Satan mène le bal USA-2016

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Satan mène le bal USA-2016

06 novembre 2016 – J’avoue n’avoir pas eu le réflexe qui s’imposait lorsque l’imposant staff de dedefensa.org mit en ligne la nouvelle, aimablement imprimé par la Guardian, selon laquelle certains officiers et agents du FBI estiment qu’Hillary est l’antéchrist. (« The currently serving FBI agent said Clinton is “the antichrist personified to a large swath of FBI personnel...” ») J’avais compris qu’ils traitaient Hillary d’antéchrist de la même façon qu’il m’arrive, lorsque je retrouve une coquille que j’ai laissée passer dans un texte de dde.org, de me traiter, par exemple, de quelque chose comme “Judas grammatical”... Mais non, pas du tout, ils sont sérieux : certains, au sein du FBI, ont bien le sentiment, en poursuivant Hillary, de poursuivre une mission quasi-divine. C’est une nouvelle dimension qui nous apparaît dans ce sublime et fabuleux, et terrible, et catastrophique spectacle que nous offre l’exceptionnelle République.

La phrase est reprise partout chez nombre de mal-pensants et, chez certains d’entre eux, elle en fait leur titre du jour. (Leur plaisir est grand, chez ces mal-pensants, c’est-à-dire ces sites de piètre réputation mais de grande fréquentation, antiSystème et prompt au sensationnalisme complotiste, de pouvoir citer une source aussi chic-Système que l’est le vertueux Guardian.) Ils parlent donc réellement de l’antéchrist, le vrai, celui qui a sa place dans le grand récit eschatologique de nos diverses cultures religieuses. Pour cette fois, la religion a son intérêt, en donnant une clef de communication pour dramatiser encore plus une situation : il s’agit de rien moins que de la présence de Satan au cœur de cette exceptionnelle élection USA-2016... Personne ne l’y avait invité mais quoi, il semble bien qu’il se soit imposé de lui-même et, ma foi, il ne dépare pas, non pas du tout et en aucune façon.

Là-dessus, un des e-mails parmi les tonnes saisies, un du chef de la campagne d’Hillary, John Podesta, donne du relief à cette présence de Satan. Antiwars.com, qui n’en rate pas une, nous donne un résumé succinct de la chose dans une vidéo qui est accompagné de ce très court texte nous contant que Podesta est convié (autour de 2015 selon l’e-mail) à un “cooking spirit dinner”, – quelque chose disons comme un “dîner-barbecue spirite-satanique”, – par l’une des reines newyorkaises de l’Art Contemporain (AC) Marina Abramovic, par ailleurs très haute placée dans la hiérarchie du culte satanique institué par Aleister Crowley. Vous voyez, ça swingue terriblement, AC, Satan, la postmodernité... Voici le très court texte que chacun identifiera aisément comme concernant absolument la pratique de l’AC, dont on sait le goût pour le sacré d’ailleurs applaudi par l’Église (ceux-là, ils ont dû se tromper d’Evangiles ou ben c’est le bon script, c’est selon) ; et je fais en plus l’hypothèse que Podesta fut ravi de cette invitation  et qu’il se rendit avec empressement à l’invitation, car on le dit amateur de la chose.

« Dans ce qui s’avère la révélation la plus bizarre que nous ait fourni WikiLeaks, le président de la campagne Clinton John Podesta est invité à un “dîner-barbecue spirite-satanique” par l’“artiste de performance” Marina Abramovic, pour prendre part à un rituel occulte créé par le Sataniste Aleister Crowley. Le “dîner-barbecue spirite” est “un sacrement dans la religion de Thelema qui fut fondée par Aleister Crowley” et implique une “performance occulte” durant laquelle du sang de menstruation, du lait de mamelles humaines, de l’urine et du sperme sont utilisés pour créer une “peinture”. »

Parallèlement à la nouvelle sont apparues de très nombreuses autres nouvelles impliquant, celles-là, Hillary elle-même comme une adepte de l’un ou l’autre culte satanique. Pêle-mêle quelques indications sur la chose, également sur divers tweets reprenant la matériel publié (vidéos, photos, les uns et les autres d’un grand intérêt anthropologique). Tout cela éclaire, pour les esprits encombrés d’obscures pensées, des déclarations de juillet dernier, jugées alors énigmatiques et insultantes d’un des candidats républicains aux primaires, Ben Carson, – pourtant black, d’une communauté censée être la chasse gardée d’Hillary si l’on en croit la presse-Système et les bienpensants ; cela était rapporté par TownHall.com, le 28 juillet :

« Dr. Ben Carson raised some eyebrows last week at the Republican National Convention when he mentioned Hillary Clinton and Lucifer. At first blush, it may have sounded over the top. The press went to town on this remark, castigating Carson for it.

