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686C’est un aspect remarquable de la situation politique aux USA de voir, par rapport à l’intervention de certains commentateurs, se fissurer et se fractionner ce qui semblait être un front solidement uni dans la droite républicaine et la droite conservatrice dure depuis 9/11 et le lancement de la politique “bushiste”, – en fait, le lancement de la “politique de l’idéologie et de l’instinct”, – dont nous parlions déjà dans le même sens le 1er janvier 2011.
Un exemple de ces “fissures”, de ce fractionnement, on le trouve dans l’éditorial de Jeffrey T. Kuhner, du 31 décembre 2010 dans le Washington Times, sobrement titrée «The fall of American”. Jugeant que les années 2000 constitueront historiquement la décennie du déclin de l’Amérique, Kuhner poursuit en observant que cette tendance est en pleine accélération, à cause d’une étrange (ou pas si étrange) “alliance” entre Obama et… les républicains.
«Instead of trying to reverse this, Washington is hastening it. The lame-duck Congress, with help from Republicans, passed President Obama's tax deal, which adds nearly another trillion to the debt. It is a massive stimulus in disguise - with no offsetting spending cuts.
»Moreover, Mr. Obama – again with GOP help – succeeded in getting “don't ask, don't tell” (DADT) repealed, enabling homosexuals to serve openly in the military. This is one of the most revolutionary and damaging acts ever done to a core American institution. It will decimate the greatest fighting force on earth, undermining unit cohesion, morale and discipline - the lifeblood of a successful military. It is an act of national suicide… […]
»…Total victory has become alien to us.
»A small example of how far we have fallen, how pampered and coddled we have become, was the decision by the NFL this week to postpone the game between the Philadelphia Eagles and Minnesota Vikings in Philadelphia. Football players are supposed to be the closest thing Americans have to modern Roman gladiators. The game exemplifies the rugged individualism and grit at the heart of the American character. The reason for the delay: Philadelphia was expecting 11 inches of snow. By comparison with historical Northeast winters, this was a minor storm - something previous generations simply shoveled and plowed through as they got on with their daily lives. If 11 inches of snow brings America's gladiators to a halt, it is clear we have lost our resilience.» […]
Enfin, vient le diagnostic qui, pour un commentateur de droite comme Kuttner, est assez étonnant dans la mesure où il assimile Obama à Bush, non pour s’en réjouir mais pour y voir une catastrophe sans précédent. (Le reste du commentaire est une variation diverse sur la fin des empires, celui des USA après les autres.)
«Conventional wisdom holds that Mr. Obama is the antithesis of his predecessor, former President George W. Bush. Mr. Obama is a liberal Democrat. Mr. Bush was a conservative Republican. Mr. Obama is a cosmopolitan internationalist, while Mr. Bush was a unilateralist cowboy. In fact, they have much more in common than either the left or the right would like to admit. Mr. Obama is simply continuing – and intensifying – many of the disastrous Bush policies.
»Runaway government spending, new entitlements (for example, the prescription drug benefit), soaring deficits, bailouts, the Troubled Asset Relief Program, expensive stimulus packages, a porous southern border and nation-building abroad – all of this began under Mr. Bush. Mr. Obama is accelerating the big-government corporatism and social-engineering militarism that marked the Bush years. At its core, Mr. Obama's presidency is a culmination of – not a break from – Bushism…»
@PAYANT Kuhner n’est pas un tendre. Homme de la droite dure du parti républicain, dans la lignée des “talk-showmen” qui semblent être devenus les principaux inspirateurs du parti républicain. (Voyez sa biographie militante, qui fait de lui un homme de la droite dure chrétienne, un anti-islamiste acharné et un conservateur attaché aux valeurs traditionnelles, – encore un de ces Canadiens, comme Krauthammer le néo-conservateur, devenus Américains pour se montrer souvent “plus américanistes que les Américains”… Mais, comme on le verra plus loin, Kuhner se démarque de plus en plus nettement de la tendance représentée par ce même Krauthammer.)
