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387623 mai 2019 – Depuis quelques jours, je sens comme une sorte de paralysie qui, à certains moments, me saisit. Le T.C.-73 d’avant-hieren était le témoin indirect, dans ce texte où je ne pouvais plus que contempler, stupéfait et sarcastique, leur folie extraordinaire parcourant des espaces de notre civilisation, et ne parler finalement que du “vertige crisique” qui me prenait comme il les avait pris. J’éprouve la même sensation, avec plus de force encore, aujourd’hui, à la perception essoufflée de la rapidité des événements du chaos du monde.
Je me rassure finalement en me disant “Sirius”, comme d’autres avant moi l’ont fait, c’est-à-dire prenant de la hauteur, de la distance, de la bienveillance ironique et stupéfaite à la fois, pour mieux m’éloigner de l’objet du vertige et bien mieux l’embrasser dans son entièreté. L’“objet du vertige” ? Avez-vous connu une telle accumulation d’événements crisiques fous de leur propre crise, s’agiter et tourner comme derviches dans le tourbillon crisique ? Chaque jour me vient cette même question : a-t-on jamais vu un tel chaos tourbillonner de la sorte ? Cette question répétée mille fois, et désormais depuis des années qui nous semblent des siècles, chaque jour trouve une nouvelle résonance, chaque jour se trouve justifiée à nouveau, relancée, reformulée. Chaque jour, Sirius opine…
Voulez-vous faire le compte, ou approchant ? L’Europe dans sa crise générale, avec ses crises particulières, de la crise nerveuse macronienne qui emporte Jupiter au Brexit qui emporte le mois de May… Les archers de Trump partent continuellement en guerre sur-place, pour menacer de la faire ou affirmer qu’ils l’ont gagnée, contre l’Iran notamment, tandis que les citoyens américains s’opposentà une guerre contre l’Iran, à deux tiers contre un tiers ; l’administration Trump avec d’autres cordes à son arc, notamment pour une bonne attaque contre la Syrie où, d’ailleurs, les combats n’ont jamais vraiment cessé, avec les Russesqui en sont la cible aujourd’hui. La Libye, jaloux de sa propre crise enfantée par l’UE semeuse de paix, est sur le point d’exploser, plus que jamais chaque jour, aujourd’hui bien plus qu’hier et bien moins que demain. Le pouvoir aux USA ne cesse de hausser le paroxysme de sa guerre civile interne, interminable et sans fin, qui ne peut plus désormais cesser qu’en se rompant. La guerre commerciale entre Chine et USA atteint des paroxysmes d’invectives et enflamme le nationalisme chinois ; le domaine des technologies du numérique entre dans une Guerre froide technologique, toujours entre Chine et USA, avec des oppositions gigantesques et des conséquences catastrophiques en cascade dans le monde entier. La crise de la communication et de la liberté de l’information et de l’expression touche désormais l’ensemble des acteurs et des systèmes de communication…
Tous, toujours, inlassablement, ils écoutent, l’oreille collée au sol, le grondement annonciateur de la Grande Crise financière & Cie du Système qui arrive, guettant le “cygne noire” qui crèvera la première bulle à portée de son bec. Pour bien faire dans cet entraînement vertigineux, on ajoutera le passage rapide du drapeau catastrophique de circonstance, celui cette fois de l’hypothèse d’une éruption volcaniquegéante à Yellowstone, couvrant le monde des cendres du Jugement Dernier.
La Grande Crise d’Effondrement du Système s’est désormais fermement établie dans ses limites naturelles : tous les domaines de la puissance, dans l’ensemble d’un monde où la globalisation de la crise est devenue l’essence même de la globalisation, – ou bien disons, pour bien nous entendre : globalisation crisique. Elle ne cessera plus sur rien jusqu’à ce que cèdent le cadre de notre civilisation-globaleque nous nous promettions pour une durée jusqu’après la Fin des Temps, lorsque nous deviendrions des dieux.
J’arrête là cette liste, cet état des lieux sans véritable surprise qui finirait par lasser mais qui pourtant à chaque instant solliciter un sursaut de notre attention épuisée et affolée, – justement pour en revenir à cette confidence déjà suggérée en tête, que le rythme, la folie, le tourbillon de la chose pourraient agir sur le commentateur comme un vertige paralysant. La démarche même de son métier est en cause : Que choisir parmi tous ces sujets pressants et d’une importance considérable pour chacun ? Sur quoi s’arrêter ? Que privilégier aujourd’hui, qui demain sera emporté pour laisser place à une autre exigence de ces événements déments ? “Rien et tout” répond Sirius, qui en a vu d’autres mais rarement de semblable, et peut-être jamais, et qui s’éloigne encore un peu pour bien saisir l’ensemble de la scène du monde. Il sourit tout de même, presque avec indulgence, mais surtout avec cette infinie nostalgie qui fait la grandeur d’une existence confrontée à ses aléas et à ses incertitudes tragiques.
