Souveraineté limitée

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Souveraineté limitée


18 août 2002 — Un article du Times de Londres du 17 août apporte une lumière significative. Ce qu'il dit n'est pas nouveau par rapport à ce qui se sait et se chuchote dans les milieux spécialisés. Mais l'affirmation publique qui en est ainsi faite, d'une façon qui est presque une officialisation du phénomène, voilà qui est important.

L'essentiel de l'article de Michael Evans est contenu dans le titre (« US “keeping Britain in dark over Iraq attack” »), et dans les deux premiers paragraphes, — le reste étant du domaine spéculatif habituel.


« Britain is being kept in the dark about the military contribution that the Armed Forces will be required to provide for any American attack on Iraq.

» Senior defence sources admitted yesterday that until a political decision was taken on the method to be used to change the regime in Baghdad there was nothing that British Service chiefs could do to plan other than to ensure that potentially deployable forces were available. “We’ve effectively been kept in the dark, and until someone tells us what the plan is, we cannot begin to work out what our involvement is going to be,” one source said. »


Ces remarques résument la position britannique dans les rapports avec les États-Unis dans toutes les opérations militaires où les Britanniques sont engagés auprès des Américains, — notamment lors des plus récentes, depuis l'arrivée de Tony Blair, où la position d'“allié privilégié” des Américains est affirmée de façon tonitruante.

Durant le conflit du Kosovo, les Britanniques, malgré leurs affirmations du contraire, reçurent aussi peu d'informations sur les opérations que les autres pays européens. Une rencontre dramatique entre les chefs d'état-major britannique, français et allemand (à la demande des Français et des Allemands qui s'irritaient de ne pas avoir les informations que les Britanniques prétendaient avoir) se termina sur le constat, preuves à l'appui, que les Britanniques n'étaient pas mieux informés que les Français et les Allemands. Aujourd'hui, à Tampa, au quartier-général de Central Command, le groupe de liaison britannique, qui est installé avec les autres groupes de liaison alliés dans ce que les Américains désignent aimablement comme “l'exposition coloniale”, ce groupe « n'est pas mieux informé que les Portugais », selon une remarque sarcastique d'une source militaire européen.

L'article du Times confirme de bout en bout cette situation. Il met encore plus en évidence la grandes faiblesse britannique, si cette politique est considérée du point de vue tactique : l'incapacité de transformer la soi-disant position privilégiée des Britanniques en “avantage” concret. Il faut avoir à l'esprit que, dans l'aventure irakienne, l'apport britannique serait militairement très conséquent et politiquement vital pour GW Bush ; que les Britanniques n'en retirent rien en échange au niveau de cette question vitale de la conduite des opérations mesure la faiblesse de cette politique.

D'un point de vue plus fondamental, cette politique ne cesse de montrer le travers difficilement supportable de l'abdication de la souveraineté nationale. C'était déjà évident du temps de Thatcher, lorsque celle-ci dénonçait l'Europe au nom de la souveraineté nationale et altérait celle-ci dans une alliance transatlantique prétendument présentée comme un signe d'indépendance. C'est encore plus vrai avec Blair, qui prétend restaurer la puissance britannique en ayant à la fois un grand rôle européen et des liens renforcés avec les USA. Dans les temps qui comptent, c'est-à-dire les temps de crise, Blair ne parvient qu'à compromettre ses liens avec l'Europe à cause de sa proximité avec les USA en temps de crise et à compromettre sa souveraineté dans ses liens avec les USA.

Le résultat est toujours le même : au bout du compte, des incidents à cause des exigences naturelles de la souveraineté nationale britannique (le 11 juin 1999 au Kosovo, refus du général britannique Jackson d'obéir un ordre de son supérieur, l'Américain Clark, pour éviter un incident grave avec les Russes ; en avril-mai dernier, graves incidents entre Marines britanniques en Afghanistan et Central Command, les Britanniques omettant d'informer les Américains sur l'opération qu'ils conduisaient, et le général Franks, chef du Central Command, apprenant les développements de cette opération « en écoutant CNN »).