Semaine du 14 au 20 mai 2001

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L'extraordinaire (et fausse) image de puissance qu'est en train d'acquérir l'Europe


Il nous est déjà arrivé de citer le chroniqueur Justin Raimundo, qui dirige le site Antiwar.com et qui publie sur ce site une chronique régulière. Raimundo est de l'extrême-droite libertarienne américaine: isolationiste, anti-interventioniste dans les deux sens du mot (adversaire des interventions armées extérieures et des interventions de l'État dans l'économie), plutôt proche des tendances de la démocratie localiste, souvent regroupées sous le nom de jeffersoniens par référence à Thomas Jefferson. Dans nombre de cas, ses prises de position rencontrent celles des Européens qui s'opposent à l'hégémonie et l'interventionnisme américains, et à la globalisation économique. Cette fois, nous voudrions mettre en évidence une autre position de Raimundo, largement répandue dans la droite isolationniste américaine, mais également dans l'establishment washingtonien en général (un des rares sujets, finalement, où se retrouvent ces deux tendances farouchement adversaires par ailleurs). On trouve cette position détaillée dans sa chronique du 14 mai. Cette chronique est un commentaire du vote hostile à l'Amérique à la Commission des droits de l'homme (le 3 mai), et c'est une attaque en règle contre l'Europe, et, plus particulièrement, contre l'Union européenne en tant que ''European socialist super-state''. Ce texte est édifiant dans la mesure où il montre àquel point la méconnaissance de la réalité peut conduire le jugement d'un esprit qu'on peut estimer par ailleurs lucide et sans véritable conformisme; méconnaissance dans le sens d'une fausse représentation, d'une appréciation complètement déformée, d'une mesure absolument tronquée, par rapport à la réalité européenne aujourd'hui. (Méconnaissance complète de l'état réel des institutions européennes, dénoncées comme ce super-État: ces institutions sont plutôt marquées par la velléité, la faiblesse, la pusillanimité, et l'impuissance dans l'action, particulièrement depuis l'entrée en activité de l'actuelle Commission européenne.) On peut noter que cette méconnaissance se retrouve chez certains opposants nationaux européens, chez les conservateurs eurosceptiques britanniques, chez les souverainistes français.


L'Inde a effectué un tournant de 180° vis-à-vis des États-Unis: une évolution aventuriste?


Un pays s'est complètement singularisé dans sa réaction vis-à-vis de l'initiative US d'un système anti-missile (MDS): l'Inde a soutenu avec enthousiasme le projet américain, généralement accueilli au mieux avec réserve, au pire avec hostilité. Cette position indienne donne lieu àde longues analyses,, parce qu'il s'agit d'un événement géopolitique important. L'Inde espère recueillir de ce ralliement des avantages importants pour sa position régionale, notamment vis-à-vis des positions respectives de la Chine et du Pakistan, en obtenant le soutien américain. Du côté américain, d'où est venue l'impulsion initiale pour ce rapprochement, l'appréciation est enthousiaste (il faut dire que les Américains ont aujourd'hui si peu de soutiens extérieurs, sur le MDS et le reste, qu'un rapprochement avec l'Inde est une aubaine). Les plus enthousiastes parmi les membres de l'administration GW Bush, en général à la droite de cette administration, jugent que l'Inde pourrait devenir un allié stratégique fondamental face à la Chine. Cette idée pourrait prendre encore plus de corps, selon l'évolution japonaise, notamment si le Japon choisissait de prendre une certaine distance par rapport aux positions hostiles des Américains face à la Chine. En Inde même, cette évolution du gouvernement nationaliste a provoqué une forte opposition du parti du Congrès, actuellement dans l'opposition, au nom de la politique traditionnelle de non-alignement de l'Inde. Une analyse européenne de l'événement note, comme dans d'autres cas et d'autres situations, les perspectives déstabilisantes de cette nouvelle poussée américaine: ''un rapprochement aussi affirmée entre l'Inde et les États-Unis risque de donner à l'Inde un poids particulier dans la région, et d'activer l'antagonisme entre l'Inde et le Pakistan d'une part, l'Inde et la Chine de l'autre, et même entre l'Inde et la Russie. Le paradoxe de cette perspective très déstabilisante est, d'autre part, qu'elle rapprocherait indirectement des pays actuellement séparés par des tensions indirectes: le Pakistan, proche des fondamentalistes musulmans, et la Russie qui leur est hostile. Quoiqu'il en soit, on voit à nouveau Washington soutenir une équipe nationaliste dont le comportement pourrait devenir aventuriste.''


Le Royaume-Uni dans l'euro? Le problème est que Dieu n'est pas d'accord


Voici qui montre l'intensité paradoxale du débat électoral britannique, par rapport aux questions européennes. Les arguments font désormais entrer les appréciations théologiques. Ici, il s'agit des affirmations d'un économiste dévot, le chief economist of the Institute of Directors, Greame Leach, qui fait entrer Dieu dans la bataille de l'euro, en affirmant qu'Il (Dieu) est défavorable à l'entrée du Royaume-Uni dans la monnaie européenne. Leach cite beaucoup la Bible dans ses attendus. Cette incursion du religieux est inattendu mais pas véritablement surprenant, surtout (paradoxe encore) venant d'un économiste. Il s'agit d'un débat, dans lequel sont l'euro et la question de l'intégration européenne pour nombre de Britanniques, qui s'alimente à la question du libre-échange et du marché libre. Ces thèses économiques ont des racines religieuses, le capitalisme et le libre-échangisme faisant partie de l'héritage religieux protestant dans la mesure où ces conceptions économiques s'alimentent aux conceptions même de ces tendances religieuses (refus d'une autorité terrestre, assurance que l'enrichissement constitue une marque de la vertu religieuse, etc). Dans le vocabulaire économique des libre-échangistes et des partisans du marché libre, il y a l'idée que le marché, s'il doit ne répondre à aucune autorité terrestre autre que ses propres lois, répond en fait à une ''main divine''. Il n'est pas étonnant que cette référence apparaisse dans la campagne électorale britannique, qui est marquée autant par la vigueur et le radicalisme des positions politiques que par l'indifférence de l'électorat, interprétée par certains comme une sourde hostilité à la classe politique.