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446724 août 2020 – Dans sa page d’hier, où il faisait quelque retape un peu déplacée pour solliciter des donations pour le site, PhG a également, dans le même texte, donné une rapide appréciation de la crise actuelle, – de la GCES d’une certaine façon très générale, mais plus précisément de la crise Covid19 comme dispositif crisique autobloquant permettant effectivement à la GCES de se déployer.
(Citons analogiquement Bruce Wilds, dans un sens qui explique cette utilisation de Covid19, par qui de de droit-divin, en “dispositif crisique autobloquant” : « [C]’est peut-être de cette manière que l’ensemble du système maléfique a été conçu pour donner tous ses effets. »)
Effectivement, dans le texte F&C référencé, nous citions le commentateur Bruce Wilds exposant sa position vis-à-vis de la crise Covid19, avec notamment la tentation de l’explication complotiste, mais finalement tentation écartée d’une façon assez ambiguë. Aujourd’hui, nous citons un autre commentateur, justement que PhG citait dans sa page d’hier. Il s’agit de Jeffrey Tucker, dans un article originellement publié par The American Institute for Economic Research, repris par ZeroHedege.com.
En fait, ce qui fascine Tucker, c’est la façon qu’ont les gouvernements de si nombreux pays de prendre en même temps les mêmes mesures, alors que ces pays sont nécessairement dans des situations différentes vis-à-vis du virus. Nous ne citerons pas toutes les facettes de ses constats et commentaires de ces constats, mais l’idée de l’incohérence est vite évidente dans la mesure où tous les pays ne sont pas dans la même situation endémique, alors qu’ils prennent par mimétisme les mêmes mesures. Certes, un argument ou l’autre peut être dénoncé par l’une ou l’autre sentinelle des cohortes de médecins et sommités spécialisées qui arpentent les talk-shows sanitaires devenus désormais une catégorie à part entière de la TV d’‘information’, – mais franchement, cela nous importe si peu puisque ce qui nous importe est importe est finalement la situation complotiste...
« Par exemple, vous ne pouvez pas essayer des vêtements dans un magasin au Texas ou à Melbourne, ou à Londres ou à Kalamazoo. Qu'est-ce que cela signifie ? Nous savons que le virus COVID ne peut se développer sur les tissus, sauf si je suis moi-même infecté, que j’éternue dans mon mouchoir et que je le mets ensuite dans votre bouche. Tout cela n'est qu'une ridicule poussée de mysophobie, comme la plupart des règles qui régissent notre vie depuis le début de cette pandémie.
» Ensuite, il y a eu la confusion entre l’intérieur et l’extérieur. Tout d’abord, tout le monde a été forcé de rentrer à l’intérieur et les gens ont été arrêtés parce qu’ils étaient à l’extérieur. Plus tard, une fois que les restaurants ont commencé à ouvrir, les gens n’ont pas été autorisés à entrer, alors les établissements de restauration se sont empressés de rendre possibles les repas en plein air. Sommes-nous censés croire que le virus a vécu à l’extérieur pendant un certain temps mais qu’il s’est ensuite déplacé à l’intérieur ?
