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Il y eut à la Commission européenne un vent glacé de gêne et presque de panique discrète lorsque les termes du communiqué du G8 d’il y a un an (à Heiligendamm, en Allemagne, les 6-8 juin 2007) furent à nouveau mis “entre toutes les mains” par la grâce d’un article du Guardian. Une source rapporte l’étonnant “événement” qui a angoissé les couloirs de l’institution européenne : «Tout le monde avait oublié, je dis bien “oublié” à quel point ce communiqué était scandaleusement erroné par rapport à la situation qu’il prétendait décrire, combien il constituait, même involontairement, un acte d’aveuglement ou d’apaisement faussaire par rapport à la situation du système financier, cela à quelques semaines de l’éclatement de la crise. Il y a eu une très grande crainte que le reste de la presse emboîte le pas à cet article et mette en évidence une telle déconnexion des dirigeants du monde avec la situation du monde.»

Nous avions signalé l’article de Larry Elliott du 7 juillet. Il y a notamment, et principalement pour ce propos, ce passage qui en faisait l’introduction:

«...I'm sure the details of last year's communique are etched into your brain but just in case you've forgotten what was agreed in Heiligendamm, here's a reminder. “We noted,” the G8 said, “that the world economy is in good condition and growth is more evenly distributed across regions.” This was June 8 2007, two months to the day before the entire global financial system came to a shuddering halt. If you like your humour black, it's rather funny isn't it?

»But wait, because it gets better. The communique expressed confidence that there would be “a smooth adjustment of global imbalances which should take place in the context of sustained and robust economic growth”. Glad to see, then, that there was no risk that the US sub-prime mortgage crisis would prompt what the International Monetary Fund has called the biggest shock to the global financial system since the Great Depression.

»In fact, the G8 had nothing to say about housing bubbles at all, though it did find time to discuss the need for a settlement between Armenia and Azerbaijan over Nagorno-Karabakh. And so it goes on. The G8 managed a cursory glance at what hedge funds were up to and decided that – on balance – there was nothing really to worry about. “While noting the positive contribution [sic] of hedge funds to financial-market stability, we also want to minimise systemic risks by increasing transparency and market discipline on the part of all parties involved.”»

Bien joué et justement écrit, – et l’on parle ici d’un sentiment qui, lecture faite et souvenir ravivé, a vraiment constitué une animation singulière dans les couloirs des lieux de travail de la bureaucratie européenne. C’est une de ces réactions de l’esprit pris en flagrant délit d’inconséquence, en flagrant délit de la faute par définition, un peu comme le petit garçon surpris par sa maman en train de s’emparer du pot de confiture. Certes, cette inconséquence du G8 de 2007 et des beaux esprits soudain rappelés à cette réalité de 2007 vaut plus qu’un pot de confiture, et l’on comprend que la réaction de gêne se soit répandue comme une traînée de poudre.

La question est de savoir à quoi est due cette gêne: à la confrontation avec sa propre inconséquence qui ressemble à une “faute professionnelle grave”, ou au rappel presque incongru à force d’évidence du décalage impossible à qualifier en termes courants entre le monde qui dirige les affaires du monde et la réalité de ces affaires du monde? (Car il faut penser que ce communiqué du G8 de 2007 n’était pas un “faux” sciemment fabriqué pour l’occasion. Il faut penser que les rédacteurs du communiqué croyaient véritablement à ce qu’ils écrivaient, même si ce qu’ils écrivaient était d’une considérable platitude en plus d’être erroné. Il faut penser que leur psychologie formée au conformisme qui domine le jugement des affaires du monde les conduit effectivement à croire ingénument que la situation financière de juin 2007, et ce qu’ils en prévoient pour les mois à venir, est conforme à ce que dit le communiqué. Il faut penser tout cela pour mesurer l’abîme où ils se trouvent, – et nous avec, au moins en partie.)


Mis en ligne le 9 juillet 2008 à 06H35