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6 novembre 2007 – Saoûlé de discours sur lui-même, par lui-même et pour lui-même, plongé dans la représentation maximaliste de son univers virtualiste qui est une anti-réalité, l’establishment washingtonien distingue mal ou ne distingue pas du tout l’épouvantable état d’esprit de l’Américain standard, cet état d'esprit qui finit par devenir par son caractère extrême un fait politique affirmé et d'une réelle puissance dynamique. Les sondages se suivent et se ressemblent misérablement et dramatiquement. Deux, successivement commentés les 15 octobre et 4 novembre, se confirmant, s’aggravant l’un l’autre par l’accumulation, ont attiré notre attention justement par cette proximité.
• Gary Younge, du Guardian, faisait un commentaire le 15 octobre sur «The land of optimism [which] is in the dumps, but refuses to accept how it got there.» Ce commentaire s’appuyait sur un sondage Rasmussen, dont les résultats sont aussi crépusculaires que du temps du Watergate.
«This sense of optimism has been in retreat in almost every sense over the past few years. According to Rasmussen polls, just 21% of Americans believe the country is on the right track, a figure that has fallen by more than a half since the presidential election of 2004. Meanwhile only a third think the country's best days are yet to come, as opposed to 43% who believe they have come and gone - again a steep decline on three years ago. These are not one-offs. In the past 18 months almost every poll that has asked Americans about their country's direction has produced among the most pessimistic responses on record – a more extended period than anyone can remember since Watergate.
»America, in short, is in a deep funk. Far from feeling hopeful, it appears fearful of the outside world and despondent about its own future. Not only do most believe tomorrow will be worse than today, they also feel that there is little that can be done about it.
»There are three main reasons. Closest to home is the economy. Wages are stagnant, house prices in most areas have stalled or are falling, the dollar is plunging, and the deficit is rising. A Pew survey last week showed that 72% believe the economy is either ''only fair'' or poor and 76% believe it will be the same or worse a year from now. Globalisation is a major worry. Of 46 countries polled recently, the US had the least positive view on foreign trade and one of the least positive on foreign companies.»
• Avant-hier 4 novembre, le Washington Post publiait un commentaire sur un sondage Washington Post-ABC News poll. Les résultats sont aussi catastrophiques. A cause de la forme des questions et du centre d'intérêt des élections de 2008 qui les inspire, la référence que choisissent les commentateurs du pessimisme exprimée est la fin 1995, alors que les fonctionnaires du gouvernement fédéral étaient en crise et que Clinton n’arrivait pas à redresser un sentiment populaire incompréhensible pour lui, qui s’était exprimé contradictoirement, aussi bien par la défaire du sortant en 1992 (et la victoire de Clinton) que par la défaite du parti du gagnant de 1992 (débâcle démocrate de novembre 1994). (L’Amérique ne sortit de cette crise de l’humeur commencée en 1991 qu’avec les JO d’Atlanta. Bien entendu, il s’agit de l’artifice extrême de l’exaltation nationaliste lors de cet événement, enchaînant sur l’exaltation de la puissance US.)
«One year out from the 2008 election, Americans are deeply pessimistic and eager for a change in direction from the agenda and priorities of President Bush, according to a new Washington Post-ABC News poll.
»Concern about the economy, the war in Iraq and growing dissatisfaction with the political environment in Washington all contribute to the lowest public assessment of the direction of the country in more than a decade. Just 24 percent think the nation is on the right track, and three-quarters said they want the next president to chart a course that is different than that pursued by Bush.
«Overwhelmingly, Democrats want a new direction, but so do three-quarters of independents and even half of Republicans. Sixty percent of all Americans said they feel strongly that such a change is needed after two terms of the Bush presidency.
»Dissatisfaction with the war in Iraq remains a primary drag on public opinion, and Americans are increasingly downcast about the state of the economy. More than six in 10 called the war not worth fighting, and nearly two-thirds gave the national economy negative marks. The outlook going forward is also bleak: About seven in 10 see a recession as likely over the next year.
»The overall landscape tilts in the direction of the Democrats, but there is evidence in the new poll – matched in conversations with political strategists in both parties and follow-up interviews with survey participants – that the coming battle for the White House is shaping up to be another hard-fought, highly negative and closely decided contest.»
On pourrait aussi bien observer que ces sondages sont une bonne entrée en matière pour la visite de Sarkozy à Washington (aujourd'hui et demain). On se réfère ici à la représentation colorée et chargée de lieux communs clignotants et syncopés qui tient lieu de philosophie justifiant, aux yeux de ce président, son pro-américanisme affiché, affirmé et réaffirmé comme une ceinture de chasteté défend une vertu. Cette philosophie clinque et résonne de phrases envolées et dont on devine l’originalité, qui ont pour thème insistant l’esprit d’entreprise, l’optimisme conquérant, le goût de l’avenir et ainsi de suite. On se demande alors de quelle Amérique discourt Sarko? Quelle est la réalité de ce qu'il faut nommer “son” Amérique, comme s'il s'agissait d'un objet qui lui est propre? Ces sondages exposent une situation circonstanciée, scientifique, étalonnée et tout ce qui s’ensuit, et absolument contraire à la vision qu’il exalte.