» Here is what Carson said, “Now one of the things that I have learned about Hillary Clinton is that one of her heroes, her mentors, was Saul Alinsky and her senior thesis was about Saul Alinsky. This was someone that she greatly admired and that affected all of her philosophies subsequently.” He added, “This is a nation where every coin in our pocket and every bill in our wallet says, ‘In God we trust.’ So are we willing to elect someone as president who has as their role model somebody who acknowledges Lucifer?” »

Drôle d’atmosphère, agrémentée de détails déplorables (The Deplorable, selon Hillary) sur les déplacements de Bill (une vingtaine) et même d’Hillary (six) vers une sorte de Sex Island (Orgy Island ou Sex Slaves Island, selon d’autres sources) fournie en mineures de bas âge et tenue par un pédophile notoire  et confirmé puisque déjà condamné pour ce délit, Jeffrey Epstein ; la petite île faisant partie semble-t-il, – cela ne s’invente pas quoique restant à confirmer, – des Virgin Islands, ou Îles Vierges. Grâce aux 650.000 e-mails du couple Abedin-Wiener, dont on dit qu’il a accepté de coopérer avec le FBI en témoignant contre les Clinton, on n’en finit pas de détailler ce qu’un policier du NYPD (New York Police Department), le premier service à avoir saisi ce matériel et à en avoir conservé une copie au cas où l’affaire serait étouffée par ailleurs, a décrit comme “absolument dégueulasse” (je traduis approximativement mais le sens est là).

Cette “drôle d’atmosphère” (dans le genre phoney plutôt que funny), à la fois faite d’une évolution marquée vers le satanisme de plus en plus institutionnalisé, c’est-à-dire vers une atmosphère d’ésotérisme de l’inversion, en même temps qu’une perversion accéléré des mœurs, tout cela d’une façon structurelle et touchant les milieux les plus en vue de la direction-Système et des élites-Système, n’est pas une nouveauté aux USA sous cette forme structurée. Cela nous ramène essentiellement aux années 1930, mais pas au sens où l’entendent nos braves et vigilants petits idéologues qui reniflent du fascisme à chaque page de l’Almanach Vermot de la bienpensance, dans sa version postmoderne. Dans les années 1930, à Hollywood, la magie noire et nombre de croyances et pratiques diverses battaient leur plein, dans ce qui allait devenir (Hollywood) une terre d’élection de l’Église de la Scientologie établie en 1952. Parallèlement, il existait un véritable mouvement de mysticisme technologico-suprémacisme, avec une nette tendance mystique, également en Californie, où s’établissaient les base du Complexe Militaro-Industriel à partir de 1935-1936. (La dimension militaire étant alors totalement absente ; on la trouvera présente à partir de 1941 puis, à partir de 1945-1946 plus précisément pour mon propos, avec l’introduction dans les secteurs les plus secrets du CMI des conceptions technologico-mystiques empruntées à la science nazie dont les USA firent grand usage.) Los Angeles elle-même, dont certains aspects de l’architecture étaient marqués d’un symbolisme ésotérique, témoignaient à l’époque de cette dimension, – Mike Davis l’a superbement montré dans son City of Quartz. (On trouve des indications de cette situation, – CMI, mysticisme, Los Angeles ; etc., – dans deux articles du site, en janvier 2003 et en février 2006.)

Il y a une grande similitude aussi dans les caractères des périodes : les années 1930, aux USA, mélangeant une pauvreté incroyable (La Grande Dépression) et les nantis qui le restèrent, après un déchaînement technologique, boursier et surtout psychologique dans les années 1920 ; des mouvements populaires sinon populistes, un Corporate Power appuyant des conceptions mystiques sur l’avancement technologique (l’aviation dans les années1930, l’informatique aujourd’hui) ; une époque de tensions suprémaciste... Mais tout cela sur des espaces géographiques différents (confiné surtout à la Californie dans les années 1930, alors que toutes les directions-Système des USA sont concernées aujourd’hui) ; avec un grand désordre idéologique par contraste dans cette période ; avec un affrontement bien marqué aujourd’hui entre progressistes déstructurants et populistes traditionnalistes ; avec un grand patronat anti-gouvernemental dans les années 1930 alors qu’aujourd’hui le Corporate Power, surtout le plus avancé du secteur de l’informatique, est complètement acquis au gouvernement et au gang Clinton pour former un establishment uni sur un programme déstructurant favorisant le globalisme et la mort de l’identité. Le cas du suprémacisme est également assez similaire mais à  front renversé, avec un suprémacisme du Corporate Power et du monde scientifico-universitaire californien favorisant les blancs anglo-saxons et autres “races nordiques” dans les années 1930, d’une façon très différente du racisme traditionnel, beaucoup plus agressive et non sans similitude avec le nazisme ; aujourd’hui un suprémacisme du même type agressif et communautaire, et qui ne rejeterait pas les mêmes sources dans la méthode, s’affiche anti-blanc à partir des groupes de couleur et des groupes sociétaux (voir par exemple l’actrice et réalisatrice [blanche] Lena Dunham et son père Carroll Dunham, exprimant leur soutien à « l’extinction des hommes blancs... L’extinction des hommes blancs n’est pas la fin des hommes, c’est une évolution des hommes vers des hommes meilleurs ».)

