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1018Lundi, le Parlement européen a donné la liste des trois ultimes sélectionnés pour le Prix Sakharov, sans doute la plus importante distinction instituée dans le bloc BAO, section européenne, pour récompenser des activités de défense des droits civiques et autres “droits de l’homme” (selon les termes officiels des statuts, Prix destiné à «récompenser la liberté d’esprit et les personnalités qui s’efforcent de défendre les droits de l’Homme et les libertés fondamentales»). France 24 présentait ainsi, le 1er octobre 2013 les conditions de cette sélection, ou “nomination”, qui représente déjà, en soi, un acte officiel intéressant, sinon important, de la part du Parlement Européen (PE).
«... C’est sur le nom de cet ancien consultant pour la National Security Agency (NSA), une agence de renseignement américaine, que la Gauche unitaire européenne et les écologistes ont jeté leur dévolu pour concourir au prix, remis par le Parlement européen pour “récompenser la liberté d’esprit et les personnalités qui s’efforcent de défendre les droits de l’Homme et les libertés fondamentales”. [...]
»La Gauche unitaire européenne et les écologistes ont souhaité, en choisissant Edward Snowden, lui rendre hommage pour “l’énorme service” qu’il a rendu aux droits de l’Homme et aux citoyens européens. Dans un communiqué lu devant le Parlement européen, Edward Snowden a remercié les députés de “relever le défi soulevé par la question de la surveillance de masse”. “La surveillance de populations entières, plutôt que de cibler des individus précis, devient la plus grande menace contre les droits de l’Homme de notre temps”, a-t-il également écrit. “Il a risqué sa liberté pour nous aider à protéger la nôtre. Il est le symbole du rejet de l’intrusion dans la vie privée des citoyens. Il faut lui reconnaître un rôle contre cette forme d’oppression insidieuse”, estime l’eurodéputée écologiste Karima Delli, citée par ‘l’Humanité’.
»Le nom du lauréat doit être choisi le 10 octobre par les chefs de groupes politiques du Parlement européen. Le prix sera remis le 20 novembre prochain à Strasbourg. Parmi les candidats, figurent également la jeune pakistanaise Malala Youzafsaï, ciblée par les Taliban pour son combat sur la scolarisation des filles, et les militants bélarusses emprisonnés Ales Bialiatski, Eduard Lobau et Mykola Statkevich.»
L’appréciation générale, dans les milieux européens, est que Snowden a de grandes chances de remporter le Prix, selon la logique du processus réalisé jusqu’ici. Les deux autres présélectionnés (ou groupe de présélectionnés), quelles que soient les situations et les comportements qui ont abouti à leur sélection, ont une notoriété beaucoup moins grande que celle de Snowden et, surtout, sont dans un contexte politique complètement différent. L’argument ainsi développé dans les milieux cités est que la présélection de Snowden entérine officiellement une volonté claire du PE de marquer sa propre position politique, très différente de celle des diverses autorités officielles européennes soucieuses de ne pas interférer sur leurs propres relations avec les USA, que l’on sait extrêmement “respectueuses” de la susceptibilité, et de la puissance de ce pays. «Il serait politiquement illogique qu’après une telle affirmation officielle, le PE n’aille pas au terme de sa démarche, observe une de ces sources. Le seul argument contraire, qui est loin d’être négligeable et qui pèse son poids, peut venir de pressions des autorités européennes contre la désignation de Snowden le 10 octobre, voire de pressions US indirectes et directes, qui doivent d’ores et déjà être en pleine action.»
La présélection de Snowden a attiré assez peu d’attention aux USA, où la presse-Système est complètement absorbée par le government shutdown ; de toutes les façons, le réflexe basique et pavlovien de cette presse-Système dans cette affaire précisément, et dans un domaine symbolique aussi sensible, est d’accorder le moins de publicité possible au processus officiel tant qu’il n’est pas arrivé à son terme. McClatchy.News publie un texte essentiellement factuel, le 2 octobre 2013, mentionnant tout de même l’avis d’un expert français de l’IFRI, Dominique Moïsi, connu depuis longtemps, sinon depuis toujours, pour ses positions atlantistes et proaméricanistes, – mais pratiquant dans ce cas, par réflexe du respect courant chez lui pour les institutions européennes officielles et par prudence de pronostic, une dialectique de type mi-figue mi-raisin...
«Dominique Moisi, an expert on European-American relations at the French Institute for International Relations, cautioned that the nomination says more about the nominating parties than about a broader European view. But even he acknowledged that the inclusion of Snowden in the final three underscores a major difference between the United States and Europe. “Perhaps it says that with the NSA scandal, the United States has isolated itself among democratic countries,” he said.»
