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1172Depuis le massacre de Newtown, le 14 décembre (voir le 15 décembre 2012), diverses campagnes pour le contrôle de la vente des armes battent leur plein aux USA. On en a vu un aspect, le 2 janvier 2013, lié à la “question de la sécession” et à cette perception que les armes constituent un moyen de défense contre des entreprises de plus en plus incontrôlables et de plus en plus oppressives de la part du gouvernement central washingtonien (du Système). Cette idée entre dans notre appréciation générale fondamentale, exposée effectivement le 15 décembre 2012, selon laquelle la question des armes à feu aux USA dépend plus de la question de légitimité du gouvernement à qui revient la charge d’assurer la sécurité du citoyen, que d’une soi-disant “culture de la violence” qui serait naturelle à la population, ou dans tous les cas à certains de cette population.
… Au reste, l’expression “culture de la violence” reste bienvenue et intéressante à exploiter dans un autre cas, qui a le mérite supplémentaire d’exposer en pleine lumière une facette remarquable du réseau d’asservissement et d’hypocrisie des élites d’argent au service du Système. En effet, Hollywood a réagi avec la vertu qu’on lui connaît au massacre de Newtown, en lançant une grande campagne-Système avec annonces télévisées parées de la plus grande simplicité, – celle de la vertu à la fois postmoderniste et américaniste, style patricienne : noir et blanc, aucun décor, telle ou telle star hollywoodienne, la mine affreusement affligée et le regard profondément préoccupé, proclamant d’un mot bref, sans effet de caméra, ni “cascade”, ni scène torride, que “ça suffit” (“enough”), ou quelque interjection de cette sorte. (Le “ça suffit” s’adressant à la vente libre des armes, c’est-à-dire selon leur logique linéaire, aux massacres comme celui de Newtown.)
Effectivement, “sans effet de caméras, ni ‘cascade’, ni scène torride”, et l’on pourrait ajouter pour mieux amorcer notre propos, “sans ces effets de coups de feu en rafale, d’explosions, de massacres, etc.”, qui parsèment les innombrables films d’ultra-violence que produit Hollywood et qui font également la fortune de ces stars (et d'Hollywood en général, certes). Mais on comprend aussitôt : de telles scènes comme illustrations des propos des stars auraient pu laisser croire que leur “ça suffit” concernait d’abord les films d’ultra-violence d’Hollywood, non ?
Des sites alternatifs US ont pris l’affaire en mains et, justement, ont réalisé un clip vidéo qui mélange des extraits de ces annonces-Système vertueuses et austères des stars, avec des extraits de leurs films hyper-violents et quelques données comptables sur leurs salaires. L'effet est saisissant. Un de ces clips nous informe fort justement que, s’il existe une “culture de la violence” aux USA, c’est bien celle d’Hollywood, et que toutes ces stars en tirent un maximum de profit. C’est notamment le site The Daily Sheeple qui a réalisé le montage hollywoodien et la chose est reprise notamment dans un texte du site SHTF.Plan, le 1er janvier 2013 (Sur Infowars.com, le 2 janvier 2013.) Quelques extraits du texte…
«We’re not sure if the Hollywood actors depicted in the following anti-gun promotional video are hypocrites or just plain ignorant of the fact that they have played a large role in promoting violence with handguns, semi-automatic rifles and weapons of mass destruction, all the while making millions of dollars in the process. Many have made their careers in movies that are so violent the body counts literally reach into the thousands.
»First, take a look at the original promotional video (if you can stomach it) where actors like Jamie Foxx and Jeremy Renner demand a plan to stop gun violence. Then, check out those same actors when that video has been creatively spliced with scenes from their very own movies, where they advocate mass killings and the use of all manner of weapons, including fully automatic assault rifles. […] To those Americans who believe in the responsible ownership of firearms for the purpose of self defense, hunting and the necessity of the right to bear arms for the security of a free State, this is the irrationality and failed logic we face as we enter an unprecedented Constitutional battle…»
L’association est redoutable, et le cercle infernal du Système est parfaitement bouclé : la campagne morale des grandes vedettes de cinéma présentées comme des représentantes de la vertu, contre les massacres, et donc la “culture de violence” dont la vente libre des armes n’est qu’un aspect ; la mise en évidence que Hollywood est le principal pourvoyeur de cette “culture de violence” au travers des films hyper-violents qui sont devenus une marque fondamentale du développement capitalistique de ce système ; l’hypocrisie bombastique de ces stars qu’on trouve au début du processus qui, en plus d’être des professeurs de vertus, sont des complices surpayés de cette industrie du film hyper-violent qui alimente la “culture de violence” qu’elles dénoncent avec tant de conviction. (Il existe bien peu d’acteurs de cinéma qui ont eu le courage, ou simplement la présence d’esprit, s’ils ont l’une et l’autre, de faire un rapport entre leurs activités et les activités que leur devoir de vertu les conduit à dénoncer. L’acteur Gene Hackman fut l’un des rares, à notre connaissance, à décider et à annoncer, dans les années, 1990, qu’il n’accepterait plus de tourner dans des films faisant implicitement l’apologie de la violence en la montrant complaisamment, parce qu’il estimait qu’il s’agissait d’une des causes principales de la violence aux USA.) La situation présente une certaine pureté, dans la rigueur de la démonstration logique qu’elle nous propose.
