Soros, Apocalypse Now

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Le milliardaire-investisseur George Soros a donné une interview à Newsweek qui fait du bruit. En gros, elle pourrait se résumer par le titre du film fameux, Apocalypse Now. Divers extraits et analyses de cette interview ont été repris, notamment sur le site d’Occupy (le 24 janvier 2012) ou sur le site WND (le 24 janvier 2012). Nous reprenons ici le texte du Russia Today, ce 25 janvier 2012, qui donne une bonne analyse commentée de cette intervention d’un homme célèbre pour sa fortune, ses ambitions politiques, ses réseaux d’action et de subversion et les tendance d’organisateur de “complots” divers qui lui sont prêtées.

«Soros, 81, previously bet against the British pound in the early 90s and made $1 billion off its collapse. In the years since, he’s remained active in investing, but also in advocacy. He’s helped keep Wikipedia afloat thanks to impressive contributions and through donations to the Tides Center, has indirectly funded Adbusters, the Canadian anti-capitalist magazine that put Occupy Wall Street on the map. Speaking to Newsweek recently, Soros neglected to acknowledge his past successes, but instead offered a word of warning: a period of “evil” is coming to the western world.

»“I am not here to cheer you up. The situation is about as serious and difficult as I’ve experienced in my career,” Soros tells Newsweek. “We are facing an extremely difficult time, comparable in many ways to the 1930s, the Great Depression. We are facing now a general retrenchment in the developed world, which threatens to put us in a decade of more stagnation, or worse. The best-case scenario is a deflationary environment. The worst-case scenario is a collapse of the financial system.”

»Soros goes on to compare the current state of the western world with what the Soviet Union was facing as communism crumbled. Although he would think that history would have taught the globe a thing or two about noticing trends, Soros says that, despite past events providing a perfect example of what is to come, the end of an empire seems imminent. “The collapse of the Soviet system was a pretty extraordinary event, and we are currently experiencing something similar in the developed world, without fully realizing what’s happening,” adds Soros.

»Soros goes on to say that as the crisis in the Eurozone only worsens, the American financial system will continue to be hit hard. On the way to a full-blown collapse, he cautions, Americans should expect society to alter accordingly. Riots will hit the streets, says Soros, and as a result, “It will be an excuse for cracking down and using strong-arm tactics to maintain law and order, which, carried to an extreme, could bring about a repressive political system, a society where individual liberty is much more constrained, which would be a break with the tradition of the United States.”»

Soros termine, selon le compte-rendu RT, par un rayon de lumière inattendu, – si inattendu qu’on le croirait venu des infinis espaces divins, ou bien d’un script hollywoodien, d’une audace presque infinie… «[I]f the US manages to make it through the troubled times to come, it come allow the nation to enter another golden era. “In the crisis period, the impossible becomes possible. The European Union could regain its luster. I’m hopeful that the United States, as a political entity, will pass a very severe test and actually strengthen the institution,”». Là-dessus, RT ne peut s’empêcher d’ajouter, en connaisseur puisque russe, et que la Russie a effectivement expérimenté la chute de l’URSS, et que tout bon Russe comprend parfaitement qu’avec les USA ce sera infiniment pire : «With almost seven percent of Americans living below half of the poverty line, four unemployed Americans for each job, a shrinking middle class and an increasingly overzealous police state, it could very well be a tough road to get there, though.»

L’intervention de Soros est assez en accord avec ses jugements habituels, qui ont souvent été très pessimistes ; on observera que nous n’avons rien à redire à ce pessimisme, qui entre parfaitement dans notre perception de la situation du monde, et qui d’ailleurs devrait être plutôt qualifié de “réalisme objectif” bien plus que de “pessimisme”. Cela n’enlève rien au trouble du personnage, investisseur milliardaire, ayant ainsi profité jusqu’aux pires des excès du système qu’il dénonce comme le “mal” pur (“evil”), d’autre part organisateur de diverses actions subversives (notamment, avec une part importante dans les “révolutions de couleur” des pays de l’ancienne Europe communiste, dans les années 2002-2005) dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles n’allaient certainement pas dans un sens opposé à celui du Système qu’il dénonce aujourd’hui, – et qu’il dénonçait parallèlement, du reste. (Et tout cela, jusqu’à lui prêter un rôle, d'ailleurs effectif mais plutôt réduit, dans la naissance du mouvement Occupy Wall Street, comme le rappelle RT.)

Contradiction ? Machiavélisme ? Pourquoi pas, – tout cela, en plus du reste, une certaine perception justifiée de la situation, qu’il aurait ainsi perçue de façon encore plus intime que le courant des mortels. Certains pourraient penser que ces prévisions de Soros correspondent à un vœu profond d’effondrement d’un monde dont lui-même aurait la recette du relèvement, de la résurrection, au travers d’une “gouvernance mondiale”, etc. Pourquoi pas, et même sans doute ; il ne faut pas réveiller un Soros qui rêve ; sa conclusion, d’ailleurs, semble aller dans ce sens, avec des USA qui n'auraient changé en rien, qui pourraient (ah, ce conditionnel) surmonter ces épreuves et se retrouver dans un âge d’or… Ce n’est plus de l’hollywoodisme, c’est de la philosophie magique d'une bande dessinée pour élections présidentielles (US), qui nous semble contraster douloureusement avec le caractère assez probable des prédictions que nous fait Soros.

Qu’importe si Mr. Soros complote ou pas, puisqu’il y a beau temps que le temps du complot est passé (nous voulons dire, du “complot efficace”). On peut toujours comploter, cela ne mange pas de pain, mais ce serait, dans la situation actuelle de totale perte de contrôle et de transformation du temps historique en période métahistorique, rien qu’une façon de s’occuper sans trop en attendre, si l'on est sage, une très grande efficacité. Bref, cette intervention de Soros est impressionnante, avec juste cette fin qui dénote chez le comploteur-investisseur les traces de l’âge, lorsque le poids des ans finit par vous rapprocher des illusions qu’entretient la prime enfance.


Mis en ligne le 25 janvier 2012 à 09H51