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4735• Une foucade de plus du président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador, dit AMLO. • Comme d’habitude, elle concerne le ‘Yankee next door’ : si les USA persistent dans leur refus d’inviter Cuba, le Venezuela et le Nicaragua au prochain “Sommet des Amériques”, en juin à Los Angeles, AMLO ne s’y rendra pas, réduisant la délégation mexicaine au rang ministériel. • Attitude qui n’est pas inhabituelle chez AMLO, mais qui a un poids considérable cette fois en raison du désaccord mexicain sur Ukrisis. • Contributions : dedefensa.org, RT-France.
Le Mexique d’AMLO (le président Andrés Manuel Lopez Obrador) a quelque chose d’admirable dans son tranquille et courageux entêtement à ne rien laisser passer d’essentiel qui lui déplaise de la part des USA. AMLO et le Mexique s’estiment les défenseurs de la souveraineté et de l’indépendance des peuples-Latinos des Amériques, et ils le disent, et ils le montrent. Ce n’est pas nouveau mais cela est d’une importance considérable alors que ce même Mexique, et la plupart des Latinos des Amériques ont très nettement pris leurs distances de la politique des USA/du bloc-BAO vis-à-vis d’Ukrisis ; alors que AMLO annonce qu’il n’ira pas en personne au ‘Sommet des Amériques’, sur invitation des USA à Los Angeles en juin, si cet hôte si aimable persiste à ne pas inviter Cuba, le Venezuela et le Nicaragua.
D’une façon générale et historique, le Mexique a vis-à-vis des USA une position caractérisée par la phrase fameuse de Porfirio Diaz qui, pourtant, ne rend pas complète justice à son comportement. Cette phrase est rappelée encore une fois dans un texte de Roger D. Harris, le 20 décembre 2018 :
« La citation intégrale de Porfirio Díaz est : “Pauvre Mexique, si loin de Dieu et si près des Etats-Unis”. Le président mexicain Díaz (1876-1880 et 1884-1911) avait au moins à moitié raison. Le Mexique a souffert dans l’ombre du Colosse du Nord, mais le Mexique n’est pas pauvre. Le Mexique est riche à bien des égards, mais il s’est aussi appauvri. Et le Mexique a été grandement sous-estimé par les Nord-Américains. »
En fait, il nous semblerait plutôt acceptable de constater que le Mexique, en apparence écrasé par les États-Unis, montre en réalité une indépendance de comportement étonnant par rapport à ce qu’en jugeait Porfirio Diaz, – et ce comportement très fortement accentué par AMLO (voir le deuxième texte ci-dessous).
Le Mexique est évidemment lié aux États-Unis mais il en est de moins en moins influencé, de plus en plus critique et revendicatif à mesure que décline la puissance américaniste et que grandit la crise de la frontière Sud où, d’une façon générale, le Mexique a nombre de cartes en mains. Il y a même des proximités, voire des arrangements, avec des États de l’Union, contre certaines politiques fédérales. C’est le cas du Texas (qui a la plus longue frontière US avec le Mexique), où des arrangements directs entre Texas et Mexique sont très possibles, aux dépens de la politique anarchique de Washington sur la frontière Sud. AMLO a déjà constaté, en mode de ‘wishful thinking’, qu’il lui serait plus facile de s’entendre avec un Texas indépendant pour sa longue frontière mexicaine (pour l’immigration et pour les échanges économiques), qu’avec les bureaucraties fédérales de Washington D.C.
Un autre élément qui accroit cette ligne critique des USA du mexicain AMLO, qui est d’autant plus tenté de la suivre qu’elle renforce sa volonté d’être le président d’un pays affirmant son leadership idéologique de l’Amérique Latine contre les pressions américanistes, c’est bien entendu Ukrisis. C’est dans le cas mexicain et de l’Amérique Latine qu’on voit, d’une façon d’autant plus révélatrice qu’il s’agit de l’’arrière-cour’ des USA, les dégâts “collatéraux“ produits par Ukrisis, aux dépens des USA. C’est indirectement Ukrisis qui est la cause de cette crise que déclenche AMLO en conditionnant sa venue au ‘Sommet des Amériques’ à la présence du Venezuela, du Nicaragua et de Cuba.
