SOTU et mort de la confiance

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SOTU et mort de la confiance

Peut-être l’élément le plus descriptif du discours sur l’état de l’Union (SOTU ou State Of The Union) prononcé par le POTUS (President Of The United states), le ci-devant Obama-II puisque BHO réélu, c’est l’absence de l’ancien sergent Clint Romesha dans les travées du Congrès, derrière la First Lady Michelle. Romesha s’est vu décerner la Médaille d’Honneur pour son comportement au feu avant son départ de l’US Army en 2009. Obama avait décidé de l’inviter pour assister à son discours sur l’état de l’Union, un honneur en général recherché. Romesha avait d’autres occupations, – et l’on comprend bien ce que signifie son geste, et la signification symbolique qu’il faut lui donner.

Le 11 février, Obama déclarait : «When I called Clint to tell him that he would receive this medal, he said he was honored, but he also said, it wasn’t just me out there, it was a team effort.» Le 12 février, ABC.News expliquait à propos de “Clint” : «He has decided to spend the evening with friends from his former unit, Black Knight Troop, 3-61 CAV, [and] his wife Tammy — with whom he celebrates a wedding anniversary Tuesday — and their families.»

… Ainsi le discours sur l’état de l’Union s’est-il fait sans le sergent Romesha, et cette marque d’indifférence, sinon d’hostilité pour le président, apparaît comme un bon symbole de l’atmosphère qui règne à Washington et aux USA, et de l’atmosphère qui a par conséquent accompagné le discours. Même les fastes les plus nécessaires à la célébration de la Grande République ne suscitent plus la simple manifestation du sens du devoir au sein du personnel-Système washingtonien comme du simple citoyen, y compris les médaillés, de la Grande République.

D’ores et déjà, avant même le discours, CNN.News, qui ne cultive pourtant pas l’argument antiSystème, avait signalé, dans une analyse, combien le discours du président n’apporterait certainement rien de nouveau… (Le 12 février 2013.)

«It is the second big speech of his presidency's second act, but there is little or nothing to suggest President Barack Obama's State of the Union Address offers any hope of a new beginning or a new spirit in divided Washington. Consider the vast partisan differences in expectations…»

Après le discours, le même CNN.News développe une analyse (le 13 février 2013) aussi bien du discours lui-même que du “contre-discours” du parti républicain (Marco Rubio, de Floride), et quelques réactions immédiates. (Voir, pour une appréciation générale, une revue succincte de ces réactions négatives, à commencer par celle du Speaker John Boehner, qui préside la Chambre et dirige les républicains, dans PressTV.com, le 13 février 2013.) Dans les extraits ci-dessous de l’analyse de CNN.News, il est dit que ce discours était “un moment crucial” pour préparer un dialogue qui aurait pour but de mette un terme “à quatre années de division partisane et de dysfonctionnement du Congrès”. On peut d’ores et déjà en mesurer l’effet, – complètement négatif, certes.

«It was his fourth State of the Union address and seventh speech to a joint sitting of Congress, and analysts considered it a crucial moment for setting the tone for the political dialogue after four years of partisan division and congressional dysfunction.

»In the Republican response, Sen. Marco Rubio of Florida signaled little acceptance of what Obama proposed, repeating longstanding GOP criticism of what he described as job-killing, growth-snuffing bigger government. “Presidents in both parties – from John F. Kennedy to Ronald Reagan – have known that our free enterprise economy is the source of our middle-class prosperity,” said Rubio, a tea party favorite considered the a rising star in the Republican Party. “But President Obama? He believes it's the cause of our problems.” […]

»With both sides sticking to deeply entrenched positions, the night of competing messages signaled continued partisan division and political showdowns in Washington over the federal budget and further steps to reduce the deficit and national debt. “In many ways, what we heard tonight is the same old, same old argument,” noted CNN Chief Political Analyst Gloria Borger…»

Mis à part la situation conflictuelle washingtonienne qui semble absolument paralysée dans un antagonisme désormais structurel, la variable fondamentale aux USA, aujourd’hui, est de type psychologique, et elle est particulièrement handicapante sinon irrémédiable, ne cessant d’évoluer vers des conditions qui bloquent toute possibilité d'espérer jamais un tournant vers une dynamique positive. CNN.News le mettait en évidence, avant même le discours sur l’état de l’Union (le 11 février 2013) :

«GOP pollster Bill McInturff notes a post-election drop in consumer confidence and says there are parallels to past battles over the debt ceiling and the fiscal cliff. In a consumer-driven economy, a collapse in confidence because of more Washington paralysis could stall an economic recovery that is critical to the president's second term political standing.

»“Economic confidence plays a key role in building the type of optimism that encourages businesses to hire and people to spend,” McInturff writes in a presentation offering his take on what he labels ‘The Washington Economy.’ “It is important leaders in both parties begin to recognize how the tenor, tone and outcome of the policy debates in Washington are actually retarding economic confidence in a way that makes building a sustained recovery more difficult.”

