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1610Content, pas content, dedefensa.org? Drôle d’affaire : vous lancez un site vraiment cahin-caha (93 entrées en 1999, 90 en 2000, — c’était à ne pas croire, mais il faut dire que notre intervention sur le site était liliputienne), — et badaboum, vous vous retrouvez pris au sérieux (comptez avec nous: 9005 entrées en 2001, 53.758 en 2002, 261.667 en 2003, 352.758 en 2004, 301.988 du 1er janvier au 24 juillet 2005 à 10H00.). Alors, vous lancez une enquête, baptisé “référendum” parce que quel autre nom lui donner par les temps qui courent? Nous voilà pris à notre propre piège.
Mais soyons sérieux, le monde nous écoute.
Les chiffres bruts qu’il importe de connaître, vous les connaissez pour l’essentiel: 226 réponses, avec la particularité si singulière déjà signalée: (100 premières réponses en moins de 24 heures, le reste en 13 jours.). Il y a eu d’autres indications chiffrées, dont nous vous avons donné les appréciations préliminaires. Rapportons-les de façon définitive:
• Fréquence de consultation : plusieurs fois par jour (24,78%), … par semaine (63,91%), … par mois (6,96%), … par an (3,04%).
• La profession des lecteurs de dedefensa.org touche à l’université (12,61%), aux médias (7,83%), aux organisations internationales et gouvernementales (7,82%), aux instituts et fondations (4,78%). (Le reste à “autres”, sans précision, ou pas de réponse.)
• La découverte de dedefensa.org s’est faite par le Web (40,87%), par “le bouche à oreille” (21,74%), par hasard (18,26%). (Le reste sans précision.)
• L’évolution de la fréquentation est la suivante: fréquentation en hausse (46,52%), fréquentation stationnaire (49,13%), fréquentation en baisse (2,61%).
Inutile de faire un long commentaire sur ces chiffres, qui parlent assez bien eux-mêmes, parfois avec une éloquence dont nous leur sommes reconnaissants. Nous en sommes très satisfaits, ils indiquent vraiment d’excellentes tendances, des habitudes particulièrement satisfaisantes. D’ailleurs, vos commentaires à tous nous disent cela, votre satisfaction, vos compliments, votre enthousiasme, tout cela vraiment très encourageant.
• Les statistiques que nous avons déterminés, par analyse du sens des réponses, vis-à-vis des suggestions : que diriez-vous d’un deuxième site payant? Que diriez-vous d’une proposition de donation? La réponse est écrasante : 60% des personnes interrogées sont favorables à une donation, 19% favorables à un deuxième site payante. Non seulement nous ne nous attendions pas à ce que la donation l’emporte, mais bien sûr encore moins avec cette supériorité.
Comment procéder dans le dépouillement de cette enquête, qui s’avère plutôt être une analyse, un commentaire? Nous allons déterminer plusieurs axes généraux qu’on peut dégager de vos remarques et commentaires. Nous le faisons arbitrairement, de façon à illustrer, sous-tendre et faire progresser une logique qui est celle de l’appréciation générale que nous avons eue à la lecture des résultats de l’enquête.
La première impression, c’est l’intérêt passionné que soulève dedefensa.org. Il y a, dans les commentaires des lecteurs, de véritables marques d’engagement et des appréciations fondamentalement élogieuses dont nous sommes fiers et qui nous portent, qui renforcent notre élan. Nous en citons quelques-unes, les auteurs se reconnaîtront :
• « Talent. Brillance du style. Ce site n'a pas d'équivalent. »
• « J'espère que Dominique de Villepin a le temps de vous lire »
• « …petite musique différente de l'ambiance habituelle des médias. »
• « Continuez, le siècle manque de plumes comme la vôtre ! Merci... »
• « De defensa est un des rare lieu où la question de la crise de la modernité est posée. »
• « La MEILLEURE publication européenne en matière de sécurité/déf/politique. » (Les majuscules selon le choix du lecteur.)
Ouf… Arrêtons-là. Quoiqu’on pense à ce propos, ces citations ne sont pas le tribut rendu à une éventuelle vanité. Il s’agit de faire mesurer l’intensité des jugements qui accompagnent les commentaires sur dedefensa.org. Il n’y a bien entendu pas d’équivalent négatif à cette passion, sans doute parce que ceux (il y en a évidemment) qui la connaissent n’ont pas pris la peine de répondre à l’enquête, — et, après tout, on les comprend.
Mais gardons ceci à l’esprit… Il s’agit de l’existence de cette base de soutien enthousiaste à dedefensa.org.
