Semaine du 15 au 21 juillet 2002

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Alan Greenspan est venu au Congrès, les médias ont cru que c'était pour rassurer tout le monde, — et Wall Street continue à plonger

Alan Greenspan va au Congrès, ce 15 juillet, faire rapport sur la situation économique (il s'agit de son rapport bisannuel au Congrès). Tout le monde l'attend, surtout à Wall Street. Le patron de la Fed ne manque pas de dire quelques mots sur ce qu'il juge être la bonne santé de l'économie américaine, qui sont aussitôt mis en exergue par la presse américaine de grande audience. Certains commentateurs moins enclins à applaudir toute appréciation optimiste ne manquent pas de relever cette interprétation de l'intervention de Greenspan, en précisant que l'essentiel de son rapport est, lui, beaucoup moins complaisant. L'un d'entre eux résume ainsi la venue de Greenspan au Congrès, pour cet aspect publicitaire confronté à la réalité :


« Anxious not to set off a wave of selling in what he described as “skittish” financial markets, US Federal Reserve Board chairman Alan Greenspan offered some reassurances on the state of the American economy when he delivered his semi-annual report on monetary policy to the Senate on Tuesday. The “mildness and brevity” of the downturn, he said, were an indication of an “improvement in the resilience and flexibility” of the US economy which had held up “remarkably well.” The “fundamentals” were in place for a “return to healthy growth.”

» These remarks formed the basis of media reports to the effect that the Fed chief was “upbeat” on the economy. But the market failed to respond and declined by a further 160 points and in the body of Greenspan’s speech there was nothing to back up the claim. Indeed, some of the facts he cited point to a worsening economic outlook, both for the US and world economy. He warned, for example, that spending would “continue to adjust for some time to the declines that have occurred in equity prices” and that there were still “considerable uncertainties” about adjustments in capital spending, the rebound in profitability, corporate malfeasance and global political events. »


La visite de Greenspan au Congrès représente bien un événement de notre temps, quoiqu'en ait voulu le président de la Fed. Greenspan a effectivement sacrifié aux pressions venues de l'administration et il a tenté d'y répondre comme il a pu ; on dit que, notamment mais certainement de façon très significative, il y a surtout eu des pressions amicales de Bush-père, dont Greenspan est resté proche (déjà, au début de 1992, il avait incurvé sa politique monétaire pour faciliter la relance économique au prix de quelques risques, et tenter d'apporter de l'aide à Bush-père, alors lancé dans sa campagne pour tenter de se faire réélire). Mais, comme on le voit également, les propos rassurants de pure circonstance n'ont pas réussi à rassurer, notamment parce que le reste du rapport, plus réaliste, peint des perspectives difficiles.

Greenspan n'est pas optimiste, et il le laisse savoir. Il a laissé entendre qu'il trouvait critiquable le comportement de certains dans l'administration GW, voire de l'administration en général. En contrepartie (?), certains, dans l'administration mais surtout autour d'elle, chez ses soutiens les plus extrémistes, demandent la tête de Greenspan, d'une façon ou d'une autre. Les reproches qui lui sont faits sont économiques et monétaires, certes, mais teintés d'une forte appréciation politique. Dans ces milieux minoritaires mais très influents auprès des dirigeants de l'administration, on reproche à Greenspan d'être un peu trop internationaliste dans ses conceptions. L'approche unilatéraliste, si fortement ressentie dans les affaires stratégiques et militaires, devrait commencer à pénétrer sérieusement l'approche économique. Les premières mesures protectionnistes du printemps en sont un signe. Le problème n'est pas de savoir si cela est cohérent, acceptable, équilibré, économiquement concevable, etc ; l'Amérique post-9/11 de GW ne s'embarrasse pas de ces appréciations.

Israël installe une “société de survivance”, à l'image des conceptions de Sharon et de GW Bush

Diverses indications montrent que l'économie d'Israël est en train de se détériorer à très grande vitesse, alors que ce pays s'installe dans la répression permanente, et d'une efficacité douteuse même sur le court terme, des zones palestiniennes qui l'entourent. L'attention portée sur Israël, sur les attentats palestiniens, sur la répression systématique, s'est un peu érodée. On s'installe dans la pratique quotidienne, d'une situation non seulement difficilement acceptable, mais qui nourrit constamment des tensions extrêmement dommageables pour Israël.