Parmi les réactions d’économistes au discours d’Obama et à la situation économique générale, PressTV.com donne celle de Jim W. Dean, de Veterans Today, le 13 février 2013. On observe notamment, dans ses commentaires, que l’absence de confiance générale que nous mettons en évidence s’étend jusqu’à ceux qui sont en charge de la puissance et de l’équilibre financier de la puissance US, dont on a coutume de dire qu’elle détermine la puissance équivalente de l’économie US. D’un côté, rien d’étonnant à ce que les banksters suscitent de telles réactions à la lumière de ce qu’on sait de leur comportement, notamment depuis la crise de 2008 ; d’un autre côté, cette méfiance générale, qui touche d’ailleurs même les milieux dirigeants washingtoniens, constitue un obstacle extraordinaire de plus pour entamer un rétablissement de la situation, et un élément accélérateur de la dégradation de la situation qui se poursuit : «We are crossing our fingers, hoping for the best, but no one is optimistic. The Republicans and a lot of their constituents’ main concern is that the debt is going to swallow up the country. if they keep printing paper money to cover the debt, we are going have to have a surge in inflation and that is going to kick up interest rates and in the cost of curing the debt it’s going to skyrocket. Everybody distrusts the super financial people because they think they’re actually waiting and wanting the crash, because they can expand the wealth that they have ten times after a big worldwide economic not a recession but a depression.»

Enfin, on citera un avis d’un analyste politique, Chris Dorsey, de Richmond, en Virginie, donnant une appréciation critique du discours dans son aspect le plus profondément faussaire et trompeur… Si l’on veut, c’est l’autre face du constat de l’absence de confiance, ou “pourquoi la confiance est aujourd’hui un caractère psychologique introuvable aux USA”. (Sur PressTV.com, le 14 février 2013.)

«“I was disgusted by the statements from our president, well our so-called president, I think the country is on the verge of collapse and it’s up to the American people to stand up and say we are not going to be debt slaves to the criminals that run our country anymore,” Chris Dorsey, political economist from Richmond, Virginia said in an interview on Wednesday. […]

»[Obama said…] “Together, we have cleared away the rubble of crisis, and can say with renewed confidence that the state of our union is stronger.” Dorsey said that was far from the truth. “The idea that the economy is turning around is ludicrous. It is an insane statement and flies in the face of all facts known to the American people: More Americans are living under poverty, more Americans are requiring government assistance to eat.” He pointed out that the real unemployment rate in America hovers around 25 percent as opposed to the official figure which puts it at 7.9 percent.»

Ce discours n’a évidemment gère intérêt puisqu’Obama ne peut dire que ce qu’il répète désormais depuis plusieurs années, au moins depuis 2010, et qui est strictement balisé par le blocage du système politique et politicien de Washington. Donc, l’aspect remarquable du discours se trouve d’abord dans ce qui l’accompagne (les commentaires, les attentes et donc les déceptions, etc.), ensuite dans le contraste entre l’affirmation d’une part qu’il s’agissait en quelque sorte de “la dernière chance” pour Obama de fixer les conditions du redémarrage d’un dialogue au sein de la direction politique washingtonienne, entre républicains et démocrates et leurs diverses nuances, et d’autre part qu’il n’y avait aucune chance que cette tentative réussisse, donc que cette “dernière chance” n’en était même pas une, comme jouée d’avance. Le scepticisme du commentaire et la méfiance instinctive qui existaient à l’encontre du discours, et qui existent à l’encontre de l’action possible du président, représentent en fait une expression spécifique de circonstance d’un état général qui acquiert sans aucun doute une nature structurelle, qu’on qualifierait plutôt d’inexistence de la confiance, comme si cette chose (la confiance) n’existait plus, et même ne pourrait plus exister. Plus qu’une bataille entre méfiance et confiance, le discours a été l’illustration de l’état de non-confiance, donc de la méfiance, de la défiance, de l’hostilité, du déni, de la haine éventuellement, etc., par défaut, simplement par impossibilité d’envisager quelque état de confiance que ce soit. Il nous apparaît assuré que, si les divisions ont toujours existé aux USA, par contre a toujours existé au sein de l’establishment une conscience commune que l’entente bipartisane (système vertueusement baptisé check & balance) était non seulement nécessaire, mais vitale pour la survie de l’entité américaniste. L’impuissance où se trouve l’establishment de retrouver cette formule-miracle, cette “potion magique” des Pères Fondateurs est le signe le plus profond et l’aspect le plus radical de la crise de dissolution (avant l’entropisation) du système de la direction politique de l’américanisme.

L’establishment washingtonien, et la population US derrière lui, – pour une fois ces deux constituants absolument antagonistes sont d’accord, – sont désormais complètement figés en une sorte de pathologie de la psychologie : leur impuissance à éprouver quelque confiance que ce soit… Et nous parlons de la confiance en tant que telle, que ce soit pour le président, pour le fonctionnement du gouvernement, pour le dialogue bipartisan, pour la situation économique, pour la situation générale. Le phénomène psychologique de la confiance per se semble avoir déserté les psychologies, et cela, cette désertion, est la pathologie elle-même : la chose qui s’appelle confiance n’existe plus... Le Système triomphe à cet égard, ayant réussi à imposer sa séquence équationnelle surpuissance-autodestruction aux psychologies individuelles et à la psychologie collective par conséquent. Le Système règne sur un cimetière où la tombe principale abrite les restes ossifiés de la confiance. Cela valait bien, certes, un discours sur l’état de l’Union, – ce SOTU qui restera finalement comme un diagnostic catastrophé, encore plus sur l’état de la psychologie que sur l’état de l’Union.

Mis en ligne le 14 février 29013 à 09H41

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