Un point remarquable, qui nous a beaucoup satisfait, c’est l’identification et la compréhension, chez nos lecteurs, d’une méthodologie propre à dedefensa. Les principaux points de notre action, que ce soit tant du point de vue de la méthode que du point de vue du contenu (nos “idées”), sont souvent signalés et exprimés d’une façon qui, pour un peu, nous en apprendrait à nous-mêmes, — qui, dans tous les cas, rencontrent notre propre perception de nous-mêmes.
Il y a pour nous, dans ces cas divers, le plaisir de découvrir la correspondance entre l’ambition de l’analyste d’évoluer sur tel ou tel territoire, et la réaction du lecteur qui, en excellent géographe des idées, a identifié le territoire et parfaitement compris l’ambition. Cette clarté et cette droiture nouent serrés les liens de la complicité intellectuelle, jusqu’à en faire une affaire d’âme.
Du point de vue de notre méthodologie
Nous avons déjà signalé à plus d’une reprise comment nous concevons notre métier dans une époque où l’information “objective” est totalement pulvérisée par l’usage systématique du mensonge officiel dans le cadre du virtualisme. Il nous est arrivé de citer des concepts tels que “subjectivité objective” (de préférence à “objectivité subjective”).
Des appréciations comme celles-ci (oubliez le compliment, please) vont évidemment dans ce sens: « Très bon travail en général quoique idéologiquement très biaisé. Mais c'est là tout votre charme. » … « …bien qu'engagé sur une ligne pourtant claire, dedefensa sait ne pas travestir l'information. » … « Ceux qui veulent s'informer réellement (à la différence des spectateurs de grand-messes médiatiques) doivent en venir à ces sources d'informations commentées comme dedefensa. Le commentaire est ici nécessairement inséparable de l'information. »
Notre chouchou: le virtualisme
Certes, nombre de lecteurs ont noté l’emploi de la notion de “virtualisme” dans nos analyses. Certains l’admettent, voire s’en félicitent. Citons pourtant deux réactions dubitatives ou ouvertement (mais aimablement) critiques.
• « … mais je trouve que vous essayez trop de ramener à tout bout de champ le “virtualisme”... Vous voulez essayer d'imposer cette notion? » (Notre réponse est : oui, sans aucune réserve. Nous avons déjà progressé dans la tentative d’expliquer ce choix. Nous continuerons.)
• Voici une autre appréciation, beaucoup plus longue, qui nous permet dans tous les cas de dire notre plaisir d’avoir des informaticiens (dans tous les cas, un) parmi nos lecteurs. « Je suis un peu énervé par votre goût pour le terme “virtualisme”. Je suis informaticien, et dans mon métier, on a donné historiquement un sens précis à l'adjectif “virtuel”. Puis l'informatique est descendue dans le grand public, qui s'est accaparé aussi l'adjectif “virtuel”: ça plaît beaucoup, apparemment, ça renvoie à l'imaginaire, à je ne sais quelle féerie, ou bien à une évasion du monde. C'est peut-être parfois relié au goût pour les stupéfiants. Mais cette récupération anarchique m'horripile profondément. Et quand je la rencontre aussi sur dedefensa.org ... ma fois, il y aurait peut-être d'autres façons de nommer la même chose : “partir dans l'imaginaire”, “perdre pied”, “oublier le réel”, “quitter le réel”, ''partir dans des délires, des extravagances'' que sais-je! La langue française est tellement riche!
» mais ceci est une simple réaction personnelle; nous sommes tous sensibles à certaines “couleurs” des mots, des expressions, certaines nous touchent plus, notre équation personnelle nous y rend plus sensibles, je pense que c'est votre cas avec “virtualisme”, donc ne prenez pas ma réaction comme une critique négative, mais un simple exposé de ma réaction, qui reste exclusivement personnelle. »
A cette dernière critique fournie, nous nous permettons de répondre, d’abord en disant que nous tenons dur comme fer à notre virtualisme. Si les informaticiens emploient le mot, ce n’est pas si grave. Ce n’est pas la première fois que le même mot est utilisé dans des sens et pour des ambitions différentes. (Comptez le nombre d’emploi du mot “socialisme”.) Simplement, pour notre cas, nous lui donnons un sens tout différent, bien spécifique, avec des dimensions psychologiques dont on peut tirer des conclusions philosophiques et morales, dont l’effet politique nous paraît évident. Nous nous exerçons à définir ce concept de plus en plus précisément à mesure de l’avancée de notre travail.
Qui sommes-nous?
