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620221 octobre 2022 (19H15) – Il est vrai que l’on commence à penser à ces énigmatiques ‘midterms’ dont on découvre qu’elles pourraient changer bien des choses. Jusqu’ici, la narrative européenne, sabre au clair derrière les maréchaux von der Layen et Borrell, tenait pour acquise la réconfortante présence de nos maîtres à tous. L’engagement américaniste sonnait la charge et nous n’avions qu’à suivre, sinon en les précédant, entourant de toutes nos sollicitudes le Grand Maréchal-des-Logis, le président Z., tout de kaki t-shirté à la tête de ses bataillons conformes aux normes de l’OTAN.
Dans ce concert exultant où les stratèges américanistes-occidentalistes font des gammes sur le thème de l’“anéantissement de l’armée russe”, la question des ‘midterms’ n’avait pas beaucoup retenu l’attention jusqu’ici. Dans notre auguste boutique, nous disons depuis longtemps que tout se joue à Washington et que, par conséquent, les ‘midterms’ auront un rôle considérée dans le fait de savoir si les USA continuent à soutenir l’Ukraine comme ils le font, alors qu’il est tenu pour assez très-hautement probable que les républicains vont l’emporter et qu’ils vont, autant par haine des démocrates que sous la poussée de leur aile populiste-isolationniste, très fortement peser contre le soutien à l’Ukraine dès lors qu’ils tiendront les cordons de la bourse (la majorité à la Chambre)... Par exemple, comme nous écrivions le 5 mai 2022 :
« Imagine-t-on que ce puissant bouleversement [une probable victoire républicaine le 8 novembre] alimentant des divisions qui le sont encore plus, puisse être effacé (‘cancelled’) par une cause telle qu’Ukrisis ? Ce n’est certainement pas notre avis. C’est pourquoi nous observons tout cela comme les prémisses d’un tournant radical vers l’essentiel, qui est dans le centre d’intérêt principal de la politique aux USA, avec cette “guerre civile culturelle” en cours depuis 2014-2015 ; et ce tournant, du type-“retour à l’essentiel” se ferait après le lancement sur orbite d’Ukrisis, laissant les stupides Européens en extrémistes anti-Poutine, avec une guerre sur les bras. »
C’est en effet sur ce dernier point que l’on commence à s’agiter, me semble-t-il, sauf bien sûr dans la presseSystème et sur les plateaux chics des TV-capitale où l’on continuer à “anéantir l’armée russe”. Une victoire républicaine pimentée d’une haine redoublée entre les deux camps, d’accusations excrémentielles de fraude des démocrates, conduirait bien volontiers à proclamer : “Vive l’Ukraine, vive le président Z., mais nous avons assez donné et c’est maintenant à nous de nous retenir et de nous replier et aux Européens de passer à la caisse”... Oups.
Alastair Crooke envisage, lui, la question du point de vue monétaire, mettant en avant les fantastiques manœuvres que devraient réaliser les USA pour tenir ce qu’ils jugeraient être leur arme principale : la position privilégiée du dollar. Et bien entendu, il serait nécessaire que les USA, “éclairés” par des résultats adéquats le 8 novembre, abandonnent le soutien financier massif qu’ils accordent à l’Ukraine.
Crooke en déduit alors, fort logiquement :
« Il est alors fort peu plausible que l'UE-seule [devenue seule], – confrontée à sa propre crise dévastatrice, – puisse continuer à financer Kiev comme auparavant [les USA participant massivement au financement de l’Ukraine]... »
Mais que se passerait-il dans ce cas, qui pourrait bel et bien commencer à se dessiner dans trois semaines au plus, selon l’hypothèse la plus souvent considérée ? A cette question répond une autre question, puisque l’Europe est elle-même emprisonnée dans une prisions qu’elle s’est fabriquée et verrouillée avec grands soins.
« Les euro-élites sont trop lourdement investis dans leur voie actuelle pour changer de narration dans un avenir proche. Ils continueront donc à blâmer et à diffamer la Russie, – ils n'ont guère de choix s'ils veulent éviter la colère populaire [puisqu’ils attribuent la crise économique à Poutine]. Et il y a trop peu de signes indiquant qu'ils ont mentalement assimilé le désastre que leurs erreurs ont provoquées.