Le cas montre l’extrême ambiguïté à laquelle sont parvenues ces questions de la violence impliquée nécessairement par le débat sur le contrôle de la vente d’armes à feu, et du débat lui-même de la vente des armes à feu. La politisation est désormais complète et tend à faire sortir le débat général des schémas courants, tant américanistes que, disons, “transatlantistes” ou modernistes, dans lesquels la possession d’armes à feu aux USA dans le cadre considéré est appréciée comme l’argument essentiel d’une mise en accusation : cette possession étant vue comme la cause essentielle de la violence et, par extension, la racine fondamentale de la “culture de violence”, tout cela étant mis au débit de positions politiques dites “rétrogrades” (extrême droite, populiste, conservatrices, etc.), voire de comportements psychologiques pathologiques. La riposte lancée contre Hollywood dans le cas cité ici est extrêmement efficace par sa logique. Elle met en accusation l’“industrie du show-business ” ou l’“industrie de l’entertainment”, comme instrument principal de développement de cette “culture de violence” qui est en cause ici, au nom de la logique du profit et des positions privilégiées de ceux-là même qui participent aux campagnes de vertu civique et s’affichent en général comme des libéraux et des progressistes (énorme majorité hollywoodienne en soutien d’Obama). A cet égard, les acteurs et autres privilégiés de la branche entertainment du Système sont dans une position difficilement défendable, si le débat devient plus général et plus public, – eux-mêmes se retrouvant dans une position de complet asservissement au Système. (De même, Hollywood, et les acteurs souvent partie prenante, font-ils partie, au moins en partie, du complexe militaro-industriel par la façon dont ils font la promotion de la puissance et, souvent, de l’action du Pentagone,. Le dernier exemple en date est certainement le film Zero Dark Thirty, sur la liquidation de ben Laden, qui fait l’apologie de la torture et qui est bien placé pour la nomination aux Oscar [voir les critiques virulentes et superbement documentées de Glenn Greenwald à ce propos, le 10 décembre 2010 et le 14 décembre 2012].)
Du côté des ventes d’armes, il y a évidemment toute une population, jusqu’ici dénoncée comme on l’a vu, et la puissante NRA (National Rifle Association), regroupant les producteurs d’armes et qui a d’énormes intérêts en cause. Cet ensemble se trouvait donc rejeté dans l’opprobre de l’obsession de la violence, en même temps que les intérêts qui la soutenaient (NRA) étaient identifiés comme des plus sordides et rétrogrades. Dans la recomposition en cours, et notamment avec cet élément d’un antagonisme de violence où le Système n’a plus la position vertueuse qu’il prétendait défendre avec les diverses casseroles qu’il traîne (système de coercition, de surveillance, de détentions arbitraires du gouvernement, “culture de la violence” d’Hollywood), les appréciations devront changer et se faire beaucoup plus mobiles. Il est désormais des situations où la vente libre des armes et le soutien de la puissante organisation NRA, pourtant archétypique du Système en un sens, deviennent des forces objectivement antiSystème. L’important, comme toujours dans la bataille en cours au cœur de la crise terminale du Système, est sans aucun doute la constante disponibilité à la mobilité du jugement, avec comme référence impérative : qui est le plus antiSystème en telle ou telle circonstance ? Dans le cas présenté ici, l’extraordinaire hypocrisie d’Hollywood et de ses stars surpayées et prétendument à la fois vertueuses et servantes de l’art cinématographique dans sa belle pureté, guide le jugement et donne aux partisans de la vente libre d’armes à feu une position, au moins temporaire, complètement antiSystème.
Mis en ligne le 4 janvier 2013 à 07H06
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