Ah ah, vaste question … Résumée par cette remarque: « On ne sait pas qui vous êtes, combien vous êtes, comment vous travaillez, avec quels moyens... Pour travailler heureux, travaillons cachés?... » Réponse (de Normand): la formule est heureuse… Deuxième réponse: oui, pourquoi pas? Notre crainte (un jour, nous nous expliquerons sur l’emploi de cette première personne du pluriel qui perturbe l’un ou l’autre de nos lecteurs) est qu’à être trop visibles, avec tout ce qui va avec, nous succombions aux pressions formidables du conformisme ambiant. Nous sommes humains, donc faillibles, donc vulnérables, et nous mesurons aisément la puissance de la pression du conformisme… La formule (beaucoup moins élégante) deviendrait alors: pour vivre l’esprit libre, vivons cachés. Aujourd’hui, la formidable puissance d’information d’Internet permet cela. (Qu’on se rassure, pas ermites verrouillés à double tour pour autant. Nous sommes souriants, accueillants, nous allons parfois dans les grandes villes et ne nous y perdons pas. Nous y avons même des amis sûrs. Il nous arrive régulièrement de prendre le train à grande vitesse et de ne pas en être terrorisés.)
Autre remarque, autre occasion de fixer un point de détail qui est loin d’être négligeable, qui est peut-être même essentiel. (A nouveau, oubliez le compliment, bien que celui-ci est de ceux qui nous touchent particulièrement): « Dernier point : bravo pour la qualité de votre français. Ceci est remarquable (même, et peut-être surtout, en considérant les serveurs de France, hélas!). Monsieur de Saussure n'était-il pas Belge? J'espère que cette réponse n'arrivera pas trop tard pour être prise en compte, et vous sera utile. »
Eh bien non, nous… C’est-à-dire que le principal d’ “entre nous”, le sieur Philippe Grasset, est Français. Nous nous en expliquerons plus, beaucoup plus là-dessus, car l’un de nos plus secrets projets est la publication possible, en ligne, comme un éditeur que nous sommes par statut légal, de livres, — et l’un d’entre eux pourrait bien être les “mémoires” du susnommé, d’ores et déjà baptisés Mémoires du dehors.
La crise de la modernité
Nous avons déjà cité cette appréciation dans son aspect laudatif. Il est également intéressant de la citer dans son intégralité parce qu’elle développe une analyse de l’un des axes de travail essentiel de dedefensa.org. Être si justement compris constitue un point d’un grand intérêt pour nous et, naturellement, pour l’information de nos lecteurs.
«
» Crise de paradigme qui s'exprime dans les représentations du monde, dans le désarroi généralisé, mais aussi dans les modes d'action (conception et réalisation d'outils): l'industrie des armements est de ce point de vue exemplaire.
» De defensa ne crie pas “la complexité, la complexité!” comme d'autres “l'Europe, l'Europe!” mais livre sa lecture singulière, déterminée par une perception qui inclue la notion de relation, non pas a posteriori, mais de manière consubstantielle. Cette perception que je partage a de l'avenir! »
L’importance de la psychologie
C’est une dimension importante de notre méthodologie d’analyse: le rôle de la psychologie. Cette citation d’un lecteur résume bien notre ambition, en mariant la méthode (la dimension psychologique dans l’analyse) mais aussi l’aspect de “plaisir” (intellectuel, va sans dire) qui accompagne ce choix analytique: « L'aspect délibérément ''psy'' du traitement de l'actualité U.S. par exemple, augmente significativement mon plaisir à fréquenter régulièrement dedefensa.org. »
Les textes en anglais…
C’est simple, une citation d’un lecteur les résume toutes, car cette idée est revenue à plus d’une reprise: le site « serait parfait si il apportait la traduction des textes anglais pour une lecture plus efficace et rapide… ».
Notre réponse sera tout aussi simple: time & money. Une bonne traduction prend du temps et coûte cher. Ce sont les choses dont dedefensa.org dispose le moins: le temps et l’argent. Il faut réagir avec promptitude, au rythme du temps historique où nous nous trouvons. (Quant à l’argent.. .)
