Semaine du 9 au 15 avril 2001

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Le général neutre qui fait pression pour la défense européenne


L'élection du général Hagglund, chef d'état major de l'armée finlandaise, à la tête du comité militaire de l'UE, à la fin mars, avait amené quelques réactions inquiètes, surtout britanniques. L'idée développée était que la présence d'un général neutre (non-OTAN) à ce poste allait éloigner encore plus la structure européenne de défense (la PESD) de l'OTAN. Cette idée, qui n'est pas sans fondement, est toujours dans l'air. En attendant, Hagglund, qui a été confirmé à son poste, a fait sa première intervention publique et a montré une grande détermination. C'est effectivement un avis très répandu à son propos, qu'il est un officier général d'une très grande qualité et l'un des officiers généraux les plus influents dans son pays. (C'est d'ailleurs un fait en général reconnu que les pays européens de l'UE affectent des officiers d'une très grande qualité à la structure militaire PESD.) Hagglund a le soutien complet du pouvoir politique finlandais et sa présence devrait donner une dimension intéressante au Comité Militaire, qui est l'organe militaire suprême de la structure PESD. D'une façon général, les partisans d'une défense autonome européenne affirmée sont satisfaits de cette nomination, à cause du prestige dont bénéficie la Finlande ; ce pays est neutre mais il a une tradition militaire éprouvée et il est habitué à des positions politiques affirmées sur les questions de sécurité. Pour ces partisans d'une défense européenne autonome, la nomination de Hagglund est beaucoup plus satisfaisante que n'aurait été celle de son concurrent pour la désignation, le chef d'état-major de l'armée italienne.


La gauche israélienne a-t-elle rejoint le camp de la guerre ?


L'éditorialiste israélien Ran HaCohen analyse le 13 avril l'évolution de la gauche israélienne dans les conditions nouvelles qui se sont installées avec l'arrivée au pouvoir d'Ariel Sharon. Son constat est net, comme l'indique le titre de son article (« Israeli Left Sells Out the Peace ») : la gauche israélienne a rejoint le camp de la guerre. HaCohen cite plusieurs intellectuels de gauche, qui exposent désormais une logique prenant en compte l'état de guerre de facto, et notamment le professeur Shlomo Avineri, professeur de sciences politiques à l'université de Jerusalem. Avineri propose un plan consistant à suivre la logique d'Oslo, tout en renforçant certains points extérieurs, notamment par la liaison des implantations des colonies les plus proches au territoire israélien, par des annexions. Le plan qui se dessine revient de facto à une proposition faite l'année dernière par le stratège américain Edward Luttwak, de replier Israël sur des frontières sûres et défendables et de se constituer en forteresse pour poursuivre la lutté contre les Palestiniens en les “contenant”.

Ce qui est remarquable dans la citation d'Avineri que fait HaCohen, et révélateur de l'état d'esprit de la gauche israélienne, c'est le développement d'une logique moralisante (« Le refus palestinien de finir le conflit ne peut en aucune circonstance justifier l'occupation continuelle par Israël telle qu'elle pris forme en 1967 »). En d'autres termes, et en tenant compte des conditions particulières de la situation israélienne, la gauche israélienne est en train de suivre la même évolution que celle de la gauche libérale en Occident (aux USA et en Europe), particulièrement évidente lors de la guerre du Kosovo : elle devient de plus en plus belliciste, et elle deviendra en même temps de plus en plus moralisante. D'une façon générale, Israël, dans sa structure et dans sa conduite politique, ressemble de plus en plus au système washingtonien, particulièrement développé du temps de Bill Clinton : la direction du pays très fortement influencée par une structure bureaucratique militaro-industrielle à l'image du complexe militaro-industriel américain, portée à bout de bras par l'aide américaine qui est gérée par le Pentagone ; une classe politique au crédit réduit par l'usure du pouvoir et les querelles intestines ; une soi-disant “opposition” libérale/progressiste devenue un soutien du War Party et qui le dédouane avec une rhétorique moralisante.


La vraie “crise” de Bush : avec ses faucons


La vraie bataille autour de l'avion-espion américain posé sur l'île de Hainan s'est passée à Washington, entre GW Bush et ses faucons, ses extrémistes de droite qui voulaient, et veulent toujours, un traitement particulièrement vigoureux contre la Chine. Durant la crise elle-même, jusqu'à la restitution de l'équipage, Bush a tenu ses faucons à distance, comme l'exposent David E. Sanger et Steven Lee Myers dans le New York Times. L'attitude du secrétaire à la défense Rumsfeld (un faucon) pendant toute la crise fut l'illustration de cette situation : quasiment pas un mot en public sur la question, alors qu'on n'ignorait pas qu'il était évidemment pour une attitude ferme, plus ferme que celle qui fut suivie. La libération de l'équipage de l'avion a complètement changé la situation. Rumsfeld est aussitôt apparu sur le devant de la scène (tandis que Colin Powell passait au second plan), pour dramatiser la perception des événements et durcir le ton officiel. Il n'est pas sûr que cela réponde au voeu de Bush, mais cela exprime l'avis général de la fraction dure du parti républicain, dont le poids est important. Les idéologues extrémistes, Gary Bauer et William Kristol, parmi d'autres, ont publiquement et explicitement critiqué l'attitude de l'administration Bush. On a compris alors que la vraie crise est moins entre les USA et la Chine, sur l'île de Hainan, qu'à Washington même, entre modérés et extrémistes. L'enjeu, c'est le traitement qu'on va appliquer à la Chine : puissance concurrente ou ennemi déclaré ? Dans cette sorte d'affrontement intérieur où la démagogie conduit les attitudes, la radicalisation a bien souvent le vent en poupe. D'autant que, d'ici quelques semaines ou quelques mois, sortira la Strategic Review du Pentagone, qui doit redéfinir la stratégie des USA, et dont on sait qu'elle met l'accent sur un changement d'orientation de l'Europe vers l'Asie, face à l'émergence de la puissance chinoise. On peut croire qu'effectivement la Chine sera désignée de façon précise, comme un adversaire privilégié. Rumsfeld y veillera.