“Sarah who?” est évidemment “Sarah hawk

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Le phénomène Sarah Palin est en train d’être intégré en tant que tel, un phénomène d’enthousiasme complètement inattendu et, surtout, imprévu dans cette ampleur. Si Palin a été sélectionnée soigneusement par les services de communication du GOP (Great Old Party, parti républicain), selon des critères de promotion et de relations publiques et nullement des critères politiques, – l’important pour le GOP, pour l’instant, est de gagner, – le succès extraordinaire qu’elle a remporté, jusqu’à faire beaucoup d’ombre à McCain, était complètement imprévu parce qu’imprévisible par sa nature même. Il impose une stratégie nouvelle qui n’est pas de tout repos puisque cette stratégie partirait d’une situation où le candidat président est relégué au second plan. (Ce sont là les aléas du métier de la “com” du système, qui peut beaucoup mais n’a aucunement la puissance de prescience qu’on lui prête volontiers.)

Palin installée comme locomotive du GOP, on passe maintenant aux choses dites “sérieuses”. Il s’agit de ses positions politiques. Comme prévu, on tombe sur un animal totalement inexpérimenté, extrémiste, guerrier de Dieu et ainsi de suite, prêt à partir en guerre contre tout le monde; l’islam et l’Iran, bien entendu (c’est une sorte d’automatisme de tout candidat bien né aux USA); et, maintenant, la Russie, comme nous en avise notamment le Guardian de ce jour.

«A hawkish and occasionally combative Sarah Palin warned last night she might commit US troops to a war against Russia in defence of Georgia and Ukraine in her first interview since John McCain chose her as his running mate.

»Palin, who admitted last night she made her first trip outside North America last year, also said she was certain she was ready to step in for McCain as president, if the Republican nominee were to be incapacitated. She said repeatedly she would not hesitate to use all options in an international crisis or resort to force against Islamist extremists. “I have the confidence in that readiness and knowing that you can't blink. You have to be wired in a way of being so committed to the mission, the mission that we're on, reform of this country and victory in the war, you can't blink,” Palin told ABC television.

»Palin's interview was carefully stage-managed to counter criticism that she lacks foreign policy experience and to deflect media scrutiny of her personal life. But her occasionally stilted answers and uncompromising view of the world could sit uneasily with American voters, weary of the war on Iraq and the deteriorating situation in Afghanistan. In sometimes tense exchanges, Palin demonstrated a more bellicose posture towards Russia than the Bush administration during the conflict with Georgia. She also supported military action against Islamist extremists in Pakistan even without the support of the Islamabad government.»

Les modérés de tous bords sont absolument effondrés devant la perspective d’une Palin qui serait élue vice-président en position de force, avec un président de 72 ans et de santé fragile, – ce qui pourrait nous donner, en cas de victoire du GOP puis en cas de malheur du côté du président McCain, une “présidente Palin” dans trois ou quatre ans. L’excellent Steve Clemons, un modéré spécialiste de politique extérieure, se désole de la chose, cite l’acteur Matt Damon qui nous promet l’apocalypse avec Polin devenant présidente, et l’ancien sénateur républicain Lincoln Chafee:

«I do think she [Palin] is dangerous for the future of the country having such limited experience and sharing that aggressive, belligerent approach to the world. That's not in our long term best interests. It's a dangerous planet – nuclear weapons – a tremendous capacity of destruction exists.

»It's going to take some wisdom and ability to see gray sometimes, and lessons of the Cold War are that sometimes containment can work. New generations come along, the Gorbachevs come along – and we haven't fired missiles at each other and killed each other. That's the lesson of the Cold War we seem to have ignored, Lessons that worked.»

Aucun étonnement à avoir de tout cela. Palin, venue de l’extrême droite chrétienne (et sécessionniste!) est évidemment une extrémiste dans tous les azimuts possibles. Mais ce n’est pas cela qui importe pour l’instant, ce qui importe est l’enthousiasme qu’elle soulève et la question est de savoir si les critiques contre son extrémisme, – qu’elle va peut-être édulcorer par souci tactique selon les conseils de la “com” du GOP, – vont finir par éroder l’enthousiasme qu’elle suscite. C’est une course qui est engagée, dont le résultat n’est nullement acquis d’avance. (Cela dépendra aussi d’Obama. Si le candidat démocrate garde la nouvelle ligne très conformiste qu’il a adoptée, il aidera Palin à tenir sur son envol actuel. S’il se radicalise dans le sens qu’il avait suivi pendant sa campagne des primaires, les choses pourraient être différentes. Le fait est que les électeurs US ont besoin d’enthousiasme, dans un sens ou l’autre, et leur soutien instinctif va vers le(s) candidat(s) qui semble(nt) se démarquer des positions conformistes washingtoniennes, dans quelque sens politique que ce soit.)

Deux remarques complémentaires sur Sarah Polin en fonction de ce qui précède.

• Ses positions extrémistes actuelles ne sont pas vraiment appréciées du GOP, qui a besoin de candidats durs sur les questions de sécurité nationale mais qui, surtout, donnent l’impression d’être en contrôle des choses et expérimentés (comme McCain, qui fait très attention à se contrôler). C’est la bible des milieux politiques washingtoniens, et Palin, qui allait bien au départ avec son “profil” théorique, s’est révélée plus éloignée de ce modèle standard qu’on attendait.

• Ce modèle standard n’a pas l’air d’être la bible des électeurs, par contre. Il nous paraît illusoire de croire que Palin peut perdre son crédit uniquement parce qu’elle est extrémiste. Comme nous l’avons dit plus haut, il y a une course en cours entre l’enthousiasme soulevée par Palin, sur quelque argument que ce soit, et les effets des critiques rationnelles contre elle. Dans la situation de crise actuelle, le public est encore plus versatile quant à ses options politiques, et il cherche surtout une nouvelle raison de croire. Si Palin continue à susciter cette adhésion sentimentale et irrationnelles, ses options politiques ne décourageront pas même ceux qui n’y sont pas favorables en temps normal.

Le problème posée par Palin au GOP est très délicat. Il faut la brider mais ne pas tarir l’enthousiasme qu’elle a soulevée et comment la brider sans tarir cet enthousiasme? Mais elle pose aussi un problème à Obama: comment refaire le terrain perdu sans capter une partie de l’enthousiasme pour Palin et comment capter cet enthousiasme avec une campagne qui, avec l’évolution récente, est faite pour décourager l’enthousiasme?

Bref, tout le monde a un problème, – sauf, pour l’instant (mais cela peut changer), Sarah Palin. N’allez surtout pas tirer des conclusions sur la politique de la prochaine administration, selon telle ou telle évolution, selon telle ou telle victoire. Cette politique sera, de toutes les façons, au départ, appuyée sur les impératifs du système, telle qu’elle est aujourd’hui. Ensuite existe la possibilité de “surprises” ponctuelles selon qui aura été élu et selon le degré d’accentuation du désordre qu’aura suscité cette élection, – car c'est bien la seule chose assurée, ce désordre qui se répand. De cela, on aura le temps de reparler, avec d’autres “surprises” possibles entretemps.


Mis en ligne le 12 septembre 2008 à 11H49