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Quand est abordé l’un des opus majeurs de Platon, le
Callias, beau-fils de Périclès, grand propriétaire foncier et banquier, reçoit le sophiste Protagoras lors de son passage à Athènes.
Le jeune Hippocrate, fils d’une grande maison aristocratique, désire recevoir l’enseignement du maître itinérant et prie Socrate de plaider sa cause auprès de lui.
Toute l’intelligentsia athénienne est présente à cet échange entre un maître en politique (Protagoras) qui vend au plus offrant sa science et un va-nu-pieds (Socrate) qui encombre ses concitoyens avec son questionnement incessant sur les fausses évidences qui sont le fonds de la culture du vulgaire, de l’homme moyen. Y assistent en particulier deux autres grandes figures sophistes qui marquèrent leur temps, Hippias très versé dans l’art de la rhétorique et Prodicos le premier à élever grammaire et les subtilités de la synonymie au rang de science.
Le dialogue est très dense et expose les débats d’idées entre les philosophes et les sophistes. En particulier est discutée la nature de la vertu. De quoi est-elle constituée ? Est-elle une science et à ce titre est-elle transmissible au travers d’un apprentissage ?
Le chapitre central (le 16ème sur 35) exhibe la préoccupation nodale de l’auteur de la République.
« Il faut, pour que la cité subsiste, que tout le monde soit instruit dans cette science qu’est la vertu ». Il conclura beaucoup plus tard à la nécessité d’un prince philosophe pour présider à la destinée de la collectivité politique mal protégée des réussites auprès d’un public qu’ils charment, des rhétoriqueurs plus préoccupés de l’efficace du discours que de justice ou de vérité.
Rhodes Ben est un jeune homme de 36 ans.
Il s’est spécialisé au cours de ses études supérieures effectuées à l’université des beaux-arts de New York orientée dans l’enseignement des arts visuels, du théâtre et des nouveaux medias, dans l’écriture ‘créative ‘ de nouvelles et de fictions.
Auteur des discours du Président B H Obama en particulier celui proféré au Caire en 2009 il est devenu depuis peu conseiller en communication stratégique pour sécurité nationale à la Maison Blanche.
Interrogé par la porte-parole du Comité pour la Sécurité Nationale le 13 juin, il (Rhodes Ben) développe la position officielle et plus qu’ambiguë de B H Obama dans la crise syrienne.
La communauté du renseignement étasunien ‘estime’ en se fondant sur de nombreuses sources ‘indépendantes ‘ que le régime a utilisé à de nombreuses reprise l’année passée des armes chimiques dont le gaz sarin à une petite échelle. Cet emploi aurait occasionné la mort de 100 à 150 personnes sur un ensemble de 90 000 victimes de cette guerre. (sic)
On fait savoir au régime syrien que les Us(a) vont augmenter le champ et l’échelle de leur assistance au Conseil Militaire Suprême syrien, incluant une aide directe y compris l’option d’une présence militaire au sol.
Pressé de répondre que la situation est urgente et mérite une réponse sans délai, le nouvelliste admet qu’il faut la consultation préalable des alliés locaux, Qatar, Turquie et Jordanie les trois bases militaires régionales US et l’identification du bon partenaire dans l’opposition à soutenir.
L’usage allégué des armes chimiques prohibées aurait dû rendre caduque toute négociation avec le régime qui s’en est rendu responsable or il ne semble être un fait rédhibitoire pour tenir la conférence de Genève II.
L’hypothèse d’une zone d’exclusion aérienne est hors de portée à la fois pour des raisons économiques, trop coûteuse, et d’inefficacité pour protéger la population civile.
Le chargé en communication stratégique insiste donc sur la démarche qui consiste à se presser lentement dans la punition d’un régime coupable d’avoir procédé à l’extermination de cent personnes environ parmi la centaine de mille tombée en deux ans de guerre largement menée par des mercenaires et des volontaires internationaux engagés selon des procédures dont il faudra bien un jour dénoncer les modalités. Le milieu takfiriste en Occident est surveillé, infiltré et manipulé depuis les besoins de la cause afghane dès 1989.
