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336Ce matin, des échos favorables d’une possible avancée vers le cessez-le-feu à Gaza commencent à se faire entendre. Pour la première fois depuis le déclenchement de l’opération israélienne contre Gaza, la possibilité d'un cessez-le-feu commence à prendre du corps, y compris dans la direction israélienne, (voir notamment le Guardian de ce 7 janvier 2009 ou une nouvelle de BBC.News du même 7 janvier 2009); cela, notamment, après la catastrophique attaque contre une école de l’ONU à Gaza, qui a fait plus de 40 morts.
Sarkozy, qui s’est institué “médiateur-en-chef” et se trouve au centre de ces initiatives, s’est lancé dans des navettes (un retour imprévu en Egypte, à Charme-El-Sheikh alors qu’il se trouvait à Damas, interlocuteur principal pour relayer les propositions vers le Hamas; d’autres déplacements ont précédé, d’autres devraient suivre; nous avons de la peine à suivre). Le processus commence à rappeler la fameuse “diplomatie des navettes” (“shuttle diplomacy”) de Kissinger, en 1974 et 1975, entre Tel Aviv, Damas et Le Caire, pour parvenir à un accord stable d’armistice entre Israël, la Syrie et l’Egypte, suite à la guerre d’octobre 1973.
Selon le Guardian:
«Nicolas Sarkozy, the French president, claimed last night a ceasefire in the Gaza Strip was “not far off” as he unexpectedly returned to Egypt after talks in Syria, which is the chief Arab ally of the Hamas movement fighting Israel's invasion. Sarkozy flew from Beirut back to Sharm el-Sheikh on the Red Sea for a second, unscheduled meeting with President Hosni Mubarak, a major player in international attempts to engineer a truce between Israel and the Palestinians. The move, as diplomats gathered at the UN in New York to discuss the crisis, suggested the possible beginnings of shuttle diplomacy to call a halt to Israel's 11-day onslaught.
»Sarkozy gave no details, but said during a visit to French troops serving with the UN in south Lebanon: “I'm convinced there are solutions. We are not far from that. What is needed is simply for one of the players to start for things to go in the right direction.“ Gordon Brown also said he was hopeful of finding the basis for a ceasefire.
«Earlier, a Hamas delegation held talks in Cairo with General Omar Suleiman, Mubarak's intelligence chief, who has brokered previous ceasefires in Gaza. The meeting was Hamas's first contact with a main regional player since fighting began on 27 December, and afterwards Egypt said it proposed an immediate ceasefire between Israel and Gaza, an end to the blockade of Gaza, and talks on border arrangements. […]
»In Jerusalem, an Israeli official said Sarkozy had presented Israel with a serious initiative, in partnership with Egypt. Discussions were focused on the size and equipment of an “international présence” to be deployed on the border between Egypt and Gaza. Later Israel's prime minister, Ehud Olmert, said Israel was to set up a “humanitarian corridor” into Gaza, allowing periodic access to the Strip to allow the transfer of “people, foodstuffs and medicines”.»
L’engagement du président français dans cette affaire a nourri une extrême confusion, alors que d’autres délégations européennes, particulièrement celle de la présidence tchèque de l'UE, étaient également en route. C’est donc l’occasion d’ironiser, comme fait Le Monde dans le cadre d’une succincte revue de presse le 5 janvier 2009:
«En quelle qualité Nicolas Sarkozy se rend-il au Caire, à Ramallah, et enfin à Jérusalem, lundi 5 janvier, pour tenter de négocier avec les différentes parties en guerre à Gaza ? En tant que co-président, avec le chef de l'Etat égyptien, de l'Union pour la Méditerrannée? En tant qu'ex-président en exercice de l'Union européenne? En tant que “leader autodésigné en temps de crises”, comme le suggère le Christian Science Monitor? Le quotidien espagnol Publico avance une autre piste: en cette veille de jour des Rois, c'est sûrement en “messie salvateur” que Nicolas Sarkozy aimerait se voir négocier une trêve au Proche-Orient. Après Melchior, Gaspard et Balthazar, voici Nicolas?»
Aux dernières nouvelles, le choix serait tombé sur la fonction de co-président de l’Union pour la Méditerranée; cela permet de faire équipe avec Moubarak, co-président de l’Union, effectivement pièce centrale de la négociation dans cette délicate affaire.
Cette question, surtout formelle, résolue, passons à celle de la cause: pourquoi cette intervention? Les réponses sont multiples, parmi elles la volonté respectable de rétablir la paix et la stabilité. Le site WSWS.org détaille un autre aspect, plus délicat, qui est celui de prendre le pas sur les USA. On en parle aujourd’hui.
«Last but not least, the Europeans regard the passivity of the US, occupied with a change of administrations and a deep economic crisis, as an opportunity to reestablish and strengthen their position in the Middle East. This applies particularly to France, which, following the collapse of the Ottoman Empire, was one of the leading colonial powers in the region until it was later forced out by Great Britain and the US.
»This point is also dealt with in the Figaro editorial, which states, “Because of the momentary absence of the Americans, the president of the Republic can hope to once again create a role for the Europeans.” Since taking power, Sarkozy has worked systematically to strengthen the status of France in the Mediterranean region and the Middle East. This was the purpose of the Mediterranean Union founded in July of last year, as well as Sarkozy's collaboration with Syrian President Bashar al-Assad, who is regarded as a pariah in Washington. Sarkozy also maintains closer relations with Israel than any of his predecessors as French president.