France 24 mentionne dans son texte cette observation d’évidence d’une situation du “comble de l’ironie” : «Comble de l’ironie, alors qu’il figure aujourd’hui parmi les candidats au prix du Parlement européen, aucun pays de l’Union européenne n’a souhaité lui accorder l’asile au moment de la révélation du scandale.» C’est surtout reconnaître la position qu’a prise le PE depuis l’origine de la crise Snowden/NSA sur le cas Snowden, à partir de l’émotion considérable soulevée dans les milieux parlementaires européens par les révélations-Snowden sur les structures d’écoute et de surveillance de la NSA en Europe, et notamment dans les institutions européennes. (Structures qui, jusqu’à nouvel ordre, sont toujours en place et toujours “au travail”.) On reconnaît là le comportement assez courant du PE, dans certaines affaires polémiques, de prendre le contrepied des positions officielles européennes de pusillanimité et de prudence. On sait que c’est un caractère constant de l’activité de la représentation parlementaire, qui estime ne pas avoir assez de pouvoir, et qui cherche à interférer sur les institutions exécutives et les gouvernements des pays membres dans leurs actions européennes, en général dans un sens maximalistes, pour faire pression sur ces exécutifs, affirmer son existence, réclamer plus de pouvoir, etc. D’une façon générale, et surtout dans cette affaire Snowden à cause de sa très haute signification politique, on observe ainsi une grande différence entre l’activisme des représentations européennes des partis impliqués, et leurs représentations nationales beaucoup plus prudentes et timides à cause de leur proximité, voire de leurs implications dans les affaires gouvernementales. Il s’agit d’un jeu assez classique, qui est en général d’une importance politique assez pauvre et d’un effet à mesure, sauf pour certaines exceptions d’affaires particulièrement polémiques et politiques. Le cas du réseau Echelon au milieu des années 1990 en est un exemple, et le cas Snowden aujourd’hui, qui poursuit cette veine en quelque sorte, en est un autre.
Bien entendu, le cas Snowden est incomparablement plus important et plus significatif dans le chef d’une éventuelle attribution du Prix Sakharov au whistleblower, que tout ce que le PE a pu faire dans l’affaire Echelon. Dans l’apparat du Système, le Prix Sakharov est extrêmement prestigieux et d’une valeur symbolique qu’aucune autorité du Système ne peut ignorer dans le cadre du système de la communication. C’est assez dire que, si Snowden reçoit le Prix, l’effet public et de communication sera considérable, sans commune mesure avec les réactions pour sa présélection, et cet effet sera sans aucun doute un fait politique de grande importance. La direction washingtonienne et le reste à Washington (la presse-Système) ne pourront pas, et ne voudront pas d’ailleurs passer la chose sous silence. Il s’agira inévitablement, du point de vue officiel US, d’un acte de défiance et d’hostilité de l’Europe en tant que telle vis-à-vis des USA. Les autorités américanistes n’ont pas l’habitude de sacrifier à la subtilité consistant à démêler les différences, les antagonismes, etc., entre les différentes institutions européennes, et l’acte du PE serait alors considéré comme un acte européen, même si les exécutifs européens n’en sont manifestement pas partisanes. Les autorités américanistes considéreront inévitablement ce choix comme un défi à la supposée “bonne réputation” des USA dans une affaire où on a pu mesurer déjà l’extraordinaire sensibilité US à l'égard de l’apparat officiel, des positions formelles, .
Attendons donc le 10 octobre puisque, cette année, le Prix Sakharov, du nom de l’académicien soviétique dissident et Prix Nobel de la Paix 1975, aura sans aucun doute, certainement dans le débat pour son attribution, un réel intérêt politique ; et si Snowden est choisi, nous attendrons alors le 20 novembre, pour constater s’il vient ou non à Strasbourg, en personne, recevoir le Prix, et dans quelles conditions, peut-être dans un avion de la CIA affrété par la NSA, en pleine campagne de redorure de son blason tristement terni dans l’esprit public. Pour nous faire patienter dans ces diverses occurrences, on peut méditer sur l’intéressante nouvelle, et signe que les antiSystème entendent tenter d’utiliser à leur avantage tous les réseaux et connections-Système, de la demande officielle d’un groupe de personnalités russes pour l’inscription de Vladimir Poutine pour la nomination comme Prix Nobel de la Paix. Sans préjuger une seconde de son résultat bien entendu, la démarche en soi vaut d’être relevée, d’autant qu’elle est présentée joliment comme un pendant au Prix Nobel de la Paix usurpé par Obama en 2009. (Selon Russia Today, le 1er octobre 2013.)
«President Putin should get the Nobel Peace Prize for his moves to resolve the Syrian crisis, according to a group of Russian activists and political scientists who have indicated that they are officially proposing the president’s nomination.
»One of the main sponsors of the move, State Duma MP Iosif Kobzon, told reporters that in his view Putin deserved the prize much more than the 2009 laureate, US President Barack Obama. “Barack Obama is the man who has initiated and approved the United States’ aggressive actions in Iraq and Afghanistan, now he is preparing for an invasion into Syria. He bears this title nevertheless. Our president, who tries to stop the bloodshed and who tries to help the conflict situation with political dialogue, is in my view more worthy of this high title,” the Interfax news agency quoted Kobzon as saying.»
Mis en ligne le 3 octobre 2013 à 09H04
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