C’est une Amérique crépusculaire, désorientée, amère, hargneuse que nous montrent les sondages. Le rêve passe comme s’il n’avait jamais vraiment existé, – celui de Sarkozy comme celui qu’on nomme d’une façon générique American Dream. Mais la chose est encore plus compliqué que ce simple constat de pessimisme car ce pessimisme est pavé d’incroyables contradictions qui en disent long sur l’anarchie du sentiment, sur le désordre des esprits, sur la confusion de la perception. Le cas exposé par le sondage du Washington Post, sur les favoris à la course à la présidence, est caractéristique. On connaît déjà cette contradiction qui caractérise Hillary Clinton (favorite selon les sondages) mais la chose n’a jamais été aussi violemment mise à nu puisque les réponses s’enchaînent dans le même questionnaire et exposent la contradiction presque insurmontable et, dans tous les cas, insupportable pour la raison:
«And while Clinton finds herself atop all candidates in terms of strong favorability – in the poll, 28 percent said they feel strongly favorable toward her – she also outpaces any other candidate on strong unfavorables. More than a third, 35 percent, have strongly negative views of her, more than 10 points higher than any other contender.»
Ainsi la candidate en tête, celle qui exerce une position écrasante dans le parti démocrate qui est favori pour l’élection, est également la plus fermement haïe, et de loin, parmi tous les candidats. Ce constat chaotique se complète d’un autre constat qu’aucun candidat ne dégage une position de supériorité lui permettant de dépasser les 51% des voix exprimées («Not one of the leading candidates in either party has a favorable rating above 51 percent in the new poll.») Cette situation d’incertitude et de confusion existe alors que 75% de l’électorat veulent absolument un changement de direction («Just 24 percent think the nation is on the right track, and three-quarters said they want the next president to chart a course that is different than that pursued by Bush.») Peut-on imaginer pire enchaînement d’exgences contradictoires?
Ce désarroi, cette incertitude et cette confusion reflètent essentiellement une désorientation complète du processus politique par la rupture systématique des liens de cause à effet dans la représentation des situations publiques, et par la référence faite à une fausse réalité construite par la communication agissant dans un but de virtualisme. Younge explique bien cela, cette rancœur, cette fureur constantes du public US exprimant son pessimisme, voire son nihilisme catastrophiste, mais également son refus complet de la réalité. Tout se passe comme si le public américaniste disait sa fureur de ce qu’il perçoit de la détérioration de la situation, des promesses non tenues d’une situation qui était exprimée et décrite par le virtualisme. Mais la seule chose qu’il juge acceptable, c’est le retour de la situation virtualiste. Le pessimisme américaniste ne vient qu'en partie du constat qu'il fait de la réalité, et complètement du constat de cette réalité aggravé du refus complet de cette réalité.
«…Once again the American public have lost faith. The rot starts at the top. Almost as soon as they elected Bush in 2004 they seemed to regret it. Since Katrina, his favourability ratings have been stuck in the 30s and show no signs of moving – or at least not upwards. Bush's only comfort is that public approval of the Democratically controlled Congress is even worse, hovering just below where it was shortly before the 2006 elections. In other words, however Americans believe their country will return to the right track, they no longer trust politicians to get them there.
»Little suggests that anything will change any time soon. After four years of being told they were winning a war they have been losing and are better off when they are not, Americans are more wary of political happy talk than they have been for a long time. But that doesn't mean they want to hear sad talk instead, even if it happens to be true. For the central problem is not that they were lied to – though that of course is a problem – but that they have constantly found some of these lies more palatable than the truth. Bush may have exploited the more problematic aspects of this optimism. But he did not create them. Enough of the American public had to be prepared to meet him halfway to make his agenda possible.
»Herein lies the challenge for the presidential candidates in the coming year – how to respond to this pessimistic mood without reflecting or discussing its root causes: to lay out a plausible explanation of how Americans can get their groove back, without examining how they got in this rut in the first place.»
Si l’on confronte cette situation avec ce que le politologue Ronald Browstein nomme The Second Civil War, qui est la “polarisation démocratique” vers l'extrémisme de la particratie américaniste, on mesure le potentiel explosif de la société US aujourd’hui. De plus en plus existe la possibilité que l’élection de 2009, perçue comme libératrice par tant de commentateurs parce qu’elle nous libérera de GW Bush, le soit effectivement, mais de forces déstabilisantes incontrôlables.
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