Sa position, qui ne manque pas d’habileté, n’est pas une absence complète, puisqu’il accepte d’envoyer sa délégation au niveau du ministre mais sans y venir lui-même si les trois pays ne sont pas invités. Il n’y viendra que si les trois présidents, honnis par Washington, – Maduro, Ortega et Diaz-Canel, – sont personnellement présents. C’est-à-dire qu’il s’agit d’un défi de symboles dans une époque où la communication qui se nourrit de symboles détermine tout, parce que tous ces présidents symbolisent l’antagonisme des USA avec tout ce qu’il y a d’anti-américanisme radical dans les Amériques, et lui-même, AMLO s’y incluant alors sans grand risque politique : une sorte d’acte d’“extrémisme” par solidarité continentale et culturelle, – tous les avantages de l’extrémisme sans les inconvénients..
La situation est d’autant plus grotesquement ironique qu’entretemps, en mars, Washington a approché Maduro pour envisager de lever des sanctions et obtenir un petit peu de pétrole vénézuélien-s’il vous plaît, pour compenser l’embargo sur le pétrole russe, pour finalement se heurter à un désaccord au nom de la souveraineté vénézuélienne ; et la même chose, il y a deux jours, avec les Brésiliens au nom de la libre-concurrence, alors qu’on faisait du temps de Trump, un grand atout américaniste en la personne de Bolsanaro. (On sera encore plus édifié si Lula parvient à revenir au pouvoir, boosté dans sa position radicale par l’atmosphère présente.)
Les choses vont à ce point et à cette vitesse qu’on est en train de voir se reconstituer cette Amérique Latine, récupérée dans l’entretemps par la ‘cooltitude’ d’Obama, du temps de Chavez & Cie, dans la première décennie de 2010 d’intense opposition à l’administration GW Bush. Cette nouvelle opposition est réellement “nouvelle” pace qu’elle écarte singulièrement les nuances de droite et de gauche, parce qu’il y a une espèce d’unanimisme antiaméricaniste qui touche ce ‘Sud-Profond’ de la planète à l’encontre des insupportables donneurs de leçon du bloc-BAO, – de leur « arrogance désinvolte », comme dit Hubert Védrine qui a nuancé son jugement radicalement anti-Poutine du début de la guerre en Ukraine.
Par conséquent, l’on comprend que cette opposition en train de se dessiner serait encore bien plus significative que dans les années-Chavez, parce que le champ est beaucoup plus large. Qu’on le veuille et peu ou prou, tout cela est précipité par la guerre entre la Russie et l’OTAN, – pardon, l’Ukraine, – et par conséquence directe, tous ces problèmes de dimension régionale s’inscrivent désormais au plus haut niveau dans la GrandeCrise qui bouillonne autour d’Ukrisis. Ils en acquièrent une importance beaucoup plus grande puisque s’inscrivant directement dans le schéma de la GrandeCrise qui grandit littéralement tout ce qu’elle touche. Il ne serait pas étonnant qu’AMLO juge de plus en plus fermement que l’occasion est bonne et belle de développer sa posture de défiance grandissante et de moins en moins “amicale” de son grand voisin en pleine déconfiture.
AMLO est un vieux briscard de la politique, labellisé “social-démocrate” pour rassurer les “experts’ du bloc-BAO, mais qui l’est à la sauce latino-américaine, – c’est-à-dire, avec une touche du guévarisme des années 1960 rehaussé d’un clin d’œil au bolivarisme de Chavez, et un petit air révolutionnaire appuyé sur l’anti-impérialisme remontant aux années 1930 et à la “doctrine Estrada” (du nom du ministre mexicain des affaires étrangères Genaro Estrada) ; il s’agit d’une anti-“doctrine Monroe” (laquelle est l’archétype fondateur de l’impérialisme américaniste) avec de fortes tendances antiaméricanistes et anticapitalistes (du temps, par exemple, où Leon Trotski, que le FBI de Hoover pourchassait avec autant de hargne que le NKVD de Staline, pouvait trouver un accueil chaleureux au Mexique, – même s’il n’empêcha pas Ramon Mercader, du NKVD, d’assassiner en 1940 le fondateur de la IVème Internationale).
Deux textes ci-dessous, tous deux de RT-France que n’aime guère madame van der Leyen, expliquent,
• d’abord (le 10 mai 2022) la décision conditionnelle d’AMLO de ne pas aller à Los Angeles au ‘Sommet des Amériques’ si les pestiférés vénézuéliens, nicaraguayen et cubain ne sont pas invités ;
• ensuite, un texte plus ancien (le 28 janvier 2022), du début de l’année, retraçant le parcours récent d’AMLO et sa place actuelle dans la situation nécessairement complexe (tout, partout, est aujourd’hui complexe) de l’Amérique Latine vis-à-vis des USA. Notre appréciation est qu’il faut lire ce texte comme le cimier sur lequel va se dérouler l’action d’AMLO et des Latino-Américains, Ukrisis ayant depuis introduit un élément réellement dramatique de durcissement considérable des relations entre les deux blocs considérés.
