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354Sarko ne cesse de le répéter aux Américains: il les aime tellement qu’il ne craint pas une seconde de ne pas être d’accord avec eux. Rien n’entamera leur affection commune. Aussitôt dit, aussitôt mis à l’épreuve.
Après les déclarations de lundi à l’International Herald Tribune présentant certaines mises au point qui ramènent à des réalités plus nuancées entre Paris et Washington, il y a l’invitation à Hugo Chavez, que Le Monde du 25 septembre présentait de cette façon :
«Le président du Venezuela, Hugo Chavez, bête noire de l'administration Bush en Amérique latine, doit être reçu, en novembre à Paris, par Nicolas Sarkozy, qui mise sur sa médiation pour tenter d'obtenir la libération de l'otage franco-colombienne Ingrid Betancourt, détenue depuis 2002 par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).»
Sarko a précisé qu’il avait parlé au président vénézuélien au téléphone “trois ou quatre fois” ces deux dernières semaines, à propos du dossier Betancourt. Le même article du Monde rappelle les propos de Sarkozy dans son interview à l’IHT du 24 septembre selon lesquels «la France ne s'interdit pas d'avoir des relations avec des gens qui ont des rapports difficiles avec les Etats-Unis. […] On ne peut m'interdire de parler avec Hugo Chavez parce qu'il a un problème avec les Etats-Unis…» Une rencontre avec Chavez est une chose horrible pour les Américains. Qu’importe puisque l’on est ami des Américains.
Hier, aux Nations-Unies, Sarkozy a fait son grand discours devant l’Assemblée. Contenu très classique, comme l’observent les commentateurs français un peu déçus, quoique encore tout émoustillés par le petit mois de polémique à propos de l’Iran et le classement illico presto de Sarko comme principal allié de Washington et remplaçant de Tony Blair. Mi-figue mi-raison, Antoine Guiral termine son édito de Libération aujourd’hui de cette façon:
«Lors d’une rencontre avec des journalistes français, il semblait encore sur son petit nuage, toujours très content de lui. “Rendez-vous compte de ce que j’ai dit : Si on n’a pas la justice dans ce monde, on n’aura pas la paix. Ce n’est pas rien, quand même… Et pareil lorsque j’ai dit que si on n’a pas la moralisation du capitalisme, on n’aura pas la croissance… ou qu’il faut payer les matières premières au juste prix.” Bref, Sarkozy qui se pose en défenseur des damnés de la terre et se montre de plus en plus en retrait par rapport aux Etats-Unis. Jacques Chirac va adorer.»
Déduisons que Sarkozy, homme d’action et homme d’action sensible aux évolutions du temps et aux réputations des gens, a effectué le virage qu’il faut pour nuancer diablement la réputation d’atlantiste qu’il semblait avoir confirmée lors des péripéties précédentes. Il lui importe par-dessus tout de tenir le rôle classique du grand ami de Washington qui prête d’autant plus son attention à paraître indépendant de Washington. Il paraît que l’on s’interroge à Washington à propos du ,nouvel ami-allié privilégié. (Guiral: «Soucieux de ne pas trop brusquer les Iraniens dans ses déclarations publiques, Nicolas Sarkozy donne le vertige aux Américains. Est-il un vraiment un allié fiable en cas de tempête ? La presse américaine n’en finit pas de souligner les évolutions de celui qui présentait l’Iran comme un Etat hors la loi dans son livre Témoignage (tout juste sorti en librairie ici) et refuse de dire s’il suivrait Washington en cas de conflit. Hier soir, à New York, Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, devait rencontrer son homologue iranien Manouchehr Mottaki.»)
Le personnage de Sarko-président commence à se dessiner, à grands traits brouillonnés et précisément flous, au milieu de ce qui pourrait paraître de l’incohérence et qui n’est que de l’agitation. Homme d’action, il a fixé sa trajectoire de départ, pour ce qui concerne certaines relations internationales, sur une réputation d’atlantiste pro-américaniste qu’il entend brandir à chaque occasion. Homme d’action, il a déjà manifesté, également, une activité nationaliste, colbertiste, interventionniste, néo-protetionniste, etc., dans l’environnement européen. Homme d’action peu attiré par la pensée qui suscite éventuellement les grands changements, il devrait s’en remettre pour l’essentiel aux grandes lignes classiques de la politique française en brandissant à tout propos sa réputation d’ami des Américains. Si l’on était machiavélique, on n’aurait pas fait vraiment différent; Sarko n’est pas machiavélique et il fait ça naturellement. D’ailleurs, il est sincèrement un grand ami des Américains, — comme Chirac avant lui, Chirac lui aussi grand ami de l’Amérique. Comme on dit, «Chirac va adorer.»
Pardonnez-nous d’en rajouter mais tout cela fait furieusement “maistrien”.
Mis en ligne le 26 septembre 2007 à 08H42