» Ou ces couvre-feux... Il y en a tellement dans de nombreux endroits, malgré l’absence totale de preuves que la propagation du COVID préfère la nuit au jour. Je suppose que le véritable objectif est de mettre un terme aux festivités qui pourraient rassembler les gens pour s’amuser ? C’est comme si tous nos gouvernements avaient décidé le même jour que COVID se répandait par le sourire et le plaisir, alors nous devons bannir les deux. »
Comme on le voit, Tucker n’y comprend rien et, fort naturellement, il se tourne vers l’explication par le complot. C’est une tendance très humaine en général et très fortement répandue en ce moment, chez les uns (Système) et les autres (antisystèmes), – bref, chez tout le monde, et qui arrange tout le monde d’ailleurs... C’est ce qu’on pourrait nommer, en guise de plaisanterie absolument amicale, le ‘syndrome de Shamir’ :
« Dès lors se déploie une prolifération extraordinaire de cette activité intellectuelle nommée ‘complotisme’, dont nous avons récemment parlé, et dont Israël Shamir dit d’une façon qu’on pourrait juger cynique ou/et candide (puisqu’il use beaucoup du complotisme dans ses analyses), que les théories complotistes lui sont utiles pour expliquer l’inexplicable, – sans souci de leur véracité semble-t-il, puisqu’il n’émet aucune réserve à cet égard :
» “J’aime bien les théories de la conspiration ; elles tentent d’injecter un sens à des ensembles de faits divers qui, autrement, n’auraient aucun sens. Elles font entrer le Logos dans notre vie, comme le dirait notre ami E. Michael Jones.” »
Pourtant, Tucker ne peut s’y résoudre. Peut-être trouve-t-il la démarche un peu trop facile d’une part, un peu trop exaltée d’autre part, un peu trop peu rigoureuse, etc. Mais il faut surtout dire que Covid19 est très particulier parce que la durée de la chose, son exposition au su et au vu de tous, son opérationnalisation directe à la vue évidemment critique de chacun, son rôle constant d’allumeur d’incendies et d’attiseur de braises, en fait le plus colossal complot à ciel ouvert que cette catégorie particulière de l’espèce humaine (les-comploteurs) ait jamais développée. Enfin, Tucker a une autre explication, extrêmement tentante, dont on sent qu’elle l’excite et l’inspire à la fois, – et comme on le comprend, puisqu’il s’agit de la sottise paralysée de nos gouvernants.
« Et le timing de tout cela semble étrangement suspect. Tous ces pays et États ont mis en œuvre ce spectacle de clown obligatoire en même temps, que les cas soient partout ou nulle part.
» Aux États-Unis, c’était fascinant à regarder. Les arrêts, ou divers degrés de confinements, ont eu lieu dans tout le pays. Dans le Nord-Est, le virus s’était déjà largement répandu vers l'immunité collective. Le Sud s’est arrêté en même temps, mais le virus n’était pas au rendez-vous. Lorsqu’il est arrivé, la plupart des États du Sud avaient déjà rouvert. Le virus ne semble pas s’en soucier, dans un sens comme dans l’autre.
» Observant tout cela, il est facile d’invoquer la conspiration comme explication. Il y a quelque part une main secrète qui guide tout cela, pense-t-on. Comment tant de gouvernements dans le monde ont-ils pu simultanément perdre la boule et abolir les libertés des peuples d'une manière aussi cruelle, tout en piétinant tous les droits de propriété et d'association ?
» J'ai tendance à résister aux grandes théories de la conspiration sur ce sujet simplement parce que je doute sérieusement que les gouvernements soient assez intelligents pour les mettre en œuvre. D'après ce que je peux voir, ces gouverneurs et ces hommes d'État semblent décider des choses dans une folle panique et s’y tenir ensuite juste pour prétendre qu'ils savent ce qu’ils font.
» La théorie de Pete Earle dite du ‘pot commun’ semble expliquer pourquoi persistent des mesures rigoureuses même sans qu’aucune action contre le virus ne soit engagée.
» Mais comment expliquer l'imposition de règles aussi ridicules en même temps dans tant de régions du globe ?
» Je vous invite à examiner une étude très intéressante publiée par l'Académie Nationale des Sciences : ‘Explication de la diffusion homogène des interventions non pharmaceutiques COVID-19 à travers des pays hétérogènes.’
» Un titre plus clair pourrait être : ‘Comment tant de gouvernements se sont comportés si stupidement à la fois’. La théorie qu'ils avancent me semble très réaliste :
» “Nous analysons l’adoption d’interventions non pharmaceutiques dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) au cours de la phase initiale de la pandémie de coronavirus 2019 (COVID-19). Compte tenu de la complexité associée aux décisions relatives aux pandémies, les gouvernements sont confrontés au dilemme suivant : comment agir rapidement lorsque leurs processus décisionnels de base reposent sur des délibérations équilibrant les considérations politiques ? Nos conclusions montrent qu’en période de crise grave, les gouvernements suivent l'exemple des autres et fondent leurs décisions sur ce que font les autres pays. Les gouvernements des pays dotés d’une structure démocratique plus forte sont plus lents à réagir face à la pandémie, mais sont plus sensibles à l'influence des autres pays.”
