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774Certaines parties du monde et certains esprits sensibles à la fascination-Système, plus le système de la communication dans sa fonction servile, font grand cas de la narrative du renouvellement de bail de l’unique hyperpower par les USA. Le bail serait en train d’être négocié par les grandes compagnies pétrolières & patriotiques, et attentives aux investissements, et les légions d’experts honnêtes et compétents découvrant un nouveau coup de main de Dieu pour prolonger la main bienfaisante des USA tenant le monde. Il s’agit de la thèse dite Saudi USA (c’est plus court et moins romantique que Saudi America qui est le slogan de Wall Street et de la la presse-Système qui va avec).
Des articles sérieux et secrètement admiratifs, et évidemment avec le ton docte et objectif qui convient, sortent régulièrement sur cette renaissance de la puissance US (voir McClatchy.News le 28 novembre 2013 : «Rise of ‘Saudi America’ will alter globe, prolong U.S. superpower role»). On connaît dans ces colonnes quelques dessous de la narrative, qui retourne celle-ci cul par-dessus tête et douche l’enthousiasme des adeptes de la fascination-Système, par les contributions de notre contributeur “Shalegas Gate” à Ouverture libre, les 11 janvier 2013 et 16 janvier 2013. Il s’agit de la mise en évidence du montage de communication élaboré conjointement par le Corporate Power, section pétrolier, et par Wall Street, pour obtenir grâce à la formule SG (Shale Gas) le nouveau bail que l’on sait pour l’hyperpuissance que l’on sait.
Bien, ce qui nous éveille à cette nouvelle problématique qui permet de chanter un couplet de plus à la gloire de America the Beautiful, c’est que la technique employée pour obtenir les SG, le fracking, fait des dégâts. On recommandera le dossier de nombreux textes publiés par Russia Today sur ce problème des conséquences du fracking, que RT suit de près. Ainsi a-t-on des détails sur les 16 tremblements de terre enregistrés au Texas dans les trois dernières semaines (voir RT, le 28 novembre 2013) et sur le sentiment des habitants des zones touchées par le fracking dans ce même Texas (voir RT, le 29 novembre 2013). Quelle que soit la réalité scientifique (drôle de qualificatif pour cette sorte d’affaire) du rapport entre ce surge inopiné de tremblements de terre et le fracking démentiel lancé au Texas, il se trouve qu’une contre-narrative est en train de se développer, basée sur de solides arguments...
C’est ce qui compte, cet affrontement de narrative, parce que cette polémique n’est pas du type scientifique, catégorie dont on sait l’extrême vulnérabilité face au Système, par corruption et perversion, mais évidemment une polémique de communication, chose beaucoup plus sérieuse et de conséquences beaucoup plus grandes. Cela va jusqu’au point où, loin de se cantonner aux habituels activistes dont l’activité est en général considérée avec la plus grande dérision devant le pouvoir des animateurs du miracle-SG, la contre-narrative touche désormais certaines autorités sensibles au sentiment des électeurs qui confortent leurs positions. C’est le cas de l’État du Massachusetts, où une législation est proposée pour un moratoire de dix ans sur le fracking, le temps que America the Beautiful deviennent Saudi USA ou bien s’effondre c’est selon... On remarquera la rapidité de réaction du Massachusetts suivant la série de tremblements de terre au Texas. Voici quelques extraits du texte de RT sur ce prolongement, le 30 novembre 2013 :
«An environmental committee at Massachusetts Statehouse has approved a bill, imposing a 10-year ban on fracking for natural gas. The move comes as a wave of earthquakes in Texas has raised new concerns over the controversial drilling technique. The Massachusetts fracking moratorium bill is designed to protect the state’s drinking water from possible contamination and thus “ensure that the health and prosperity of our communities is maintained,” according to one of the legislation's sponsors, Northampton Democratic state Rep. Peter Kocot, cited by AP. To become law, the temporary ban on fracking has yet to be approved by the lawmakers and signed by the Democratic Governor, Deval Patrick.
»The Massachusetts legislative move was taken on Friday, the day after Texas was stuck by a 3.6 magnitude earthquake, one in a row of similar episodes during the last three weeks. The finger of blame is being pointed at fracking. The series of small earthquakes caused no casualties, but left local Texas residents fearing worse could be in store. Fracking is a drilling technique that involves injecting chemical-laden water deep into the ground, exploding it and then pumping it back, together with the gas released as a result of the blast. The water is then separated from the gas and is disposed of by being injected back into the ground.
»Anti-fracking sentiment grows among Texans...»
