Secrétaire à l'US Navy ? “You're fired !”

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Secrétaire à l'US Navy ? “You're fired !”

« Tout cela, bien entendu, en attendant la réaction de Trump, – s'il y pense... » : c’était la dernière phrase de notre texte  du 21 novembre sur « L’U.S. Navy défie Trump ». Finalement, il apparaît que Trump et par conséquent sa hiérarchie, y aient “pensé” et qu'ils aient réagi dans le sens de prendre des mesures concrètes extrêmement graves. Signe, notamment, que Trump semble prêt à riposter de tous les côtés qu’on mette en question son autorité, et cela présageant d’une belle bagarre pour la destitution et pour USA-2020.

Le Secrétaire (ministre) à l’US Navy Richard Spencer a été déchargé de ses fonctions hier par le secrétaire à la défense, dans des termes qui constituent une sévère condamnation pour insubordination. Les termes employés par le ministre Esper, sans être violents, sont sans équivoque et constituent effectivement une mise à pied projetant une ombre gravissime sur un comportement qui peut effectivement être qualifiée d’insubordination, – et l’argument de “la perte de confiance” est dans ce cas un motif très grave : « Je suis profondément troublé par la conduite d’un haut responsable du département de la défense. Malheureusement, j'ai décidé que le secrétaire Spencer n'avait plus ma confiance pour continuer à assumer sa fonction. Je souhaite bonne chance à Richard. »

(Le « bonne chance à Richard » signifiant : nothing personal  [les deux hommes ont été conjointement secrétaires à l'Army et à la Navy], – pour autant, le vent du boulet est bel et bien passé.) 

Un texte  de RT.com reprend l’affaire depuis l’annonce que l’US Navy refusait de répondre au désir de Trump de voir le Premier Maître Gallagher, des SEAL, se voir rendre son insigne Trident de cette unité que sa hiérarchie voulait lui retirer. (Trump avait gracié précédemment Gallagher de diverses accusations lancées contre lui.)

« Dans un communiqué du département de la défense, il est précisé qu’Esper aurait été mécontent du “manque de franchise dans les conversations avec la Maison-Blanche” que le secrétaire à l’US Navy aurait eues sans l’en aviser. 
» Spencer aurait tenté de persuader des fonctionnaires de la Maison-Blanche de convaincre Trump de ne pas s'ingérer dans l'affaire Gallagher peu de temps avant que le commandant en chef ne réponde sur Twitter jeudi que “la Navy ne retirera PAS” l'insigne Trident de Gallagher, selon le Washington Post.
» Esper a été mis au courant de ce fait au cours d’une conversation avec Trump et Mark Milley, président des chefs d'état-major interarmées, vendredi, a révélé ce même communiqué.
» Notant que le secrétaire à la Défense avait été pris de court par le secrétaire à la Navy, le Pentagone a déclaré que “les mesures disciplinaires et les mesures d'aptitude au travail... devraient pouvoir être prises de manière objective et délibérée en toute équité envers toutes les parties”.
» Néanmoins, “étant donné les événements des derniers jours”, Esper a décidé que Gallagher devait garder son insigne Trident, lit-on dans le même communiqué. .
» Les interventions de Spencer [que lui reproche Esper] font suite à une attaque brutale de Gallagher, l'homme au centre du scandale depuis dimanche dernier. Il a affirmé que ses supérieurs cherchaient à se venger, et non à obtenir justice, et les a accusés d’“insubordination” à l'égard du président américain.
» Gallagher est apparu sur Fox & Friends dimanche, partageant son point de vue sur son procès et sur les chances qu'il soit expulsé des SEAL. L'interview avait été suivie sur Twitter par nul autre que Donald Trump, et Gallagher n’a ainsi pas déçu son commandant en chef en lançant une attaque furieuse contre ses supérieurs de la Marine. 
» Gallagher a accusé Spencer de “s'immiscer” dans son affaire et le contre-amiral Collin Green [commandant les forces spéciales, dont les SEAL] de “montrer une insubordination complète” vis-à-vis de Trump. Il a affirmé que le plan de la Navy de procéder à l’examen du port de l’insigne Trident, – qui aboutit en général à l'expulsion des SEAL, – est “une question d'ego et de représailles”, ajoutant que tout ce qu'il voulait maintenant était de se retirer des militaires en paix. »

Ce que ne précise pas ce texte, c’est qu’a eu lieu une intervention de Spencer dimanche matin, à la suite de ses propres entretiens avec des fonctionnaires de la Maison-Blanche (lesquels ? Il serait intéressant de le savoir) et après l’entretien d’Esper avec Trump et avec le président du comité des chefs d’état-major, – dont il serait étonnant que Spencer n’ait pas été informé, directement ou indirectement.