» Ces responsables sont pour la plupart des avocats spécialisés dans le débauchage et l’enfumage des électeurs. Les ‘autorités de santé publique’ qui les conseillent peuvent obtenir des titres de compétences dans ce domaine sans avoir beaucoup avoir étudié la médecine, encore moins l’avoir pratiquée. Alors que font ces responsables ? Ils copient les responsables des autres gouvernements, afin de dissimuler leur ignorance.
» Comme le dit l'étude :
» “Bien que notre étude ne puisse pas juger du moment ‘optimal’ d‘adoption pour un pays, il s’ensuit, d’après nos conclusions sur ce qui semble être un mimétisme international des choix et décisions d’intervention, que certains pays ont peut-être adopté des mesures restrictives plus tôt que nécessaire. Si tel est le cas, ces pays peuvent avoir encouru des coûts sociaux et économiques excessivement élevés et peuvent avoir des problèmes à maintenir les restrictions aussi longtemps que nécessaire en raison de la lassitude des autorités.”
» Autrement dit : les fermetures, les verrouillages et les mesures de rigueur imposées n’étaient pas des mesures scientifiques. Il s’agissait d’un enchaînement de copiages. Les expériences de psychologie sociale sur la conformité permettent de l’expliquer mieux que toute autre chose. Ils voient certains gouvernements faire des choses par imitation d’autres gouvernements afin de s’assurer qu'ils évitent tout risque politique, quel qu’en soit le coût. »
La crise Covid19, dont parle ici Tucker, est remarquable à bien des égards, et complétement différente de toutes les autres crises : par sa durabilité, sa résilience, sa capacité de relance, évidemment son universalité (sa globalisation) et son ouverture presque aguicheuse à toutes les théories de complot possible, enfin son domaine qui semblerait à première vue complètement neutre par rapport aux grandes querelles politiques, idéologiques, voire anthropologiques de notre temps, et qui ne l’est absolument pas, – sinon au contraire, champ ouvert et béni pour ces querelles, comme il est largement ouvert à tous les complots possibles.
Cette importance de la crise Covid19 est donc à la fois centrale, originale et inédite. A cet égard, nous allons citer à nouveau le texte déjà référencé de PhG, à un passage qui situe l’importance de la crise-Covid19 désormais sur un terme assez remarquable et significatif (six mois) :
« Je crois que la crise Covid19 est, avec ses effets et ses conséquences, et sa progéniture directe et indirecte d’autres crises en cascade, un terrible piège aux mâchoires d’acier refermées sur notre dialectique politiquement-couchée et notre pensée emprisonnée, et jaillit de cette morsure le sang glauque et informe de la bienpensance et de sa transparence. Ce piège, nous ne sommes pas prêts de nous en sortir tant les mâchoires sont d’une force inimaginable.
» Dans cette terrible bataille (“Nous sommes en guerre”, dit imprudemment Macron), nous avons nous-mêmes, – disons que je parle de nos dirigeants, – fixé les conditions, c’est-à-dire l’absence de condition d’une capitulation sans condition du virus pour affirmer la puissance de nos valeurs et l’irréfragable vertu du Système. Mais un virus et notamment celui-là, insalissable et mutant comme il est, et venu des noires profondeurs de l’enfer, n’est pas un adversaire à qui l’on peut imposer l’absence de quelque condition que ce soit, de même qu’il n’y a pas de “risque-zéro” dans une pandémie. Nous sommes ligotés dans notre affirmation grandiloquente de soutenir tous ces absolutismes théoriques qui sont la garantie dialectique et de communication de la nécessité du Système. Nous n’en sommes pas sortis et nous n’en sortirons pas. Covid19 est notre iceberg né du réchauffement climatique et nous gueulons fièrement et non sans élégance “Je suis Titanic !” »
Cette importance fondamentale de la crise Covid 19 ne l’est pas dans le domaine lui-même [sanitaire], ni dans les circonstances de la crise, ni dans ses attendus ni dans ses conclusions, etc. C’est une “crise par déflection”, c’est-à-dire dont l’importance est indirecte, par rebond, à plusieurs bandes, dont l’effet est incompréhensible directement ; une crise des structures (structures sociales et structures psychologiques) bien plus qu’une crise d’une ou de l’autre sorte du contenu de ces structures et de ces psychologies. Elle n’est une crise que parce que tout le reste (GCES) est en crise, mais tout le reste est maintenu en état très actif, éruptif, explosif, parce que la crise-Covid19 ne cesse de faire pression dans ce sens. Elle est une crise dans le sens où le soufflet qui ranime les cendres ou relance le feu de cheminée qui menace de mourir est une part extérieure mais absolument essentielle de la crise qu’est le feu de cheminée en cours. (Ou bien, mais d’une façon un peu plus aléatoire, prenez le rôle du vent dans un incendie de forêt.)
