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3212• Dimanche, l’excellent Joe Biden, sorti de ses cendres diverses, fit un beau discours où il exalta la nécessité d’accords de contrôle des armements, surtout nucléaires et stratégiques. • La réponse de Moscou à plusieurs voix : chacun son bras d’honneur, à commencer par Medvedev (« [Ce] ne serait pas plus utile que négocier une trêve avec Hitler en 1945 »). • Il s’agit certes d’un sujet sans espoir ni perspective pour l’instant mais une réponse si brutale des Russes indiquent que la Russie ne veut plus traiter dans l’actuel contexte mondial. • Il faut tout changer.
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Dimanche, donc, Biden fait une déclaration assez peu attendue ni prévue en faveur de négociations pour un traité de réduction des armes nucléaires. Comme si l’on était cinquante ans (Nixon qui n’aurait pas démissionné) ou soixante ans (JFK qui aurait remise son voyage à Dallas) plus tôt. On conviendra pourtant que le temps ne se trouve plus, à Washington, aux roucoulades comme colombe sur une branche, rameau d’olivier dans le bec. Pourtant, c’est bien lui qui parle avec cette platitude assurée :
« Dans une déclaration faite dimanche, le président américain Joe Biden a affirmé que le monde doit continuer à progresser vers un désarmement nucléaire complet. “Les États-Unis sont prêts à engager des négociations avec la Russie, la Chine et la Corée du Nord sans conditions préalables pour réduire la menace nucléaire”, a-t-il souligné. Biden a également affirmé qu’il n’y avait aucune raison d’empêcher les progrès dans la réduction des arsenaux nucléaires. »
Il n’y a pas eu de réaction formelle du gouvernement russe à cette déclaration, qui n’en demandait d’ailleurs, peut-être pas de réaction directe. Il y a eu des commentaires, mais dits de manière très officielle et de voix importantes dans la structure du pouvoir ; uniquement desd réactions négatives, voire très négatives...
A tout seigneur, tout honneur. Medvedev ne pouvait pas rater celle-là, il s’en est donc occupé, dans des termes ravageurs qui comparent Biden à Hitler, en 1945 dans son bunker.
• Dimitri Medvedev, ancien président de la Fédération de Russie et actuel vice-président du Conseil de Sécurité de la Fédération. Le rejet est brutal.
« Selon l’ancien président russe, la proposition est encore “un autre exemple d’insolence” de la part des États-Unis.
» Pensez-y : les États-Unis mènent une guerre presque totale (et certainement pas hybride) contre nous et cherchent à vaincre stratégiquement notre pays… Négocier une réduction des armes nucléaires avec l’Amérique ne serait pas plus utile que négocier une trêve avec [le leader nazi Adolf] Hitler en 1945. »
• Le porte-parole officiel du président Poutine, Dimitri Pechkov, d’habitude très modéré dans ses formulations. On remarquera qu’il l’est certainement un peu moins, avec des termes tels que “absolument impossible”, et selon l’idée que tant que les États-Unis continueront à jouer un rôle en Ukraine, l’“absolument impossible” perdurera :
« Pechkov a également émis des doutes sur la possibilité de négociations nucléaires, soulignant qu’“il est absolument impossible de discuter du sujet sans le lier à tous les autres aspects de sécurité”, étant donné qu’“une guerre est menée contre la Russie avec l’implication indirecte et même directe de puissances nucléaires telles que les États-Unis, le Royaume-Uni et la France”. »
• Troisième réaction du sénateur russe Konstantin Kosachev :
« La déclaration du ‘canard boiteux’ et son désir de marquer des points en matière de relations publiques sur le thème du prix Nobel ne devraient guère être considérées comme une invitation sérieuse à des négociations. »
Pourquoi jugent-ils que Biden lance une telle proposition maintenant ?
• Medvedev suggère que Biden destine cette déclaration pour montrer sa volonté, comme on le lui a demandé avec empressement, d’« aider sa protégée sans cervelle », la joyeuse Kamala.
• Pechkov n’a rien expliqué, car ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, – même par le silence.
• Kosachev, on l’a lu, parle du Prix Nobel que Biden, qui ne doute de rien dans le grand vide de l’univers, espère décrocher à Stockholm, pour la paix dans le monde. Kosachev rappelle que Biden a fait ce discours pour féliciter le groupe ‘Nihon Hidankyo’, groupe japonais voulant abolir les armes nucléaires et a reçu pour cela le Prix Nobel de la Paix. Peut-être effectivement les restes de l’“équipe Biden” songe-t-elle à des calculs aussi sordides, aussi enfantins, aussi grotesques-bouffe – peut-être, peut-être... Et peut-être bien qu’on le lui donnera le Prix Nobel de la Paix pour que nous nous enfoncions encore plus dans le marigot de matière en putréfaction qu’est devenue notre civilisation.
