairement à ce même F&C du 16 avril 2012.
Il s’agit d’abord d’un rappel précis de la circonstance d’un Rumsfeld recevant des parlementaires US une heure avant l’attaque du 11 septembre 2001, et remarquant que le “public américain” aurait besoin d’un “évènement dramatique” pour lui rappeler dans quel “monde dangereux il vit”. Cette citation vient notamment de notre texte du 30 juin 2002 :
«The next morning — within a period of 24 truly extraordinary hours for our subject, the day after this memorable speech which history has chosen not to remember — at 8:30 a.m., Rumsfeld was having a working breakfast with a delegation of four Republicans from the House of Representatives. The subject was Missile Defense. Congressman Robin Hayes (North Carolina) was at the meeting and recalls how Rumsfeld declared that a dramatic event was needed to drive home to the American public just how dangerous a world we live in: “He said that there would have to be some catastrophe or something to wake people up. And just an hour later, that plane hit the Pentagon. It was incredible.”»
Comme cela est évoqué dans l’extrait, la circonstance se plaçait, qui plus est et pour rendre les attitudes plus paradoxales encore par rapport aux pressions du Système, en complet contraste avec l’extraordinaire (pour ceux qui s’en sont aperçus) discours de Rumsfeld du 10 septembre 2001. Il s’agit incontestablement d’une circonstance contradictoire, où est mise en évidence une quasi-pathologie de la psychologie par l’absence de lien logique et critique au sein du même esprit, par rapport aux deux évènements ; cet homme (Rumsfeld) passe, précisément du jour au lendemain, d’une psychologie énergique et positive de critique du Système à cette fameuse “psychologie terrorisée” s’ouvrant à la narrative catastrophique de la Grande Guerre contre la Terreur, – “catastrophique” pour lui (Rumsfeld) et, finalement, pour le Système lui-même qui lui impose cette psychologie. L’exemple montre que cette situation d’une “psychologie terrorisée” (ce qui y mène, ce qui la renforce, etc.) n’est pas fixée et immuable, même si son exercice se fait dans des conditions hermétiques, avec désintérêt pour la perception du réel ; l’hypothèse est que cette “psychologie terrorisée” n’annihile pas une autre psychologie, contraire, “énergique et positive”, à laquelle on peut revenir, temporairement ou non, selon les circonstances et les variations intuitives et intellectuelles.
On lira aussi ce que nous disions de ce cas de Rumsfeld dans dde.crisis du 10 septembre 2010 (voir aussi les Notes d’analyse sur ce numéro de dde.crisis, le 10 septembre 2010). Il s’agissait d’inclure, sous le titre « La métaphysique de Rumsfeld», ce qu’on pourrait désigner comme l’“observation métaphysique” du comportement de Donald Rumsfeld lors de ces deux journées des 10 et 11 septembre 2012 ; on voit également que cette “observation métaphysique” peut nourrir effectivement une interprétation psychologique, avec, comme nous le signalions plus haut, la présence successive des deux psychologies contraires (“d’une psychologie énergique et positive de critique du Système à cette fameuse ‘psychologie terrorisée’”) ; on observera que nous prenons soin de détacher ces constats des activités conscientes et calculées du sujet (Rumsfeld), notamment autour des interrogations concernant son rôle dans 9/11 et le reste, qui ne doivent interférer en rien sur le jugement objectif qu’on peut poser sur le comportement de la psychologie :
«Il existe des exemples extrêmement concrets de l’ambivalence humaine au milieu de notre crise, qui font penser qu’effectivement l’être humain tient un rôle ambigu, éventuellement secondaire, fort peu conscient des enjeux en cours, aussi bien adversaire du déchaînement de la matière en telle ou telle occurrence, que complice et serviteur le reste du temps. Il en est ainsi du cas historique d’un Donald Rumsfeld jouant le rôle qu’on sait le 11 septembre 2001, éventuellement avec une main dans l’organisation de la chose (cela pour la thèse du “complot” qui en vaut bien une autre et qui vaut certainement plus que la thèse officielle), réclamant une demi-heure avant l’attaque devant des députés républicains un “choc salutaire” pour réveiller et mobiliser la nation, organisant dès l’après-midi le montage pour faire de Saddam Hussein un responsable de l’attaque; ainsi, Rumsfeld complètement acteur de premier plan dans l’activisme complice du système du technologisme et du “déchaînement de la matière”; et le même Rumsfeld, la veille (10 septembre), prononçant un discours d’un courage exceptionnel, où il dénonçait le Pentagone comme une entité, encore plus dangereuse pour les USA que l’URSS. Parlant aux bureaucrates du Pentagone, il les exonérait de toute responsabilité pour s’en tenir à une accusation contre un système, c’est-à-dire une représentation du Pentagone en tant qu’entité du “déchaînement de la matière”: “Not the people, but the processes. Not the civilians, but the systems. Not the men and women in uniform, but the uniformity of thought and action that we too often impose on them.” […]
»…Nous adoptons un point de vue différent, où le mal (“source de tous les maux”) se trouve dans la matière et son déchaînement étant le déchaînement du mal où les hommes ne sont que des comparses épisodiques, et souvent contradictoires, selon les nécessités de la chose et leur niveau de conscience (“Mais les autres, ceux qui participeraient de lui [du mal] et s’y assimileraient, deviennent mauvais, n’étant pas mauvais en soi.”). Dans ce cadre, le comportement de Rumsfeld peut rendre compte d’une logique métaphysique qui le dépasse ; échappant un jour à cette pression de “la matière déchaînée” et dénonçant en des termes jamais dits publiquement l’un de ses vecteurs fondamentaux (la bureaucratie du Pentagone non pas du point de vue humain mais en tant que mécanique d’un système anthropotechnologique qui représente le mieux aujourd’hui le “déchaînement de la matière”) ; le lendemain y succombant (puisqu’effectivement, 9/11, quels qu’en soient les auteurs, est le facteur d’une dynamique née du “déchaînement de la matière”, – technologisme, communication, – et destinée à accélérer ce déchaînement).
»D’un côté Rumsfeld s’oppose au “déchaînement de la matière”, de l’autre il le favorise... En l’occurrence, Rumsfeld ne nous intéresse pas, mais son rôle, avec une conscience limitée, reflète bien l’affrontement en cours entre le déchaînement déstructurant de la matière et la lutte qu’on peut livrer contre cette attaque dans certaines occurrences. Quel jugement moral, quel jugement rationnel porter sur Rumsfeld ? Faut-il applaudir au réformateur audacieux et courageux du 10 septembre 2001 ? Faut-il dénoncer le magouilleur du 11 septembre 2001 et futur ordonnateur du système de torture lors de la campagne irakienne, typiquement déstructurante ? Vanité que tout cela, vanité de la raison prétendant juger du comportement des choses et des êtres comme s’ils étaient investis des valeurs suprêmes. L’observation du comportement de Rumsfeld selon une logique métaphysique, lui-même avec une faible conscience de la chose, est bien plus féconde.»
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