Si l’on va aux plus petits détails et circonstances, – sans parler des énormes morceaux comme l’économie elle-même, – on rencontre de telles situations. Le rôle du port ou non du masque dans telle ou telle circonstance, dans tel ou tel lieu, est un sujet constant d’accrochages, de protestations publiques, de prétexte pour des excès divers, entretenant de toutes les façons possibles le climat de crise, venu de nombreuses et diverses crises, et qui ne cessent de miner nos structures sociales et nos psychologies. Le pompier qui combat Covid19 est l’incendiaire de toutes les autres situations crisiques possibles.
Alors, le miraculeux dans tout cela, c’est que cette part de la crise GCES qui n’a pas un contenu crisique essentiel, mais qui est un réanimateur des crises spécifiques lorsqu’elles tendent à décliner, est également totalement ouverte aux théories complotistes, et même de façon plus générale, au complotisme en tant que structure même de la pensée crisique que nous imposent les circonstances.
Sans le moindre doute comme nous l’avons déjà constaté à plusieurs reprises, aucune crise, aucune circonstance n’a autant sollicité le complotisme que la crise-Covid19. Cette attitude remarquable du jugement, qui répond à un besoin extrême sinon paroxystique de rationalisation, – la marche de la déraison par la passion de la raison, – est sollicitée dans tous les sens, et absolument par tout le monde, que cela vienne des contreforts et sentinelles du Système ou des commentateurs-fantasmagoriques de l’antisystème classique, des anarcho-trotskistes ou des entropistes de droite, des institutionnels ou des francs-tireurs ; et le constat est celui d’une extension exponentielle de la tendance depuis Covid19, jusqu’à ce qui devient ainsi selon nous une sorte de changement de nature (d’ontologie) du domaine du complotisme.
Comme illustration du propos, voici cette remarque encore très récemment, lorsque nous (PhG) parlions du vaccin anti-Covid annoncé par Poutine, signalant toute une gamme d’hypothèses venues du complotisme ; et aussi bien, sinon plus, le complotisme comme une pratique ‘d’État’ (des pays antirusses), lorsque le soufflet-Covid19 exerce son effet sur un artefact-crisique de la puissance de la mise en cause furieuse et haineuse du président de la fédération de Russie Vladimir Poutine :
« Notre étrange époque est devenue une immense usine à complots, – énorme usine à gaz certes, mais ‘usine à gaz de complots’ ; c’est-à-dire produisant un gaz étrange qui, en se liquéfiant, devient un complot, et chacun avec des versions différentes, des options, couleurs métallisées en supplément, des complots de première classe, des complots de seconde classe, des complots avec réduction ou des complots dotés d’un turbo-superchargeur. Rien qui ne soit comploté, usiné, affuté, pour obtenir tel et tel résultat par un incroyable imbroglio d’enchaînement avec cascades d’effets en conséquences et de conséquences en effets, chaque fois avec le personnel qui va bien mis au courant dans le sens qui va bien ; et les tireurs de ficelles, les montreurs de marionnettes, devenus légions et divisions irrésistibles, le clin d’œil complice, l’absence d’arguments encore plus irrésistible qu’une batterie d’arguments à la Dupond-Moretti, la conviction peinte aux couleurs vibrantes de l’entre-soi (un complot est toujours ‘entre-soi’, dans la communauté des internautes, entre netizens). »
Le complotisme, qui dispose comme vecteur d’une puissance absolument exceptionnelle le système de la communication, est devenu un facteur essentiel de la crise ; un formidable soufflet à désordre, et d’ailleurs dans tous les sens puisque le côté-Système n’en est pas avare, comme on ne cesse de le signaler, pour expliquer les terribles dangers que court l’innocent et vertueux ‘Monde Libre’ face aux intrigues russes, chinoises, iraniennes... Plus encore, le complotisme est devenu aujourd’hui un facteur essentiel de la structure crisique de notre époque crisique parce qu’il entretient constamment la fonction de soufflet sur l’incendie de la crise-GCES qu’assure la crise-Covid19.