La démocratie telle que définie et existenciée par la puissance hégémonique n’interroge pas la notion du ciment réel nécessaire à la vie de la cité. Elle n’admet comme seule vertu citoyenne que la colinéarité avec le mode de perception et d’affects propagés et ajustés à un comportement consumériste. La religion dominante s’en tient à quelques dogmes, soustraits à la pensée critique, d’un droitdelhommisme qui repose sur une liberté abstraite sans justice ni égalité.
Un liant coagule le peuple et prétend l’organiser.
Toute une industrie de la peur y travaille, du point de vue doctrinal, idéologique, médiatique, policier, militaire et cybernétique.
En lieu et place du prince philosophe souhaité par Platon (1), nous avons des sophistes versés en politique minuscule, un artisanat laborieux du mensonge et de la dissimulation, dont le discours est fabriqué par des rhétoriqueurs de piètre envergure. Leur modernité consiste en une amplification sans précédent à l’échelle planétaire de leur discours.
B H Obama est de plus en plus empêtré dans des scandales qui se suivent sans s’effacer les uns les autres.
Ed Snowden annonce au monde entier ce que beaucoup savaient déjà. Les individus, les entreprises, les États sont sous surveillance et parfois objets d’attaques informatiques malveillantes.
L’entrée officielle dans l’ère de la cyberguerre date de 2009 lors du ralentissement des centrifugeuses iraniennes par le virus Stunext, l’annonce de la formation d’officiers spécialisés dans cette pas si nouvelle forme de guerre en 2012 en était un signe supplémentaire.
Il n’est pas assez souligné que la fuite de données relatives à la sécurité nationale étasunienne et internationale provient d’un employé de grade intermédiaire d’une firme privée de moyenne importance. L’Irak a été un formidable champ d’expérience d’une guerre suscitée par des transnationales pour leur renflouement. Le recul permanent de l’État en faveur du capitalisme des copains coquins a permis remplacement qu’une armée régulière y soit remplacée par des ‘milices contractuelles’ dans pratiquement tous les domaines d’intervention régalienne : renseignement, protection des personnes, traduction, interrogatoire des prisonniers.
De même ont été confiées à des firmes privées les écoutes téléphoniques et la collecte et l’archivage de ces données.
Une dictature suppose un dictateur, une personnalité avec une doctrine et un charisme.
Nous avons ici ou là un pantin désarticulé qui lit avec un phrasé plus ou moins convaincant des textes convenus où est convoqué de manière monomorphe depuis la promotion de l’Islam comme le nouvel ennemi le terrorisme islamiste.
Pendant la représentation, La Federal Reserve imprime de la monnaie, sans création de richesse en contrepartie, suivie par la Banque Centrale nippone et bientôt la BCE, conjuration magique sans effet sur le réel de la récession mondiale.
La ville de Detroit, symbole de la puissance industrielle étasunienne – où l’ouvrier a été réduit à répéter le même geste à l’infini- a été réduite à une ville fantôme. Elle a perdu les trois quart de sa population. Sa municipalité vient d’annoncer un défaut sur sa dette, laquelle est principalement détenue par des fonds de pension devenus l’un des facteurs de fragilisation systémique de l’économie mondiale par leur poids.
Écartelé entre les poussées de groupes de pression, le simulacre démocratique étasunien n’exporte plus que ce qu’il continue de produire, dette et guerre. Le récit qu’il se fait et livre au monde est confié à des romanciers au talent incertain. La narration se trouve cependant contrainte dans un chenal étroit, limitée par les ressources qui viennent à manquer et des puissances subalternes qui le contestent. Vingt ans à peine après la chute du mur de Berlin, la dissidence significative quitte l’Ouest pour l’Est, au nom de la Liberté. Les vertueux de notre temps sont-ils les Assange, Manning et Snowden ?
Leur courage s’enseigne-t-il ou ne serait-il pas plutôt contagieux par son exemplarité ?
La finesse de la mise en scène de Platon dans le Protagoras aboutit à une inversion des positions théoriques des deux protagonistes. Finalement, pour Socrate, la vertu, celle nécessaire à l’homme accompli et à la cohésion de la cité, s’enseigne. Elle est science, connaissance et le courage en est une caractéristique, pas une partie distincte et isolable.
Comme science, elle incorpore de l’incertitude et suppose l’acceptation de son axiomatique.
Badia Benjelloun
(1) L’inventeur véritable du paradis et du purgatoire repris par l’évêque de Thagaste pour le compte du christianisme et qui fut contemporain de la chute de Rome.