»Before setting out on his Middle East mission, Sarkozy boasted of his close relations in the region. “France bares a particular responsibility because it has been able to establish a bond of trust and friendship with all the concerned parties,” he said in an interview which was published in three Lebanese daily papers.»
Il y a dans tout cela diverses choses plus ou moins justes, parfois même avérées. La volonté des Européens (de Sarkozy) de supplanter les USA, c’est peut-être, de la part de WSWS.org, beaucoup prêter à ces messieurs les Européens, y compris à Sarkozy; mais le résultat revient plus ou moins à cela. Il reviendra d’autant plus à cela qu’à notre sens la situation de retrait US, dans certains cas la situation d’absence pourraient largement se prolonger au-delà de l’entrée en fonction d’Obama, selon notre appréciation que cette situation pourrait s’avérer structurelle selon les changements en cours aux USA actuellement.
Pour ce qui concerne Sarkozy et son action, plus spécifiquement, nous voudrions abordons certains points fondamentaux. Ils concernent le comportement du président, en permettant d'y voir une confirmation de certaines observations antérieures.
• Le personnage de Sarkozy étant ce qu’il est, selon une remarque qui ne prend trop de risques, on observera qu’il est assez logique qu’il se lance dans cette affaire aux dépens de tous les usages, interférant sans lésiner sur le sans-gêne sur la mission de l’UE conduite par les Tchèques. (Laissons de côté la fiction de co-président de l’Union de la Méditerranée, en remarquant néanmoins que cette casquette prouve son utilité.) Sarko ne résiste pas à “un coup”, et, depuis l’affaire géorgienne, on sait quelle sorte de “coup” il affectionne. Il y va donc à fond, en mode-turbo. Il faut lui reconnaître l’alacrité du comportement, pour s’y être lancé malgré les faibles chances de départ. Désormais, en fonction des progrès des dernières 24-48 heures, il a verrouillé sa position en justifiant largement son intervention. Les sarcasmes ont moins de raison d’être. Le procédé n’en est pas moins cavalier et bien pendable; on ajoute aussitôt que dans l’amoncellement d’impuissances et de grossièreté que sont devenues les relations internationales, le tour est moins cavalier et moins pendable qu’à l’ordinaire. Cette remarque est d’autant plus acceptable si des résultats sont au rendez-vous.
• L’action de Sarko porte une première démonstration indirecte, implicite, mais qui est appelée à resservir. Il enchaîne sur sa présidence européenne et confirme en le sollicitant un peu l’argument selon lequel, si l’UE doit être effectivement dirigée par les nations, toutes les nations ne font pas l’affaire. On apprécie ou on n’apprécie pas, mais le fait qu’on peut constater presque de façon palpable est qu’on peut vivre désormais, qu’on commence à vivre désormais en Europe, lorsqu’une présidence n’est pas jugée adéquate, avec deux présidences parallèles si un grand pays le juge nécessaire. C’est une situation singulière, totalement injuste et totalement “illégale” dans l’esprit de la chose, du point de vue des formes et normes européennes; mais totalement inéluctable et inévitable dans ce temps historique de crise, puisque la démonstration a été faite que la formule marche alors que la formule légale, formes et normes comprises, est totalement inopérante. Sarko, adepte du traité de Lisbonne, n’est certainement pas en train de nous démontrer la validité du traité qui ne prévoit aucune discrimination selon la puissance des nations et selon la représentation de tel ou tel personnage, ni la prépondérance des nations; il nous démontre au contraire la nécessité d’une “version” fortement remaniée du traité de Lisbonne, débarrassée de ses aspects dommageables pour la souveraineté et placée au service des nations. (Il est plutôt en train de démontrer, notamment, la validité d’une formule comme celle que proposait en 2002 le Hollandais Van Den Broeck.) Un jour ou l’autre, quelqu’un lui fera remarquer la chose.
• Si l’action de Sarkozy s’avère efficace, c’est parce qu’il représente, – qu’il en ait ou pas conscience n’importe pas ni ne nous importe guère, – une tradition diplomatique spécifique, exprimant évidemment les conceptions françaises. On peut l’accuser de parti-pris, d’appréciation injuste, etc., tout cela peut-être justifié; mais la question n’est pas celle de la justice de la chose et de l’objectivité, contrairement aux plaidoiries polémiques de ceux qui ont une conception vertueuse des relations internationales héritées de l’américanisme, même pour s’opposer farouchement à l’américanisme. La question est celle de la recherche de l’équilibre diplomatique et politique des relations internationales, ce qui est effectivement dans la tradition française vieille de nombre de siècles, estimant que la justice naît de cette équilibre plutôt que le contraire; cette conception a été réactualisée par la doctrine gaulliste et s’oppose naturellement à la conception US, justement appuyée sur une vision vertueuse des relations internationales, appuyée sur la force, et classant les uns et les autres par rapport à la référence de la notion de la vertu made in USA. Sarkozy utilise évidemment les conceptions françaises, quels que soient les soupçons qui sont portés contre lui (justifiés ou pas, qu’importe, bis repetitat), parce que son appareil dialectique dans ses “coups” diplomatiques s’appuie sur le matériel diplomatique qu’on lui fournit, parce qu’il a effectivement une vision française à cet égard, parce que les conceptions françaises répondent à la fois à la situation française et aux attentes de la plupart des acteurs des crises considérées.
Bien entendu et pour peu qu'on ait la nostalgie du passé, on peut regretter qu’il ne fasse pas 30 cm de plus et qu’il n’ait pas le style de Barrès ou de Chateaubriand. Ce n’est qu’un modèle postmoderne du genre.
Mis en ligne le 7 janvier 2009 à 17H22
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