Comme on voit, il y a des précédents, mais d’une puissance bien moindre, et dans une époque malgré son extrême gravité beaucoup moins explosive pour la cohésion intérieure US, et même malgré la Seconde Guerre mondiale qui bouleversa bien moins les USA que l’Europe. Cela, comme si les années 1930 avaient été un galop d’essai pour cette “drôle d’atmosphère” d’aujourd’hui dont je parle plus haut... Aujourd’hui, par contre, les USA sont au cœur de leur propre crise, et la politique des groupes déstructurants, autant que les projets de globalisation et autres sont beaucoup plus en phase de cohérence avec la renaissance visible sinon affichée du satanisme. (Ce phénomène-là de la résurgence du satanisme est d’ailleurs identifié depuis quelques années : voir le texte de la spécialiste danoise des religions Iben Thranholm « What the Hell? Satan worship on rise in America », du 29 août 2016 sur RT.)

Je suis conduit à considérer, dans ces conditions, que le satanisme et la dégradation accélérée des mœurs ne représentent pas seulement une dynamique accélérée de décadence mais plus encore, une tension extrême au niveau des conceptions spirituelles, avec un mouvement “spirituel” d’inversion tendant à représenter les manifestations du Mal (déstructuration, dissolution, etc.) et le Mal lui-même comme la marche vers le Bien ou le Meilleur, – exactement tendance de spiritualité invertie parfaitement en phase avec la postmodernité. C’est à la fois un fait étrange, un fait extraordinaire et un fait absolument révélateur que des personnages de la valeur vénale et morale des Clinton et aussi de leur entourage politique (Podesta notamment), soient amenés au fil des révélations à se trouver involontairement dans la position d’afficher contre leur gré leur engagement “spiritualiste-inverti” ; c’est à la fois bouffon, comme nombre de manifestations de magie noire et, pour la postmodernité, de l’Art Contemporain, mais aussi sacrilège par l’aspect le plus bas ; à la fois le signe de l’errance psychologique et métaphysique, et le désir d’en découdre non plus sur les terrains habituels (politique, social, même sociétal), mais sur les terrains pseudo-spirituels, justement pseudo-métaphysiques et tout ce qui va avec, avec ambiance de Fin des Temps garantie... C'est bien sur ce terrain-là qu'il faut s'affronter, et c'est sur ce terrain-là que nous les affronterons : ils verront bien vite qu'il y a du marécageux sous leurs pompes si bien cirées.

Cela les perdra beaucoup plus vite qu’on peut imaginer, parce qu’ils entrent dans un domaine où leur extrême faiblesse psychologique ne leur permettra pas de tenir. Ils font des gâteries au diable et croient que cela suffit, comme toujours l’ésotérisme de salon et la magie noire en toc l'ont fait croire à cette sorte de gens  ; mais ils n’ont pas la force du martyr ni l’âme qui va avec, et leur colonne vertébrale a la tenue de l'éclair au chocolat. Ils font des extravagances sacrilèges mais restent des bouffons qui ont besoin d’avions privés et de tout le confort pour aller à confesse avec Lucifer. Ils sont à la fin de leur aventure. En soi, ce n’est que d’une importance accessoire, selon ce qu’ils valent, mais comme cela se passe au moment de la Grande Crise Générale d’effondrement du Système, cela acquiert soudain une importance colossale. Le Système va en crever d’avoir produit des sapiens-Système de si piètre qualité. Bon débarras.

On dit qu’actuellement le diable s’en mord les cornes d’avoir encore choisi toujours le même cortège de zombies ; on dit même qu’il médite la phrase de Guénon qu’il a pêchée dans dedefensa.orgOn dit même que le diable, quand il veut, est fort bon théologien; il est vrai, pourtant, qu’il ne peut s'empêcher de laisser échapper toujours quelque sottise, qui est comme sa signature...») ; on dit enfin qu’il se mord la queue qu'il a fort fourchue de dépit d’être encore tombé dans le piège de sa propre faiblesse, d’avoir cru à ses propres fadaises qu’il développe pour convaincre les sapiens de monter à bord avec lui...