» Et en ce qui concerne Bruxelles, le mécanisme de rotation des dirigeants de l'UE est largement absent. L'Union n'a jamais été équipée d'une marche arrière, – un besoin que l'on pensait inimaginable à l'époque.
» La question est donc de savoir quelle sera la situation en janvier-février [2023] en Europe. »
Francis Moore, dans ‘The-Duran’, envisage la même évolution pour déterminer « les positions et les opportunités » des principaux acteurs dans l’« arène géopolitique » que constitue l’Ukraine dans son tourbillon guerrier... La Russie et son armée, par exemple ? Eh bien, ces gens réputés pour être des joueurs d’échecs sembleraient réussir aussi bien au poker puisque Moore leur attribue une main disposant de rien moins qu’une ‘Royal Flush’ [“quinte royale”, ou suite à l’as], la combinaison la plus rare au poker (« En fait, il faut jouer plus d'un demi-million de mains au poker avant de voir une quinte royale ») et qui l’emporte sur tout...
« Dans ce contexte, les évaluations des médias américains concernant la position de la Russie sont particulièrement remarquables. Si l'on en croit la déclaration audacieuse du même ‘The American Conservative’, Moscou se trouve désormais avec dans sa main une ‘Royal Flush’. Moscou change sagement de stratégie, renforce sa capacité de défense, lance son offensive et désintègre l'armée ukrainienne, l'Inde et la Chine soutiennent de plus en plus les actions de la Fédération de Russie. L'adhésion à l'OTAN est de moins en moins à l’ordre du jour pour l'Ukraine, et le sort du pays, entre autres, est désormais presque entièrement entre les mains de la Russie. »
“Le sort du pays (de l’Ukraine ), – « entre autres » ? Cet “entre autres” ne désigne-t-il pas rien de moins que l’Europe elle-même, à commencer par les voisins de l’Ukraine ? Que se passerait-il en effet, dans cette hypothèse d’un 8 novembre catastrophique, si la Russie passait la vitesse supérieure en Ukraine ? Laquelle “vitesse supérieure” devrait réserver des surprises comme Mercouris l’a récemment noté (le 18 octobre, autour de 10’ dans la vidéo) à partir d’une déclaration traduite avec exactitude et officiellement lors d’une intervention de Poutine dans sa conférence de presse à Astanas jeudi dernier :
« Un journaliste de ‘Kommersant’ lui demanda s’il pensait qu’il existerait encore un État ukrainien lorsque cette guerre serait terminée, et Poutine répondit que lorsque cette Opération Militaire Spéciale fut lancée, “nous n’avions aucune intention d’occuper l’entièreté de l’Ukraine”, et il utilisa le passé pour dire cela et pas le présent, laissant la porte ouverte à la possibilité que les choses auraient changé... Et j’ai eu l’interprétation de deux Russes à propos de cette nuance, qu’effectivement les choses ont beaucoup changé... Et qu’à la fin de tout cela, il pourrait y avoir la possibilité que l’État ukrainien n’existât plus... »
Observer cela n’est donc pas parler “des autres”, mais observer que bien des bouleversements sont possibles, et qu’alors les Européens, pourraient se retrouver devant ces bouleversements sans la direction totalement assumée et l’engagement des USA pour les raisons qu’on a vues, – qui relèvent comme toujours d’une parole fameuse du général de Gaulle que « Les Américains ne risqueront jamais Chicago pour sauver Hambourg », – soit, que les USA ne risqueraient pas la Grande Guerre Nucléaire Stratégique pour protéger l’Europe.
La question de Crooke est alors de plus en plus lancinante : que feront les Européens, où en seront-ils en janvier-février 2023 ? A cette époque où les grands pays de l’UE continueront leur marche erratique, dans une Allemagne dévastée, une France révolté et une Angleterre se cherchant un nième Premier Ministre ? S’en remettrait-elle à “La Hyène”, comme la nomme Christoforou (prononciation), aux roulements d’épaules des Polonais, à une foucade d’un pays balte, c’est-à-dire confrontés à une incursion russe hors du territoire russe et ukrainien, dans un territoire de l’UE ?