Dans le Los Angeles Times, le 21 juillet, Jo-Ann Mort, secrétaire nationale de Americans for Peace Now et auteur du livre Our Hearts Invented a Dream: Can Kibbutzim Survive the New Israel?, trace un portrait effectivement très pessimiste et préoccupant de la situation israélienne, — du point de vue économique, comme on l'a dit, mais aussi du point de vue humain, dans le domaine psychologique.


« ... The “situation,” as Israelis call this new intifada, has cost the Israeli economy 2 million tourists a year. Economic growth is expected to be less than 1% in the coming year, while unemployment is projected to hit nearly 14%. The combined weight of security costs, lack of tourism and general gloom has slowed the economy dramatically. According to the Likud finance minister, Silvan Shalom, foreign investment has almost completely dried up, and Israeli investment is also slowing. The situation has prompted Shalom to call for steep cuts in the defense budget.

(...)

» A terrible feeling of stalemate hangs in the air here--a feeling exacerbated for all but the most hard-line by President Bush's recent speech, which many believe added to the lack of movement on both sides. There is also a profound disconnect between Israeli public opinion and the current Knesset leadership, with consistent public support, even among the right wing, for a two-state solution, for a cold peace, if not a warm one. About 60% of the public supports unilateral withdrawal to the 1967 lines, and a clear majority even supports unilateral evacuation of most of the settlements. But with the Labor Party a participant in the current government, and with Sharon managing the Labor members of his Cabinet with the skill of a master puppeteer, there is no leadership strong enough to rally support for the kind of policy changes that could alleviate Israel's security and economic concerns. The new head of Labor, Binyamin Ben-Eliezer, who still sits as defense minister in the current right-wing government, hopes that the economy will resurrect Israel's center-left from oblivion when new elections are set. But real change will take more than hope.

» The only growth industry currently in Israel is security services, as every business requires a guard. Young soldiers patrol the Jerusalem streets intermittently in their green army jeeps. With Palestinians in the territories on virtual lockdown, suicide bombings were certainly slowed, but as Israelis learned last week, they have not been eliminated. And the human suffering among Palestinians is becoming intolerable. »


De façon assez frappante, mais non sans logique on en conviendra, la situation israélienne ressemble à la situation américaine. La situation israélienne est plus pressante, plus dramatique, sans aucun doute, mais la structure et la composition de cette situation est semblable : accent presque exclusif mis sur la sécurité, économie souffrant de ce choix, avec notamment la fuite des investisseurs, profond désarroi de la population avec des ruptures dramatiques de fond avec la direction politique. Les ralliements de la population à Sharon, de type épisodique, et en rapport avec des attentats ou une brutale détérioration de la situation, sont finalement du même type que le ralliement américain à GW Bush.

Dans les deux cas, nous avons affaire à une société qui est brusquement devenue une “société de survivance”, préoccupée essentiellement de “tenir” sans qu'on sache jusqu'où, en attendant quoi, etc ; car les buts donnés par les gouvernements respectifs sont aussi dérisoires que leurs politiques sont brutales, et également dérisoires parce que brutales (le but pour Sharon, la liquidation d'Arafat ; le but de GW, mais largement érodé et discrédité depuis, la liquidation de ben Laden). La proximité entre Sharon et GW est donc beaucoup plus grande qu'on aurait pu croire originellement ; il s'agit de gouvernements extrémistes, enfermés dans des politiques maximalistes de pure réaction, dans une tension qu'ils sont eux-mêmes obligés d'entretenir pour survivre. Finalement, on découvre que leur propre idée de survivance politique correspond à la “société de survivance” qu'ils ont si puissamment contribuée à installer. Si bien qu'on se demande si ces “sociétés de survivance” ne sont pas, pour l'essentiel, de pures créations de ces gouvernements, assurés, selon leur propre calculs, de tenir tant que subsistera cette forme de société.