La situation que nous connaissons, qui est une réalité du monde devant laquelle nous devons nous incliner, suppose d’accepter les règles de “leur” jeu qui est le jeu dominant. Parmi ces règles, il y a l’emploi de l’anglais comme langue véhiculaire universelle, qu’il faut apprendre à connaître. (Ce dernier point est strictement utilitaire, pour comprendre plus vite. Que les Français se rassurent pour leur identité chérie: cela ne signifie pas la mort de la langue française. Qu’ils sachent bien que, pour les Anglais cultivés, cette situation n’est pas un motif de fierté: l’ “international English” comme langue véhiculaire, ce sabir infâme parlé par les Taïwanais, les Libanais, les hommes d’affaire belges qui vendent des frites sous la direction du roi Albert et les Hottentots, n’a plus grand’chose à voir avec la langue superbe et profonde du grand Will. Ce n’est pas une victoire de l’Angleterre réelle, c’est la globalisation qui utilise l’anglais à son profit.)
Notre “americano-centrisme”
… Ah oui, nous allions oublier. Citation inutile puisque l’évidence nous le dit tous les jours. Certains lecteurs nous disent que, vraiment, tout, chez nous, tourne autour de l’Amérique, et de sa critique, — mais, disons plus justement car l’on sait combien nous cultivons cette nuance qui remplace l’humain par la machine, la simili-nation par le système, — tout, chez nous, tourne autour de la critique de l’américanisme.
C’est vrai et cela ne changera pas. L’américanisme, qui concerne d’abord l’Amérique concerne aussi le reste. Tout le monde est concerné. Rien n’échappe à l’influence, à la pression, à l’effet direct ou indirect. Notre temps historique, extraordinairement complexe dans les détails, est extraordinairement simple, voire simpliste, dans la description générale et, par conséquent, la compréhension de sa situation. Il y a l’américanisme, partout, et le reste, — la dissidence, ou la résistance, qui peut prendre toutes les formes, contre l’américanisme. Tout y remonte, tout y aboutit. S’intéresser à cela, c’est s’intéresser à tout. L’ignorer, y compris par indifférence dédaigneuse ou par mépris affiché, c’est esquiver la tragédie de notre temps en s’en lavant les mains.
Notre site n’est pas celui de Ponce Pilate. Sur cela, nous ne bougerons pas d’un centimètre et nous ne changerons pas d’un iota. Qui nous aime nous suive. Vaya Con Dios (ou God On Our Side?).
Eh oui, la question de l’argent est apparue dans l’enquête, et vous en connaissez la tendance principale. (Voir les résultats plus haut.) Cette fois nous n’en dirons pas un mot de plus, nous voulons dire un mot essentiel. Les interrogations essentielles, concernant notamment nos intentions, nos supputations, etc., viendront en leur temps.
A la question concernant cette idée de la donation, l’énoncé étant “comment réagissez-vous ?...”, cette réponse d’un lecteur nous arrête : « Mal, mais c'est un processus courant : créer le besoin puis le taxer... » Là, nous avons quelques mots à dire en commentaire parce que la formulation et l’esprit qu’elle illustre, peut-être involontairement nous sommes prêts à le croire, ne nous enchantent pas vraiment. La péroraison qui va suivre sera donc notre conclusion de cette première partie de l’analyse de notre enquête, — qui en aura donc une seconde, comme on le comprend par simple logique mathématique.
Nous n’avons pas “créé un besoin”. Nous avons fait notre métier, en nous aventurant sur un terrain inconnu (Internet) dont nous n’aimions pas à première vue l’origine un peu trop marquée par la globalisation. La graine a pris, et cela nous a surpris, — tout comme ce phénomène extraordinaire de l’Internet devenu le samizdat de la dissidence de notre temps historique. Aujourd’hui, nous avons, pour nous accompagner, des fidélités dont certaines sont exigeantes, et lorsqu’il nous arrive d’avouer à nos lecteurs une certaine faiblesse il y en a pour nous rappeler à notre devoir. (Voir sur le Forum de notre “message” du 14 juillet, cette réaction : « Vous, et votre site, êtes INDISPENSABLE, Philippe Grasset! Continuez! Et pour ce qui me concerne, le passage à une version partiellement payante du site n'est pas un problème si ça peut aider ». Ce sont des messages qui nous obligent.)
Nous n’exprimons pas le problème général posé ici en termes de marketing, matière qui nous importe peu sinon pour une nécessité alimentaire ou l’autre. Si nous pensons à l’argent, c’est parce que nous nous battons de l’intérieur du système contre lui, avec ses propres armes puissantes dont il a bien voulu, l’imbécile, nous confier la disposition. Si nous pensons à l’argent, c’est parce qu’il nous semble que l’aventure dedefensa.org vaut d’être poursuivie, pas pour un besoin créé qu’il faut assouvir… Comprenne qui veut bien.
Nous, nous vous reparlerons de tout cela. Avouez que vous vous en doutiez.
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