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Le président mexicain menace de boycotter le sommet des Amériques
S'insurgeant contre le refus des Etats-Unis d'inviter Cuba, le Venezuela et le Nicaragua, Andrés Manuel Lopez Obrador a annoncé qu'il pourrait boycotter le prochain sommet des Amériques prévu en juin à Los Angeles.
Le président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador a menacé le 10 mai de boycotter le sommet des Amériques prévu en juin à Los Angeles (Etats-Unis) si Cuba, le Venezuela et le Nicaragua n'étaient pas invités, comme l'a déjà annoncé Washington.
« Si on exclut, si l'on n'invite pas tout le monde, la représentation du Mexique s'y rendra, mais moi je n'irai pas. C'est le ministre des Affaires étrangères [Marcelo Ebrard] qui me représentera », a déclaré le président lors de sa traditionnelle intervention matinale devant la presse. AMLO plaide pour « l’indépendance et la souveraineté » des États d'Amérique.
« Je ne veux pas que l'on poursuive la même politique en Amérique et je veux, dans les faits, faire valoir l'indépendance et la souveraineté, et me manifester pour la fraternité universelle », a poursuivi le président mexicain, qui a conclu le 8 mai à Cuba une tournée en Amérique centrale et dans les Caraïbes.
A La Havane, Andrés Manuel Lopez Obrador a indiqué qu'il avait demandé au président américain Joe Biden d'inviter tous les pays en juin à Los Angeles à ce 9e sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du continent américain, un rendez-vous institué en 1994.
Le secrétaire d'Etat américain adjoint chargé des Amériques, Brian Nichols, a indiqué la semaine dernière dans un entretien télévisé à la chaîne NTN24 que « Cuba, Nicaragua et le régime de Maduro [Venezuela] ne respectent pas la Charte démocratique des Amériques, donc je ne m'attends pas à leur présence ». « Le président [Joe Biden] a été très clair : les pays dont les actions ne respectent pas la démocratie ne recevront pas d'invitation », a-t-il expliqué.
Les Etats-Unis ont sévèrement dénoncé les lourdes peines infligées aux manifestations pacifistes du 11 juillet 2021 à La Havane. Washington ne reconnaît pas la réélection du président du Venezuela Nicolas Maduro en 2019, ni celle du président Daniel Ortega pour un quatrième mandat en novembre 2021 au Nicaragua.
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Comment le président d'un pays du Sud partageant plus de 3 000 kilomètres de frontière avec les Etats-Unis, qui en défend la souveraineté, rejette les ingérences étasuniennes en Amérique latine – notamment à Cuba et au Venezuela –, et veut accorder l'asile à Julian Assange, peut-il entretenir de bonnes relations avec le locataire de la Maison Blanche ? Pour bien moins que cela, Washington traite avec la plus grande hostilité certains dirigeants qui lui tiennent tête. Pourtant, au Mexique, un homme affirme son style. Au pouvoir depuis 2018, le président Andrés Manuel Lopez Obrador, dont les initiales AMLO lui font office de surnom, revendique sa différence.
Les choses ont commencé fort entre lui et Joe Biden. AMLO a été l'un des derniers dirigeants à féliciter le nouveau président américain élu, en mettant six semaines à lui expédier une formule de congratulations lapidaire avant de lui dire dans la foulée tout le bien qu'il pensait de son prédécesseur lors de leur première conversation téléphonique le 19 décembre 2020.
A cette occasion, il lui expose également ce qui fait selon lui le secret de bonnes relations bilatérales : que Washington reste en dehors des affaires intérieures mexicaines. Impliqué dans la politique de son pays depuis les années 1970, AMLO loue le principe de non-intervention et d’autodétermination des peuples. Dans ces domaines, selon lui, Donald Trump, avec qui il a signé un traité de libre-échange, a respecté le Mexique. Ce qui n'a pas empêché AMLO de contrarier l'administration Trump en formalisant, par exemple, sa proposition d'offrir l'asile au journaliste Julian Assange, poursuivi par les Etats-Unis, dans une lettre envoyée à l'ex-président en décembre 2020.
