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93514 septembre 2003 —
Un mot ne cesse de gagner du crédit aujourd’hui : “chaos”. Le 12 septembre, parlant aux troupes de la 3e division d’infanterie, GW leur assure qu’il faut que les pays alliés viennent à l’aide des Américains parce que la bataille en Irak est « a fight between civilisation and chaos » et que les Américains semblent bien incapables de l’emporter, seuls, sur le chaos. Les gens qui sont allés à Cancum pour une réunion vitale de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) l’ont fait selon l’idée générale que la situation du commerce mondial est caractérisée par cette idée : c’est l’OMC ou le chaos, — tout en reconnaissant, pour la plupart (demandez à Pascal Lamy ses pensées secrètes à cet égard), que l’OMC est au mieux une emplâtre pompeuse sur une jambe de bois. Tout cela, certes, créations de l’américanisation du monde, de cette puissance formidable qui, aujourd’hui, s’apprête à reculer les limites de l’endettement de l’État, ce curieux phénomène de “la pauvreté du riche”.
La vérité est que toute notre vision du monde est caractérisée par cette alternative, que certains qualifieraient de nouvelle “alternative du diable”, — franchement, sans savoir de quel côté est le diable mais en pariant qu’il en rit déjà et qu’il en rira encore. Parce que, au bout du compte, il n’y a pas vraiment d’alternatives...
En un an, depuis septembre 2002, quelle différence. En un an, les mythes mis en place par l’outil virtualiste se sont effondrés :
• Le mythe de l’“empire américain”. Un “empire”, par définition, c’est une capacité de contrôle. L’Amérique c’est une capacité de désordre d’une puissance inouïe, rien d’autre.
• Le mythe de la puissance militaire américaine. La victoire militaire américaine en Irak restera comme la plus fabuleuse tromperie de l’histoire militaire, — par ses conditions autant que par ses effets. Là encore, nous ne pouvons que constater que la puissance militaire américaine dispose d’une capacité de désordre d’une puissance inouïe.
• Le mythe de l’“anglosphère”, c’est-à-dire l’OPA post-moderniste des Anglo-Saxons sur l’empire du monde. Là, les Britanniques ont contribué avec zèle. Nous découvrons que l’“anglosphère” est productrice d’un désordre d’une puissance inouïe (refrain). Accordons-lui la vertu de l’originalité : cette fois, c’est chez elle qu’elle s'installe ultimement le désordre.
Le désordre, vous l’avez chez Tony Blair. Désordre chic, dans les normes, cravaté et en blazer, dans les règles et selon les canons de l’État de Droit à l’anglo-saxonne. La commission Hutton est en train de pulvériser une certaine idée de l’establishment britannique, — elle, cette commission, qui en est directement issue.
Nous n’avons encore rien vu. L’apothéose nous viendra des rives du Potomac, car c’est là, au centre et au coeur de tout, que va naître le désordre ultime, celui qui achèvera la déstabilisation de notre système. Inutile de dire que nous n’avons besoin, pour cela, ni d’un Ben Laden, ni d’un Saddam. GW, Rummy et les amis suffisent à la tâche.
Vous en voulez un ultime exemple qui nous fera une bonne chute ? Il nous vient de Cancum, justement, où, le 14 septembre, on se demande si les Américains ne vont pas quitter les négociations. Après tout, désordre pour désordre, au moins qu’il soit américain (et au diable l’OMC, le diable qui n’arrête pas d’en rire, décidément). Ensuite, lisez ceci, qui nous vient de The Observer, qui nous dit cette appréciation, venue d’un connaisseur (un Britannique, certes) :
« A high level source in the UK delegation told The Observer said: “It's difficult to know what the Americans want. They're staying in their hotel. They're behaving like the Soviet Union in the Eighties. It's making it difficult to know what they want.” »
Enfin, rappelez-vous les années 1980 en URSS : après Brejnev et les intermédiaires, nous vint Gorbatchev. On sait comment tout cela s’est terminé. La nouveauté est que cela ne prendra pas une décennie.
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