Situation de la “politique de sécurité nationale” d’Israël

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Nous citons deux textes abordant indirectement, selon des angles très différents, le même sujet qui est la situation de la politique de sécurité nationale, de la position et de la solidité stratégique d’Israël, à la lumière de l’évolution de ce pays, et par rapport à ses relations avec les USA.

• Un ancien agent du Mossad, devenu extrêmement critique des méthodes israéliennes, fait également une analyse extrêmement critique du raid contre la “flottille” humanitaire. C’est RAW Story qui présente cette intervention le 1er juin 2010.

«The former Mossad agent is Victor Ostrovsky, who enlisted in the Israeli Defense Force at age 18 and has since written two books highly critical of Israel's war-fighting apparatus. His first book, “By Way of Deception,” illustrates the brutal and often confusing nature of the Israeli spy service's covert operations, casting the agency as a villain that engages in the drug trade to further their ambitions over the good of Israel. His other book, “The Other Side of Deception,” speculates as to Mossad's greater agenda. The book is available online in its entirety.

»If one were to ask him, he'd say that Israel's raid on the Gaza aid flotilla was “so stupid it's stupefying” – exactly the words he used speaking with Washington Post “Spy Talk” columnist Jeff Stein.

»For one, Ostrovsky suggested, commandos could have approached the ship from under water and disabled the propellers, letting the activists drift for days until their food supplies ran out. He added that Israeli soldiers should not have fast-roped into a crowd as they had, instead suggesting that it would have been more productive to board the ship from the front and back, then work inward. “The mistakes were on every level,” Ostrovsky told Stein, “from the order to forcefully board outside the territorial waters to the actual attack.”

»He ultimately blamed the Israeli prime minister for giving an order to “do something now” instead of making adequate preparations for repelling the vessel from the Gaza shore. He also chastised the Israeli leadership for stopping the boat in international waters, even if its stated destination was beyond the military blockade.»

• Sur Antiwar.com, ce 2 juin 2010, l’avis de Meir Dagan, chef du service de renseignement israélien Mossad, est cité, concernant ce que Dagan évalue de la position d’Israël par rapport aux intérêts des USA.

«Speaking today in the Foreign Affairs and Defense Committee of the Knesset (Israeli Parliament) Mossad Chief Meir Dagan warned that Israel is no longer an “asset” to the United States and is increasingly becoming a burden. Dagan said that the US bellicosity of the 1990s was more conducive to Israel’s ability to rely on American threats to back up their positions, and that President Obama’s election “has been viewed as weakness and influences Israel’s difficulty in diplomatic maneuvers.”»

Notre commentaire

Ces deux interventions, venues de sources complètement opposées dans leurs statuts et leurs conceptions, se complètent pourtant pour confirmer une appréciation générale de la situation actuelle de la politique de sécurité nationale d’Israël. Leur intérêt est que, à l’occasion d’un événement ponctuel (l’attaque de la “flottille” humanitaire), elles convergent pour donner explicitement et implicitement les véritables dimensions de cette situation israélienne, telle qu’elle est devenue d’un point de vue structurel et non plus seulement par sa seule politique, encore moins au travers du seul incident de l’attaque de la “flottille”.

Victor Ostrovsky est un personnage contesté (voir sa biographie sur Wikipedia) et l’acharnement légal, – sans succès, – des services de sécurité israéliens contre lui montre à suffisance que sa critique est ressentie comme très dommageable, donc qu’elle touche juste. L’intérêt de l’appréciation d’Ostrovsky porte moins sur le Mossad et ses activités que sur la situation générale en Israël. Lorsqu’il parle d’une façon très critique de l’“Israel's war-fighting apparatus”, il désigne en fait indirectement tout l’establishment de sécurité nationale d’Israël tel qu’il a évolué depuis le début des années 1980, depuis que l’influence du Pentagone au niveau de sa bureaucratie et de son organisation structurelle s’est faite sentir d’une façon massive. Après une carrière militaire jusqu’au grade de lieutenant-colonel, puis quatre années passées dans le Mossad jusqu’en 1986, Ostrovsky a évidemment pu suivre l’évolution de l’establishment de sécurité nationale israélien dans les deux décennies qui ont suivre, son “américanisation” dans le sens structurel, – ou sa “pentagonisation” si l’on veut employer un néologisme plus proche du processus bureaucratique ainsi décrit. Sa critique de l’attaque de la “flottille”, qui porte aussi bien sur le choix fondamental de l’attaque que sur les modalités tactiques de l’attaque, montre bien effectivement la dégradation des capacités et des conceptions de cet establishment israélien depuis l’époque glorieuse de Tsahal, à peu près jusqu’à la “guerre d’Octobre” (octobre 1973) et l'attaque de commando réussie d'Entebbe en juillet 1976.

