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362Du côté US, la réaction au traité START-II est marquée en général par la profusion et la confusion des analyses. Cette remarque fait pendant au texte précédent, «START-II en perspective (russe)», de ce même 1er avril 2010.
Le texte auquel nous nous attachons est celui de GlobalSecurity Newswire.org, du 30 mars 2010. Un simple extrait, qui ne nous dit rien de précis, mais tout de la confusion, des contradictions et des polémiques qui nous attendent.
«The Obama administration, though, said the treaty includes no binding limitations on U.S. missile defenses. “The presidents met in July, and they made it very clear that there is an interrelationship between strategic offensive and strategic defensive weapons,” Undersecretary of State Ellen Tauscher said yesterday. “But there is no limit or constraint on what the United States can do with its missile defense system.”
»The treaty's language on missile defense is likely to determine whether the Obama administration can win ratification of the pact in the U.S. Senate, according to the Times (Eli Lake, Washington Times, March 30). Senator Jon Kyl (Ariz.) and other Republicans have cautioned against any language in the treaty connecting nuclear arsenal reductions to limitations on a planned U.S. missile shield in Europe (U.S. State Department release, March 29).
»“It is still not clear what the expectation is on missile defense or on subsequent negotiations on missile defense,” former U.S. Ambassador to the United Nations John Bolton said, according to the Times. “Is there a commitment for further discussions on missile defense? I don't think we will know this until we see the terms of the treaty itself and there is a chance for questions in congressional testimony.”
»One Brookings Institution analyst said any gap between U.S. and Russian interpretations of the missile defense language would be relatively minor. The treaty's opening statement would “acknowledge an interrelationship between offense and defense. But I also understand there are no limits on current or planned missile defense in the treaty itself,” said Steven Pifer, a senior fellow with the think tank.
»The pact would likely be accompanied by a “unilateral statement from the Russians” linking missile defense alterations to the pact's possible cancellation, but the language should not pose a problem for U.S. diplomats or lawmakers, Pifer said. “Who cares? There is a supreme interest withdrawal clause that goes back to the original START treaty and can be invoked for any reason by either side so long as they provide six months' notice,” he said (Lake, Washington Times).»
Le site WarNews, qui nous introduit notamment au texte cité ci-dessus, accompagne ce lien d’un commentaire propre (le 31 mars 2010), inhabituellement long pour ce site. Nous le reproduisons, pour ce qu’il nous signale effectivement de polémique, contenue ou pas, de dissimulation, de construction délibérée ou virtualiste, d’affrontements à venir à Washington, etc.
«Missile Defense has always been the sticky point in any U.S.-Russian nuclear arms agreement. The fact that it should be coming out now .... before the treaty is even signed .... is a bad omen that tells me that if the U.S. continues with its missile defense program .... which they say they will .... the Russian's will eventually walk away from the treaty.
»Is this a potential disaster .... you betcha. But what infuriates me is that for the past week the US main stream media has been giving a distorted view of what this treaty will mean to both parties and the consequences if both sides continue the path that they are following. Instead, for the past week all that I have been listening to are high praises directed towards President Obama and the work that he has done to get this arms control agreement.
»What our media pundits and reporters should have done is first .... read the treaty, and two .... read what the Russian Press and negotiators have been saying since the agreement. The Russians are not happy with this treaty, and everyone is now positioning themselves to make this treaty fail.
»From where I am standing .... there will be a signing in Europe that will ratify this agreement. But as soon as this agreement is signed, the old U.S.-Russian differences on US missile defense will rear it's ugly head (again). In the end, the political crisis that will erupt will have the potential to make last years controversy over positioning 10 missile interceptors in Poland a cakewalk in comparison .... but for the moment .... the American public is blind to what is coming down.»
Pourtant, et malgré cette fureur concernant les anti-missiles, il ne nous paraît plus assuré qu’il s’agisse de la seule, ni même de la principale polémique à Washington concernant SALT-II. Une autre polémique, bien plus fondamentale, pourrait surgir.
@PAYANT …Car, encore, le plus beau ne figure-t-il dans rien de tout cela. Le plus beau, c’est une autre déclaration de John Bolton, sous la forme d’une remarque selon laquelle le traité, parce qu’il alloue aux deux parties un nombre égal de têtes nucléaires et de véhicules porteurs de ces têtes, est en réalité inégal. Bolton estime tout simplement que les USA, ayant bien plus de responsabilités globales que la Russie, se doit de disposer d’un armement stratégique nucléaire plus important. Cette idée, dont on reconnaîtra l’impeccable logique américaniste, est loin d’être impopulaire chez les républicains et, notamment, chez les sénateurs de ce parti qui auront à débattre de la ratification. On commence notre commentaire par ce “détail” parce que le débat sur START-II, à Washington, en sera farci, et tous de cette sorte. Mais ce “détail”-là, avec la passion et la férocité qui opposent les deux partis, notamment dans le cadre de la campagne pour les élections mid-term, pourrait devenir le plat de résistance de la bataille furieuse qui attend START-II à Washington, en débordant d’ailleurs largement les limites du débat sur le traité lui-même.