AMLO est-il un OVNI dans le paysage latino-américain compte tenu du type de relation qu'il parvient à imposer, ou est-ce la position géographique du Mexique qui fait que Washington ne peut raisonnablement pas se brouiller avec ses dirigeants ? Pour Christophe Ventura, directeur de recherches sur l'Amérique latine à l'Iris, la réponse est une synthèse des deux. « Lopez Obrador s'inscrit dans certains fondamentaux de la politique mexicaine qu'on avait un peu oubliés depuis quelques décennies », explique-t-il à RT France, se référant aux dirigeants récents du Mexique, volontiers « plus serviles » envers Washington.
AMLO s'inscrit lui dans la «doctrine Estrada, tradition politique mexicaine de non-ingérence, de respect de la souveraineté des Etats pour défendre la sienne, contre les prétentions hégémoniques». Une doctrine délaissée par ses prédécesseurs. Constituant l'idéal diplomatique mexicain, elle tire son nom de Genaro Estrada, ministre des Affaires étrangères qui fixa en 1930 les principes de non-intervention, d’autodétermination des peuples et de règlement pacifique des conflits. C'est la « contre doctrine Monroe » – du nom du président républicain James Monroe (1817-1825). Réactualisée au XIXe puis au XXe siècle, cette doctrine revêt un caractère impérialiste revendiqué avec un effort permanent d'influence militaire, économique et politique sur le sous-continent américain.
A son arrivée au pouvoir, Joe Biden a de son côté exprimé ses meilleures intentions concernant son voisin du sud, soulignant «la nécessité de revitaliser la coopération entre les Etats-Unis et le Mexique, pour garantir une migration sûre et ordonnée, contenir le Covid-19, régénérer les économies de l’Amérique du Nord et sécuriser» la frontière commune. Des chantiers incontournables pour les deux pays, chose que les présidents étasuniens ont bien intégrée : une crispation ouverte avec le Mexique n'est dans l'intérêt de personne.
Comme le rappelle Christophe Ventura, « le Mexique fait partie intégrante de l'Amérique du Nord et la vie économique et politique intérieure mexicaine est indissociable des Etats-Unis ». Les dossiers les plus urgents et les plus importants qui déterminent la vie intérieure mexicaine sont d'abord liés au puissant voisin du nord : 80% des exportations mexicaines prennent en effet le chemin des Etats-Unis, le narcotrafic et la criminalité transfrontaliers sont des problématiques communes, le problèmes des armes qui circulent au Mexique en provenance des Etats-Unis, et la question migratoire avec le Mexique comme seul point de passage terrestre depuis l'Amérique centrale, font que « les deux pays sont imbriqués et interdépendants, c'est quasiment un fait d'ADN », analyse Christophe Ventura.
Premier partenaire des USA dans la région, «le Mexique est une zone très importante pour beaucoup de secteurs de l'industrie américaine avec les maquiladoras [usines situées à la frontière nord du Mexique qui assemblent à bas coût des produits d'exportation] et les sous-traitances, ce qui permet aux Américains de rester relativement compétitifs par rapport aux Chinois puisqu'ils ont la possibilité de délocaliser», explique-t-il.
On l'a compris, la position géostratégique du Mexique fait qu'il est très compliqué pour Washington de se fâcher avec son voisin. « AMLO utilise cela pour essayer d'orienter les relations dans quelque chose qui soit plus favorable à l'Amérique latine », observe Christophe Ventura.
Car Mexico a des moyens de rétorsion sur les Américains. « Si AMLO rompait la coopération en matière de trafic de drogue ou de pression migratoire, les Etats-Unis seraient dans une situation compliquée », résume le chercheur. La communauté mexicaine aux USA, estimée à plus 30 millions d'habitants, très organisée et très active peut également constituer un outil de pression pour le dirigeant mexicain, qui n'ignore rien de ces leviers de négociation.
Fort de ces constats, Andrés Manuel Lopez Obrador s'est déployé à l'international en s'efforçant de faire jouer au Mexique un rôle important dans la région : « Les Mexicains se vivent traditionnellement comme le maillon intermédiaire entre la puissance étasunienne et l'Amérique latine », explique Christophe Ventura. Un intermédiaire qui « peut faire tampon, faciliter les relations entre l'administration américaine et le reste de l'Amérique latine ». Et plus que ses prédécesseurs, AMLO souhaite se positionner de manière active et avoir un leadership accru sur les relations avec le Sud. « AMLO veut d'un côté négocier avec les Américains, répondre à certaines de leurs exigences et de l'autre côté qu'ils appliquent et soutiennent sa feuille de route pour le développement avec des investissements en Amérique centrale, notamment dans le triangle d'or (Honduras, Guatemala, Salvador), au niveau agricole, social, afin d'essayer de tarir les flux de migrants qui passent par le Mexique pour aller aux Etats-Unis », détaille Christophe Ventura pour RT France.