Aujourd’hui, l’establishment de sécurité nationale israélien ne raisonne plus qu’en termes bureaucratiques, selon ses intérêts politiques internes. Il ne s’oppose pas à des consignes politiques qui sont basées sur des visions partielles, sinon obsessionnelles, comme celle de Netanyahou dans ce cas, au contraire de la période initiale israélienne où il occupait une position beaucoup plus indépendante à cet égard. La conséquence a été une dégradation des conditions opérationnelles et de l’état d’esprit, puisque tout est conditionné aux intérêts bureaucratiques. La politique de sécurité nationale elle-même, et les opérations qui vont avec, ne sont plus conduites sur leur valeur propre mais selon ces intérêts bureaucratiques, d’ailleurs exprimés en termes très extrémistes sinon obsessionnels, selon une psychologie très fortement corrompue. La valeur des forces a évolué dans le même sens. Il en résulte, comme dans le cas des forces US d’ailleurs, des capacités opérationnelles très lourdes et très spectaculaires (et très coûteuses) mais bien peu efficaces, employées avec brutalité, sans discernement, au service d’une politique extrémiste douteuse et sans la moindre perspective, avec des résultats également douteux qui demandent à être aussitôt interprétés et “habillés” par des campagne du système de communication basées sur les habituelles méthodes de désinformation, de fabrication de fausses informations, de reconstruction virtualiste de la réalité, etc. Cette réalité d’un effondrement de la capacité opérationnelle des forces de sécurité nationale israéliennes a déjà été mise en évidence lors de la “guerre” contre le Hezbollah en 2006.

Ces réalités israéliennes font que les opérations militaires entreprises par ce pays constituent en général des choix stratégiques très douteux, avec des réalisations tactiques qui n’ont plus rien à voir avec l’audace et l’efficacité anciennes de Tsahal, notamment et surtout dans les opérations ponctuelles de commando. Cette situation fait qu’Israël, avec en plus sa politique extrémiste, brutale et illégale, est régulièrement exposé à des attaques puissantes du système de la communication et voit son statut, son audience, son influence en constante dégradation. Pour cette raison, effectivement, Israël devient “un fardeau” pour les USA, au lieu d’être “un avantage” stratégique comme il fut jusque dans les décennies 1980 et 1990, jusqu’à peu près 2003-2004. Les déclarations du chef du Mossad constituent finalement une indirecte et paradoxale confirmation des attaques d’Ostrovsky, mais aussi une confirmation indirecte mais très puissante des déclarations du général Petraeus de mars dernier, mettant en cause l’utilité d’Israël pour les intérêts stratégiques US. (Cette désaffection du Pentagone pour l’utilité d’Israël s’est signalée pour la première fois d’une façon voyante lors de la “guerre” de l’été 2006.) Aujourd’hui, les seuls liens d’Israël et des USA sont de l’ordre de la corruption complète des establishments politiciens, c’est-à-dire, du côté US, du financement électoral des parlementaires US par les fortunes de la communauté juive rameutées par le lobby AIPAC (l’argument de l’électorat juif US étant de moins en moins valable, car la communauté juive US, hors des fortunes mentionnées, est de moins en moins favorable à l’actuelle politique d’Israël). Le soutien US est donc du domaine des déclarations excessives, démagogiques sinon légères par leur vide de sens, et irresponsables par conséquent, faites pour le seul intérêt immédiat, pour le seul effet des campagnes électorales en cours, et relèvent plus d’un système de la communication corrompue que d’une conception politique quelconque. (La déclaration concernant l’attaque de la “flottille” du vice-président US Joe Biden, spécialiste de ce genre d’exercice irresponsable, en est l’archétype pour l’actuelle crise.)

Le paysage général est à la fois consternant et catastrophique. Il mesure la qualité des directions politiques, et de la politique en général, notamment du bloc américaniste (et occidentaliste) en connexion avec Israël. Il s’agit d’une décadence accélérée de la politique réduite aux seuls acquis de la corruption courante, corruption psychologique, bureaucratique et vénale.


Mis en ligne le 3 juin 2010 à 05H25

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