Nous dirions donc, comme l’on dit de quelque chose qu’elle est “d’utilité publique”, que le complotisme et les concepteurs de complot travaillant en équipes virtuelles (un peu comme, dans les studios de Disney, les dessinateurs réalisaient aux temps héroïques, les films long-métrage de dessin animé) devraient être salués comme étant ‘d’utilité crisique’. Sans eux, la dynamique crisique n’aurait certainement pas, ni cette force, ni cet élan, ni cette résilience. En machinant son entreprise crisique générale, le ciel a parfaitement choisi ses exécutants.
Il arrive un moment où la perception se retourne, où, arrivé à un point d’épuisement d’une orientation donnée, la production de perception se renverse. La question est de savoir si nous ne sommes pas à un tel moment pour ce qui concerne le complotisme et les complots, et la réponse est évidemment positive : l’essentiel est le complotisme et sa fonction d’agitateur de désordre est absolument vertueuse et nécessaire à la bonne marche du monde au rythme de la GCES. Il importe alors, surtout, que toute cette agitation ne découvre pas par mégarde ce qui pourrait bien être le pot-aux-roses cosmique qui permet au complotisme de fonctionner : le fait qu’il n’y a pas de complot...
« Le complot de Covid, c’est qu’il n’y a pas de complot » : qui donc a dit cela ? Ce ne peut être que Coluche, du haut des cieux où il observe cette époque qui l’aurait fait tant rire que l’on parvient à l’entendre d’ici... Effectivement, la crise-Covid19 doit être perçue comme un immense réceptacle de tous les complots possibles où chacun greffe ses propres illuminations, sans qu’aucun complot n’apparaisse finalement car alors disparaîtrait tout l’effet essentiel d’entretien de la GCES qui est préoccupation absolument centrale.
Finalement, le paradoxe des paradoxes, et là où la perception se retourne sur elle-même pour devenir vertueuse en plus d’être extrêmement utile, c’est que cette rumeur incessante, ce bruit de fond du complotisme contribue à entretenir une telle tension qu’il constitue un obstacle quasiment insurmontable à d’éventuelles entreprises de capture et d’enfermement des esprits par une sorte de soft-dictature globalisée, une démocrature surdimensionnée. Là où se trouve le nœud du paradoxe des paradoxes qui nous importe, c’est que la plupart des complots que développe le complotisme privilégient évidemment cette sorte de prévisions d’“une sorte de soft-dictature globalisée” (que n’en entend pas là-dessus, et que n’en lisons-nous pas pour ceux qui ont ce courage, à propos de ces démocratures de la globalisation, d’un gouvernement mondial, etc.) ; or, si nous faisons l’hypothèse que ces complots n’existent pas, nous faisons également l’hypothèse que l’agitation des esprits et des psychologies engendrées par ces fausses prophéties entretienne une tension qui est objectivement cet “obstacle quasiment insurmontable” dont nous parlons plus haut, empêchant la tension de tomber et rendant si difficile notre capture dans les filets de cette sorte de soft-dictature globalisée.
Plus encore, même, car le fait est bien que le phénomène nous maintient “sous tension”, comme l’on dit d’un circuit électrique. Il nous tient éveillés devant la possibilité d’événements extraordinaires, hors du champ de nos prévisions (et de nos complotistes dénonciateurs furieux de comploteurs), quelque chose qui interviendrait pour transmuter cette situation de désordre et d’effondrement en quelque chose de structurée qui nous offrirait notre sauvegarde, et accomplirait effectivement une apocalypse dans le sens d’une renaissance après l’effondrement. Ainsi, les complots qui n’existent pas importent bien plus que ceux qui réussissent ; et il ne faut pas écarter ceci, qui n’est pas un complot, que le destin peut avoir un certain sens de l’humour dont il saurait user à notre dépens, c’est-à-dire aux dépens de notre complotisme invétéré.
Même les dieux savent en rire, on dirait même qu’ils le savent bien mieux que nous.
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