L’homme est insoupçonnable dans ce que nous jugerions être sa “vertu républicaine” et, pourtant, c’est lui qui proclame la félonie du parti républicain dans le fait de la complicité de ce parti avec Obama. Pire encore, il fait de cette alliance impie, non pas une rupture avec le “bushisme” mais une continuation du “bushisme” sous une autre forme ; du coup, voici GW Bush lui-même mis sur la même ligne de la traîtrise et de la félonie. Cela ne signifie pas que Kuhner soit décidé à rompre avec la droite conservatrice dure, au contraire il ne cesse de s’en réclamer et ne cesse de faire appel aux “valeurs” de cette droite américaniste. Mais sa critique marque bien le choc en profondeur, qui ne s’est pas manifesté directement mais qui va faire sentir des effets peut-être inattendus et qui promettent des surprises politiques, qu’a provoqué la courte période entre les élections du 2 novembre 2010 et la fin du 111ème Congrès. Pendant cette période, brusquement les républicains de l’establishment ont repris le dessus tandis que la base républicaine et les nouveaux élus se préoccupaient de préparer l’arrivée du nouveau Congrès issu de ces élections, pour s’allier avec Obama et passer un certain nombre de lois que Kuhner dénonce avec véhémence. (On remarque, dans son texte, cette véhémence à propos de la loi sur la suppression de la politique d’ignorance de l’homosexualité dans l’armée, au profit d’une reconnaissance officielle de cette spécificité. Kuhner considère cela comme une loi sacrilège, «one of the most revolutionary and damaging acts ever done to a core American institution… […] an act of national suicide».) La colère de Kuhner soulevée par cet épisode rapide et inattendu de la vie politique washingtonienne, montre combien son interprétation est celle d’une trahison de l’establishment, particulièrement républicain, des valeurs et des tendances fondamentales de l’électorat de la droite dure, perçues sous sa plume comme celles de “l’Amérique profonde”.
Il est remarquable qu’un homme qui a montré un acharnement rare dans la “croisade” contre le terrorisme puis contre l’islamisme assimilé au terrorisme, dénonce dans cette diatribe «the big-government corporatism and social-engineering militarism that marked the Bush years». Voici soudain, assimilés dans une même dénonciation d’une façon inattendu pour cette tendance radicale politique, à la fois le “corporate power” et le complexe militaro-industriel sous la forme d'un “social-engineering militarism”. Cette attaque contre le Big Business et contre le Pentagone et sa bureaucratie, – car la critique revient bien à cela, – met en cause les deux forces principales sur lesquelles les républicains s’appuient en général, et se sont appuyés essentiellement durant les années “bushistes” pour conduire la guerre-croisade contre la Terreur et contre l’“islamo-fascisme”, et cela avec le soutien de leur électorat populaire conservateur. On voit là le caractère original de cette “fissure” fondamentale, lorsqu’un représentant de cette droite dure et populaire qui fut le plus sûr soutien de la croisade, dénonce, notamment, les militaires du Pentagone soudainement assimilés à l’establishment.
Le résultat de cette colère est une réflexion qui conduit à la dénonciation du “Big Government” et de ses folles dépenses, c’est-à-dire de Washington et du centralisme fédéral. Cela, dira-t-on, est dans la tradition républicaine et est exprimé parTea Party, mais on constate combien cette tradition se trouve désormais de plus en plus en opposition frontale et ouverte avec la politique washingtonienne, – le “bushisme” poursuivi par Obama. Traduisons selon nos références personnelles : cela revient à une attaque contre la politique inspirée, sinon imposée par le Système d’une façon générale, par les pressions du système du technologisme secondé par le système de la communication ; et cela, par un type de commentateur qui, durant les années Bush, soutint cette politique, notamment dans son aspect militariste, dans le cadre de la croisade contre le terrorisme et contre l’“islamo-fascisme”. On voit où conduit la logique du propos, puisque Kuhner lui-même l’avait exprimé d’une façon extrêmement claire et précise lorsque, le 31 juillet 2010, il affirmait que l’Arizona devrait faire sécession des USA plutôt qu’accepter le diktat de Washington contre la loi sur l’immigration clandestine que cet Etat venait d’adopter. La logique de Kuhner rejoint évidemment celle de la colère confuse et incontrôlable qu’on relève chez nombre d’élus (républicains) issus des élections du 2 novembre 2010. Elle est fondamentalement “dévolutionnaire” et anti-fédéraliste. C’est à ce niveau des conceptions que se fera la bataille à l’intérieur du parti républicain, avec, comme enjeu concret important, la politique d’expansion militariste passant progressivement, pour les critiques type-Kuhner, du statut de “croisade” vénérée à celui du complot d'un “social-engineering militarism” développé par le “centre” désormais devenu l’“ennemi principal”.
Mis en ligne le 4 janvier 2010 à 05H52
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