Sirius contemple la marée du crépuscule, qui emporte tout dans son galop effréné, car nous connaissons par les temps qui courent les plus grandes marées que l’histoire du monde ait connues. Certes, il est question d’une marée plus encore que d’un ouragan, une marée comme quelque chose d’inéluctable, qui n’épargnera rien, la Grande-Marée qui répond au crépuscule du monde et qui en est le signe indiscutable. Sirius sourit avec indulgence, – il sourit de celui-là qui sait de science assurée que telle crise importe vraiment et que le reste importe peu ; de celui-là qui balaie toutes ces vétilles et vous parle de la catastrophe qui pointe et qu’il a devinée, la seule qui compte ; de celui-là qui hausse les épaules devant cet étal de catastrophes car il sait bien qu’une “main invisible”, de complot en complot, anime toutes ces marionnettes ; de celui-là qui balaie toutes ces méchantes prévisions et proclame, sur le ton hystérique et chargé de haines amères de la religion irréfragable, que tout va bien dans la meilleure des prisons, que les Cassandre irresponsables cherchent à miner le Grand-Œuvre du Système… Sirius sourit de la chimère de leurs certitudes : pessimiste(s), optimiste, tous avec leurs idéologies, ils sont tous du même sac et leurs certitudes exacerbées dans tous les sens sont en elles-mêmes autant de signes de cette Grande Marée du crépuscule.
Sirius est assez loin pour embrasser l’exceptionnalité du monde en ces heures et en ces œuvres sombres. Est-il inquiet, angoissé, sceptique et furieux, au fond de lui-même, derrière l’apparence qu’il se donne de la maîtrise de soi ? Je témoigne qu’il y a un peu de vrai dans cette supposition, mais je conçois aussitôt qu’une telle affirmation ne donne rien de la dimension de l’événement observé parce que cette maîtrise de soi qui le tient tout entier à la place où il se trouve est précisément ce qui conduit ses observations et détermine son jugement.
S’il faut tenter de le définir, je le ferais par un mot qui m’est cher depuis si longtemps désormais puisque le temps a passé : l’inconnaissance, qui est en quelque sorte, au-delà des définitions des ignorants, un des signes de l’Éternité, dont je ne cesse d’avoir la nostalgie, et dont la position de Sirius vous invite nécessairement à avoir cette nostalgie. Je ne cesse de méditer, et Sirius n’y manquera pas dans son chef, qui observe le monde du faite de son inconnaissance, mettant ainsi toutes les choses et leurs agitations à leurs places ; méditation dans cette heure des si grands tourments de la Grande-Marée du crépuscule, sur cette invite de l’intuition haute pour définir et comprendre l’inconnaissance si nécessaire, telle que la suggère un texte à la fois grandiose et énigmatique de cette plume mystérieuse de la plus haute métaphysiquequ’est Pseudo-Denys l’Aréopagite, à cette façon que je le citai dans une ancienne chronique d’il y a quelques années :
« ...Plus haut, je parlai de l’inconnaissance comme étant “la métaphysique et la spiritualité les plus hautes qu’on puisse imaginer”. J’avais à l’esprit cette phrase du Pseudo-Denys l’Aréopagite, de son ‘Connaître l’inconnaissable’ que j’ai découvert si récemment et si à-propos, – et cela, sans m’attacher un instant à la référence biblique du personnage qui y est nommé ; simplement, en me référant à l’énigmatique dimension du verbe, de cette phrase qui n’en finit pas, et en la mettant instinctivement dans l’esprit et dans le verbe de celui qui, en mer, la nuit comme je l’ai dit, épousant la mer comme on fait d’une forme parfaite alors que le monde ne semble plus faire qu’Un... “C’est alors seulement que, dépassant le monde où l’on est vu et où l’on voit, Moïse pénètre dans la Ténèbre véritablement mystique de l’inconnaissance : c’est là qu’il fait taire tout savoir positif, qu’il échappe entièrement à toute saisie et à toute vision, car il appartient tout entier à Celui qui est au-delà de tout, car il ne s’appartient plus lui-même ni n’appartient à rien d’étranger, uni par le meilleur de lui-même à Celui qui échappe à toute inconnaissance, ayant renoncé à tout savoir positif, et grâce à cette inconnaissance même connaissant par-delà toute intelligence.” »
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