Sans le moindre doute, prise séparément, ces déclarations n’ont rien d’exceptionnelle, dans le simulacre courant dans de naïves habiletés mensongères ou dans la violence coutumière de la guerre. Ce n’est donc pas elles qui nous intéressent au point d’en faire un texte de commentaire, mais que la seconde catégorie (la violence coutumière de la guerre) réponde d’une seule voix à la première (les naïves habiletés mensongères).
Manifestement, les trois voix russes sont à l’unisson, dont l’une du porte-parole de Poutine avec des remarques décisives (l’“absolument impossible” de Pechkov) ; c’est-à-dire qu’à elles trois, elles résument la réaction de Poutine qui a estimé ne pas devoir prendre la peine d’y répondre personnellement, dans tous les cas aussitôt. On pourra dès lors interpréter cette situation comme une indication que la direction russe n’a vraiment plus aucune confiance dans la possibilité de la moindre entente avec les USA dans la situation où ils se trouvent (corruption, DeepState, extrémisme pathologique, communication systématiquement mensongère).
Jusqu’ici, y compris dans les pires moments de tension, Moscou ne rejetait jamais d’une façon aussi catégorique une offre de négociation sur le plus haut de l’armement nucléaire (stratégique nucléaire). Même si toutes les réserves du monde étaient dites, tous les obstacles évidents, etc., il n’y avait pas de ces attitudes brutales comme on les sent ici. Plus encore, la réponse de Pechkov sous-entend qu’il existe chez les Russes un “couplage” des questions militaires et stratégiques : “Nous ne traiterons avec vous (sur le nucléaire stratégique) que lorsque les autres domaines (sécurité européenne, situation tactique des bases US, etc.) seront traités, ou en voie de l’être, ou considérés comme pouvant être réglés.
A cette époque ancienne, in illo tempore, du temps de JFK-McNamara ou de Nixon-Kissinger, existait le concept de “découplage” : on ne fait pas dépendre des négociations sur le plus haut niveau stratégique nucléaire de la situation dans les autres domaines de la sécurité. Aujourd’hui, cette situation raisonnable, acceptée par les Russes et les Américains, n'existent plus.
Pour les Russes, cela ne date certainement pas, ni de février 2022, du de février 2014 (Maïdan). Cela date de1991-1992, de l’époque de promesses des Bush-Baker sur un non-élargissement de l’OTAN. Lorsque le général polonais Rajmund Andrzejczak a annoncé il y a une semaine que l’armée polonaise avait des plans pour tirer sur Saint-Petersbourg si la Russie pénétrait de “one inch” dans les territoires polonais et baltes, on aurait pu, – on pourrait, on le fait, lui rappeler et lui rétorquer que le secrétaire d’État Baker avait promis à Gorbatchev que l’OTAN ne s’élargirait pas de “one inch” vers l’Est de la frontière de l’ex-RDA (dans l’Allemagne réunifiée), après que la Russie ait accepté la réunification à l’intérieur de l’OTAN. Ce genre de mémoire en forme de perspective où la nostalgie joue un rôle de pédagogie pour l’éternité est la cause principale pour laquelle toute confiance de la Russie dans les USA et ses vassaux a disparu, et avec elle la perspective d’un accord.
D’un point de vue plus large et plus profond, cela nous conduit à constater que cette attitude complètement négative implique que Poutine et la Russie n’acceptent plus l’actuel arrangement du monde, que Poutine veut bel et bien, et avec lui selon des engagements plus ou moins fermes l’essentiel du “Sud Global”, par BRICS et SCO interposés, un nouvel “ordre du monde”. (Tout le monde pense bien entendu avec force à la multipolarité.)
Au reste, l’état actuel de l’Occident-facultatif, remué en tous sens par les crises israéliennes et ukrainiennes (voir aujourd’hui, – chaque jour apporte son lot, – l’Espagne et l’Allemagne vis-à-vis d’Israël), laisse voir un relâchement considérable des liens entre alliés et vassaux, jusqu’à des ruptures probables. Cela nous dit que ce nouvel ordre du monde ne résultera pas nécessairement d’une bataille, mais possiblement de la nécessité même de l’effondrement de l’actuel “ordre du monde”.
Mis en ligne le 15 octobre 2024 à 15H50