Quoi qu’il en soit, cette autre intervention publique de Spencer, le dimanche matin, a eu lieu après ces divers entretiens, comme s'il s'agissait d'une réponse défiante de plus. Il s’agit d’une intervention par tweet où Spencer affirme, assez paradoxalement puisque lui-même communique ainsi une position qu'il veut officielle, qu’un tweet n’est pas pour lui un ordre forme, et que le tweet de Trump ordonnant de ne pas retirer son insigne-Trident à Gallagher ne constituait donc pas un ordre formel et devant être exécuté. Cette intervention n’a certainement pas apaisé la situation, mais au contraire accéléré sinon déclenché dans les heures qui ont suivi la décision de mise en pied, tant elle ressemblait dans sa forme à une contestation de plus de l’autorité du Commandant-en-Chef, le président lui-même... Résumé selon le  WashingtonTimes :

« Le secrétaire de la marine américaine a déclaré qu'il ne considérait pas un tweet du président Donald Trump comme un ordre et qu'il aurait besoin d'un ordre formel pour arrêter la révision d'un marin qui pourrait perdre son statut de Navy SEAL.
» “J’ai besoin d'un ordre formel pour agir”, a déclaré samedi le secrétaire de la Marine Richard Spencer. “Je n’interprète pas [les tweets de Trump] comme des ordres formels.”
» Trump avait tweeté jeudi que “La Navy ne retirera PAS l’insigne Trident du SEAL de Eddie Gallagher”, intervenant ainsi dans un examen juridique continu de la capacité du Premier Maître à conserver l’insigne qui le désigne comme un SEAL. »

Ces différents détails et épisodes montrent combien l’affaire est sérieuse. Le comportement du secrétaire à l’US Navy est extrêmement contestable et relève effectivement, dans tous les cas d’une opération d’obstruction, c’est-à-dire quasiment d’insubordination en langage militaire. Les mots d’Esper, bien qu’exempts de violence, sont caractéristique d’une crise grave : le ministre Spencer n’a plus “sa confiance”, chose extrêmement grave pour un collaborateur de ce rang de ministre, et il est donc démis de ses fonctions.

Il faut bien voir que Spencer a posé des actes particulièrement graves du point de vue de l’obligation d’obéissance dans la chaîne de commandement dont Trump se trouve à son sommet.

• Il a soutenu la décision du contre-amiral Green de passer par-dessus la grâce décidée par Trump, en engageant une procédure aboutissant à la radiation de Gallagher du corps des SEAL. (Outre celui de Spencer, Green avait le soutien du Chef des Opérations Navales, le chef d’état-major de l’US Navy, et cet officier devrait normalement se trouver également sur la sellette.)

• Il est avéré que Spencer a eu des contacts avec des fonctionnaires de la Maison-Blanche, sans doute pour obtenir des soutiens et des suggestions pour poursuivre dans la voie de refuser la décision de Trump. Cela signifie fort probablement qu’il a été en rapport avec des fonctionnaires qui sont, à l’intérieur de la Maison-Blanche, des adversaires de Trump comme on en trouve en grand nombre dans lesbureaucraties des divers services de sécurité nationale. Il est difficile de ne pas voir dans cet épisode ce qu’on nomme en termes juridiques “un complot”.

• L’intervention de Spencer du dimanche, où il met en cause le tweet de Trump et réclame de lui un ordre formel sinon il continuera la procédure contre Gallagher rajoute un épisode de plus dans sa démarche d’obstruction/insubordination. Il renforce son attitude qui devient presque un comportement “factieux” par rapport à son Commandant-en-Chef, et ce dernier épisode a dû jouer un rôle décisif dans l’intervention d’Esper (prise quelques heures après le tweet de Spencer) pour le démettre de ses fonctions d’une façon qui ne dissimule en rien sa faute, alors que le départ de Spencer aurait pu se passer de façon plus anodine.

Quoi qu’en puisse dire Gallagher pour expliquer son cas (« question d'ego et de représailles »), toute cette affaire tend à s’inscrire dans la bataille entre Trump et ses adversaires du DeepState (prenons ce terme très vague) et avec ce que certains considèrent avec bien des arguments comme une tentative permanente depuis fin 2015 d’un “coup” contre Trump, pour l'affaiblir sinon pour l’éliminer. On ne peut la classer comme un incident somme toute mineur qui se réduirait à lui-même, à cause de mésententes et d’hostilités à l’intérieur de l’US Navy. Il s’agit d’un élément qui, au contraire, a sa place, par exemple parallèlement à la procédure de mise en accusation de Trump à la Chambre, dans la bataille colossale en cours entre Trump et ses adversaires. Elle a d’autant plus sa place qu’elle s’est faite à ciel ouvert, sans rhétorique de camouflage, et qu’elle touche des matières théoriques et principielles aussi graves que la question de l’insubordination vis-à-vis de Trump au sein des forces armées. 

L’affaire Gallagher-Spencer laisse donc à penser qu’il existe au sein des forces armées, comme dans le champ politique, des parties antagonistes, pour et contre Trump, c’est-à-dire que les forces armées sont également activement et directement touchées par l’énorme crise à Washington. C’est un facteur qui rend encore plus énorme cette crise, dans la mesure où l’implication des forces armées ajoute un élément de violence possible dans des circonstances où la crise générale atteindrait un paroxysme insupportable. Dit autrement et plus dramatiquement : on ne plus exclure sérieusement aujourd’hui que, dans de telles circonstances extrêmes, la possibilité de l’intervention des forces armées, dans un sens ou un autre, existe réellement.

 

Mis en ligne le 25 novembre 2019 à 12H55