Concernant l'Amérique du Sud, AMLO « ne propose pas une diplomatie militante mais pragmatique », selon le chercheur qui estime que le président mexicain « veut contribuer à un apaisement des crises régionales en particulier au Venezuela, en prônant la non-ingérence ».
Si, comme mentionné plus haut, au niveau intérieur, Mexique et Etats-Unis ne peuvent gouverner l'un sans l'autre et s'en accommodent comme ils peuvent, au niveau régional et international, AMLO a bien l'intention de mener la politique qu'il entend, quitte à froisser parfois Washington.
Ainsi, en septembre 2021, il proposait aux pays latino-américains de s’émanciper des Etats-Unis en redonnant vie à la Communauté d’Etats latino-américains et caraïbes (Celac) lors d'un sommet à Mexico. Son but revendiqué : affaiblir l’Organisation des Etats américains (OEA), dominée par Washington, qu'AMLO veut remplacer par un organisme « vraiment autonome » et « qui ne soit le laquais de personne »
L’arrivée surprise à ce sommet du président vénézuelien Nicolas Maduro, qui ne voyageait plus depuis plusieurs mois et dont le gouvernement est la cible de l'OEA, a été vue comme une application de la part d'AMLO de la doctrine Estrada et un pied de nez à Washington. Le Venezuela est souverain, on ne s'y ingère pas, Maduro est le président du pays, il s'y rend comme tous les autres. Mexico a choisi une posture de neutralité dans le dossier, tout en refusant de reconnaître Juan Guaido, opposant autoproclamé chef de l’Etat vénézuélien. En revanche, des négociations entre le gouvernement vénézuélien et l'opposition se sont ouvertes en août à Mexico, suspendues depuis.
Le président mexicain a en outre accueilli en grande pompe à la même période, mi-septembre, le président cubain Miguel Diaz-Canel invité d'honneur du défilé militaire célébrant le 211e anniversaire du début de la lutte pour l'indépendance du Mexique. En sa présence, AMLO a appelé Joe Biden à « lever l’embargo contre Cuba, car aucun Etat n’a le droit de soumettre un autre pays ». Observant le manège en silence, le locataire de la Maison Blanche n’a pas réagi à l’initiative mexicaine entourant la Celac et le bicentenaire.
L'affront infligé à l'interventionnisme étasunien par son partenaire mexicain n'a toutefois pas empêché Joe Biden d'adresser au même moment un chaleureux message de félicitations à Lopez Obrador pour la fête nationale, déclarant que Mexico était l'«un des partenaires les plus appréciés» de Washington.
« Par rapport aux précédents dirigeants du Mexique, AMLO est le plus exigeant dans son rapport aux Etats-Unis », observe Christophe Ventura, qui qualifie cette relation de « transactionnelle » : « Ce n'est pas la relation d'une province conquise à l'empire, ni une relation de fascination contrairement à une bonne partie de l'élite mexicaine qui est complètement américanisée », détaille-t-il.
Populaire à plus de 60% dans les enquêtes d'opinion comme le rapporte l'AFP, AMLO s'est récemment fait remarquer par des positions critiquées sur la gestion de l'épidémie de Covid, ou encore pour avoir insisté afin d'organiser un référendum révocatoire destiné à consolider sa gouvernance. Il s'agit pour lui de défendre la démocratie participative, afin que « le peuple ait toujours les rênes du pouvoir entre les mains ». Début décembre, à l'occasion du troisième anniversaire de son arrivée au pouvoir, il a annoncé une hausse du salaire minimum de 22% pour l'année 2022. « Cela signifie que pendant notre mandat, l'augmentation du salaire minimum a été de 65% en termes réels », a-t-il assuré.
Vieux routier de la politique mexicaine, AMLO est un dirigeant de centre-gauche, « un social-démocrate, un keynesien qui croit à l'économie de marché et qui pense que l'Etat a un rôle de régulateur. C'est un développementaliste, ce qui lui vaut les critiques d'une partie de la gauche», résume Christophe Ventura. Avec les Etats-Unis, «c'est du donnant donnant. AMLO a le sens de l'histoire longue et il a compris que certains dossiers politiques ou géopolitiques peuvent lui permettre d'affirmer sa force ou de cultiver sa différence. » Autant de leviers de manœuvre dont ne disposent pas de nombreux gouvernements latino-américains, qui affirment leur politique souverainiste et anti-impérialiste dans l'adversité, subissant des sanctions économiques draconiennes de la part de Washington.
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