Bien entendu, nous laissons de côté les considérations techniques et scientifiques, aussi bien par notre référence à l’inconnaissance que par notre conviction qu’il s’agit d’un affrontement polémique de communication (narrative et contre-narrative), où la réalité, quelle qu’elle soit, n’a aucune force en soi qui puisse réussir à l’imposer. Seule nous importe ce que nous désignons comme “la vérité du monde”, qui peut se dégager (ou non c’est selon) après l’affrontement de communication opposant des forces ayant choisi chacune un parti, une interprétation, bref une subjectivité. Si l’affrontement le permet comme il semble en prendre le chemin, la “vérité du monde”, à son tour, choisira la sienne, de subjectivité, pour en faire un reflet de la situation vraie et cela adoubera ce choix subjectif de la dimension d’une objectivité fondamentale. Bien entendu, nous ne doutons pas une seconde du choix qui sera fait, encore une fois “si l’affrontement le permet comme il semble en prendre le chemin”, – et cela semble bien possible à cause de la pression d’un élément inattendu, qui est le fait des dégâts (tremblements de terre et le reste) occasionnés directement par l’agression environnementale du fracking.
Un autre point nous attache beaucoup plus et constitue, à notre sens, l’essentiel du commentaire qui doit être fait. Il s’agit du constat qu’illustre cette affaire de l’extraordinaire rapidité du lien de cause à effet réalisé, d’une façon spectaculaire, entre une initiative du Système dans le domaine de l’exploitation économique agressive de l’environnement et l’effet immédiat de destruction du monde qu’il engendre. C’est l’évidence et la proximité presque jusqu’à l’identité du rapport exploitation-destruction que constitue ce lien qui nous paraissent importantes. Placés devant la narrative triomphante de l’illusion-SG, et son immédiate application sous forme de fracking, et, dans l’interprétation qui en est faite, les immédiates conséquences de cette application dans des tremblements de terre et un malaise considérable tant de la population que de certaines autorités, on trouve un exemple sans précédent de lien direct, immédiat, du processus de l’activité extrême du Système produisant instantanément un processus de destruction du monde. Si la tendance se poursuit, on en viendra très vite à une mise en accusation du processus SG-fracking, donc du Système, réalisant en un temps record l’ouverture d’une nouvelle phase de l’équation surpuissance-autodestruction. Cette remarque générale est d’une telle signification à cause des circonstances qu’elle mérite d’autres développements sur lesquels nous reviendrons, qui ont à voir avec le grand débat sur l’anthropocène (voir le dernier article en date s’intéressant à cette question, le 4 novembre 2013), conceptualisant en une ère géologique nouvelle l’intervention déstructurante et dissolvante du facteur sapiens opérationnalisant le facteur-Système issu du “déchaînement de la Matière”, dans le processus aujourd’hui avéré de destruction du monde. (Ce retour sur la question se fera notamment à l’aide du livre L’événement anthropocène signalé par notre ami Christian Steiner le 11 novembre 2013.). Le concept d’anthropocène propose l’opérationnalisation d’une situation où existe un “système-Terre” (ou Gaïa) dans lequel l’activité et la responsabilité humaines sont insérées ; cela permet de faire passer le facteur-sapiens de sa position extérieure de type exceptionnaliste et hors de toute responsabilité fondamentale, à une position intégrée où sa responsabilité dans l’évolution du monde (vers sa destruction) devient une évidence entraînant une appréciation irréfutable.
D’une façon plus politique et pour enfermer le débat dans les limites qui conviennent, qui lui sont naturelles du fait de l’intervention faussaire et des conceptions imposteuses des acteurs du processus, on observera l’habituelle et toujours-exceptionnel réductionnisme des arguments des commentateurs-Système. Les voici, une fois de plus, au milieu des diverses ruines du Système qui s’accumulent, occupés à trouver par les moyens possibles un argument permettant de nous assurer à lui seul de la sauvegarde et de la relance du Système sous la forme de la nième renaissance de l’hyperpuissance-USA, – avec le seul résultat, mais à mesure des ambitions réelles de cette racaille intellectuelle, de faire simplement monter la bourse à l’une ou l’autre occasion, et de pomper quelques dizaines de $milliards d’investissement, évidemment à défaut de la manne énergétique annoncée et certainement avec le supplément des divers tremblements de terre type SG-fracking. Conclure du miracle de carton-pâte de l’événement SG-fracking qu’il va prolonger d’un nouveau siècle au moins le statut d’hyperpuissance de la chose, sous forme du tapis volant Saudi USA, sans tenir le moindre compte de toutes les crises et catastrophes qui s’empilent à Washington, autour de Washington, au-dessus et en-dessous de Washington, c’est réduire la pensée au bulbe frontal d’une tête de trader traitée par les Jivaros. Mais l’on dira que c’est bien le travail des experts-Système, et tout à l’honneur de leur inconscience professionnelle. Lorsqu’on lit dans l’article de McClatchy.News cité plus haut cette conclusion : «The February Citigroup report, titled “Energy 2020: Independence Day,” put it more simply. “The United States should see its role in the world as a singular superpower enhanced and prolonged,” the report says», l’on se dit qu’après tout c’est le moins que puisse faire Citigroup en remerciement des services rendus (en centaines de $milliards) par l’administration Obama, la Federal Reserve et le contribuable américain, pour l’avoir sauvé de l’effondrement triomphant et annonciateur de renouveau de l’automne 2008... Et tout cela est pris au sérieux, certes.
Mis en ligne le 2 décembre 2013 à 05H10