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Le président GW Bush a annoncé, le 23 avril, la vente à Taïwan d'un lot très important de systèmes d'arme avancés. Parmi ces systèmes, plusieurs sous-marins à propulsion classique (diesel). Cette décision particulière a été suivie, dans les heures et les jours qui ont suivi, d'un désordre bien significatif. Les USA ne fabriquent plus de sous-marin à propulsion classique depuis les années 1960, ayant choisi la voie exclusive du nucléaire. (Il n'était pas question de livrer des sous-marins nucléaires àTaïwan, à cause de la technologie très avancée de ces unités.) Pour tenir cet étrange engagement d'une vente de ce qu'on ne possède pas, l'hypothèse a été aussitôt émise que les USA se tourneraient vers leurs alliés, principalement l'Allemagne et les Pays-Bas. La possibilité que ces pays livrent des sous-marins à Taiwan à été annoncée. Réponses aussitôt négatives. C'est un acte significatif de la part de deux pays, jugés d'habitude alliés fidèles et vrais amis des USA en Europe. Dans ce cas, ils sont liés par des législations internes et/ou communautaires réglementant les exportations d'armes, et surtout ils ont considéré les dommages que de telles ventes causeraient à leurs relations avec Pékin. On a alors, par un exemple sur le vif, un aperçu saisissant de l'influence considérable qu'exercent la politique étrangère et les législations de réglementation qui en sont inspirées sur les ventes de systèmes d'arme avancés ou stratégiquement importants. L'épisode met en lumière la complication sous-jacente à tous les projets de fusion des industries d'armement entre les USA et l'Europe, dès lors que les politiques étrangères diffèrent. S'il y a une certaine unité de politique étrangère entre les pays européens, en plus des liens communautaires, par contre, entre les USA et l'Europe, et plus encore avec la nouvelle administration, l'obstacle semble de plus en plus s'avérer insurmontable.
L'affaire contribue à marquer encore plus nettement les différences existant désormais entre alliés transatlantiques (sans que l'argument français, l'habituel bouc?émissaire des querelles transatlantiques, entre en ligne de compte dans ce cas). En attendant, la vente de sous-marins à Taiwan est devenue un dossier insaisissable, suspendu à l'affirmation péremptoire mais jusqu'ici bien théorique du Pentagone que les chantiers navals américains sauront parfaitement relancer la production de sous-marins à propulsion conventionnelle.
L'élection de Junichiro Koizumi à la tête du Parti Démocratique Libéral Japonais le 24 avril, puis sa désignation comme Premier ministre le 27 avril, sont considérés de façon générale comme un tournant essentiel pour le Japon de l'après-guerre. Les événements y conduisent de façon inéluctable: la crise endémique de la deuxième économie du monde (la troisième, si l'on compte l'UE comme une entité économique); la crise montante entre les USA et la Chine, qui menace la stabilité de l'Asie et du Pacifique; les transformations en cours aux États-Unis, avec la mise en place d'une nouvelle politique de sécurité nationale. Qui plus est, Koizumi, pas trop âgé (59 ans) et décidé, s'est imposé comme leader du PDL à l'issu d'un processus qui ressemble plus à un putsch intérieur, avec notamment le soutien de la presse, et, dit-on, des milieux capitalistes japonais, contre une direction politique totalement paralysée et ossifiée. Avec lui, une ministre des affaires étrangères, Makiko Tanaka, fille du Premier ministre Tanaka des années 1970, qui a aussitôt fait des déclarations ouvrant des perspectives nouvelles, notamment pour les relations du Japon et des États-Unis. Plus encore, certaines analyses vont jusqu'à envisager la possibilité de modifications radicales du régime politique japonais, si l'actuelle tentative de redressement économique de Koizumi ne réussit pas dans le cadre démocratique normal. Il s'agit de spéculations et d'hypothèses, mais le climat et les circonstances y invitent en leur donnant, pour la première fois, le crédit du possible. La période est potentiellement révolutionnaire, au niveau des relations internationales comme au niveau des développements de la globalisation. Il était difficilement concevable que le Japon, avec sa puissance économique, reste bloqué dans le marasme gérontocratique de sa direction politique héritée de la période de l'après-guerre; une direction rajeunie et d'une génération différente, dans une telle période, est un premier pas vers des changements importants. Pour mémoire, et en se rappelant que Koizumi a été imposé par l'extérieur du système, par la puissance médiatique et économique du pays, on terminera en précisant que le nouveau Premier ministre a acquis le surnom de “mini-Gorbatchev”.
Sa première interview depuis son installation, à l'agence Associated Press pour ses cent jours à la Maison-Blanche, montre un GW Bush dans une humeur inhabituelle pour un nouveau président. L'interview est centrée sur son insistance à déclarer qu'il n'a pris aucune décision en ce qui concerne une nouvelle candidature en 2004, qu'il n'est pas du tout évident qu'il se représentera. Le bon sens tendrait à nous dire qu'il n'y a là rien d'exceptionnel, que le président n'en est qu'à ses débuts, qu'il a effectivement tout le temps de prendre une décision. Il n'est pas sûr que le bon sens ait encore sa place dans les pratiques politiques. Au contraire, il apparaît que, par rapport aux normes de ces pratiques, effectivement sans lien avec le bon sens, l'attitude de GW Bush est inhabituelle. Le reste de ses propos, montrant à la fois une modestie qui pourrait paraître forcée et une certaine complaisance pour l'incertitude, ne font qu'accentuer l'impression générale que l'on a, de se trouver devant un homme énigmatique et aux intentions difficiles à percer à jour. Paradoxalement, GW Bush, qui apparaît comme une créature du marketing politique, tend par son comportement à échapper aux normes de ce marketing (dès son installation, en janvier 1993, nul n'ignorait que Clinton briguerait un second mandat, et on le devinait déjà en campagne). Ce constat ne suffit pourtant pas pour cerner de façon décisive sa personnalité. La grande question à propos du président américain demeure: est-il un homme complètement insignifiant et terne, installé à la Maison-Blanche par inadvertance? Ou bien est-il un homme réservé, au caractère marqué mais caché, actuellement prisonnier d'une machinerie et qui tentera peut-être de s'en libérer? Aucune réponse, aujourd'hui, ne peut être avancée.