De quoi s’agit-il, à Washington? Il s’agit moins de mettre en question un traité, de l’apprécier, de le soupeser en fonction des intérêts de sécurité nationale, que d’apprécier la position de l’administration Obama dans cette affaire, soit pour la prendre en défaut, soit pour la magnifier. Ainsi la plupart des analystes et hommes politiques qui se trouvent en position d’appréciation critique pour telle ou telle raison vont-ils approcher le débat de START-II. Comme toujours, la première question posée sera: Obama a-t-il cédé aux Russes? (Car il est évident que, pour une appréciation critique washingtonienne, un traité se juge en fonction de la recherche de la supériorité et non en fonction de la recherche de la stabilité.) Mais l’autre question, beaucoup plus inédite, impliquée par la remarque de Bolton, est beaucoup plus terrible dans ses implications. Elle consiste à attaquer le principe même du traité: en traitant d’égal à égal avec la Russie, ex-superpuissance pulvérisée, dont la puissance, notamment stratégique, est complètement dépassée (ainsi se poursuit le raisonnement), Obama ne sacrifie-t-il pas la position de supériorité globale qui revient évidemment, de fait et de droit, aux Etats-Unis? Il va sans dire que, dans cette sorte de raisonnement, les USA ont droit à une supériorité stratégique qui devrait être même admise dans les traités. Cette idée renvoie à la perception de l’évidence de la position exceptionnelle de l’Amérique, à son droit naturel de tout régenter, d’interférer dans les affaires des autres, de “faire la loi” dans le domaine international, – rien de moins. (Que cela soit en contradiction avec ce que nous disions le 31 mars 2010 du “durcissement défensif” d'une politique extérieure en position effective de défense, sinon de recul, n'a strictement aucune importance. Nous sommes dans une communauté qui raisonne sous le diktat d'un système, c'est-à-dire sans le moindre souci des vertus de la logique humaine.)
Il nous paraît très logique d’envisager une telle issue, c’est-à-dire que le débat sur le traité START-II diverge sur la grande question de la supériorité des USA sur le reste du monde; sur la possibilité que cette supériorité soit mise en question (ce qui est évidemment le cas, mais la rhétorique washingtonienne a ses arrangements avec la réalité); sur l’appréciation qu’effectivement un traité START-II mettant Russie et USA sur pied d’égalité, même sur une matière où les deux nations le sont quantitativement, revient à une reconnaissance formelle et juridique de l’abaissement de la puissance US. Ce raisonnement à la fois faussaire et simpliste aurait de bonnes chances de prendre à Washington. Il constituerait, parmi d'autres, un excellent argument pour une campagne électorale qui sera naturellement structurée sur une narrative complètement faussaire, d’ailleurs des deux côtés du “parti unique”. Le degré d’hypocrisie et de virtualisme auquel contraignent la logique et la construction intellectuelle d’un système qui n’entretient aucun rapport particulier avec la réalité pourrait effectivement permettre au débat sur START-II de prendre cette voie réjouissante.
L’intérêt du déclin des Etats-Unis n’est pas la mesure réelle de ce déclin, sa rapidité, son importance, les domaines où il se manifeste, mais bien la perception que le personnel de direction est contraint d’en avoir sous la pression du système, avec les excès et les affirmations grotesques à force d’être faussaires qui accompagne cette perception. Cela passe évidemment par le refus de ce constat de déclin, dont ferait partie un tel débat sur START-II, tel qu’on l’évoque. Le résultat serait un peu plus de discrédit, un peu plus de désordre à Washington au sein de l’establishment, un peu plus de détérioration des relations des USA avec les autres puissances.
Si c’était le cas, hypothèse qu’il faut envisager, le traité START-II aurait la grande utilité de renforcer encore la confusion et le désordre washingtoniens. C’est d’ailleurs un constat général qui est fait par tous les commentateurs, même selon des logiques et sur des sujets différents: START-II est le début de quelque chose, et nullement le terme d’un projet conjoint qui conduirait à l’assurance d’une certaine stabilité. Même le commentateur russe Fediachine, bien qu’à un autre propos, exprime cette idée: «D’ailleurs, malgré toute son importance, le nouveau traité START ne reste qu’un symbole marquant le commencement d’une nouvelle étape.»
Mis en ligne le 1er avril 2010 à 13H25