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466Pour Obama, la ratification de START-II est devenu un enjeu majeur, à régler dans les trois semaines qui viennent, avec le Sénat du 111ème Congrès agonisant, avant l’arrivée du 112ème Congrès, le 1er janvier 2011, avec le parti républicain renforcé et, surtout, un parti républicain totalement imprévisible avec sa composante Tea Party. Pour cette campagne de toute urgence, Obama a enrôlé le vieux sénateur républicain Richard Lugar, de la vieille école, celle qui favorisait l’approche bipartisane des grandes causes d’intérêt national (et Dieu sait si START-II en est l’archétype). Lugar fut aussi le mentor du jeune sénateur Obama lorsque celui-ci fit ses premiers pas sous les lambris pompeux à force de majesté ostentatoire du vénérable Congrès.
Lugar a rameuté tous les “vieux de la vieille”, les “vieux sages” du parti républicain, maîtres en politique de sécurité nationale, – Kissinger, Baker, Scowcroft, – et tous, et c’est la chose la plus remarquable de cet épisode, tous semblent se heurter à un mur, celui de leurs collègues, sénateurs républicains…
Extrait de wPolitico.com du 27 novembre 2010…
«Now, Obama has again turned to Lugar for help on the nuclear weapons issue, enlisting the Senate’s senior Republican to drum up GOP support for passage of the so-called New Strategic Arms Reduction Treaty with Russia. But Lugar’s advocacy for this relatively obscure item on Obama’s agenda may not only prove ineffective in bringing around Republicans, but open him up to a primary challenge from the right in two years, putting his long political career at risk for the first time.
»Lugar has unapologetically backed Obama in support of START — a position that has put him at odds with Minority Whip Sen. Jon Kyl (R-Ariz.), who has emerged as the GOP’s leading skeptic of the treaty. But months of lobbying by Lugar and administration officials has produced little to nothing in the way of public support for ratification from any other Republican. In fact, not even two Republican Foreign Relations committee members who voted for it in September — Sen. Bob Corker (R-Tenn.), and Johnny Isakson (R-Ga.) — have said they will support it when it comes to the Senate floor.
»In an attempt to rally bipartisan support for the treaty, the White House has enlisted the kind of GOP foreign policy wise men that Lugar exemplifies — among them former Secretaries of State Henry Kissinger and James A. Baker. But they have had no success with members of their own party, and it has left them scratching their heads over the source of the GOP opposition.
»“It’s not clear to me what it is,” said Brent Scowcroft, a former national security adviser to President George H.W. Bush who noted that this START treaty is not very different from previous ones negotiated and ratified under Republican presidents. “I’ve got to think that it’s the increasingly partisan nature and the desire for the president not to have a foreign policy victory.”
»But as the clock runs down on the lame duck session of Congress, there has been a conspicuous amount of silence on the part of a handful of moderate GOP senators, including Sen. Susan Collins (R-Maine), who once would have been more open to arguments from establishment figures such as Scowcroft and Lugar. Collins said in a statement that she will “reserve final judgment” until it comes to the Senate floor.»
@PAYANT Nous n’utiliserons pas cette nouvelle pour faire un pronostic sur la ratification de START-II, bien que la chose amincisse encore l’espoir d’une telle ratification. Mais l’on sait que le sport si sérieux du pronostic politique à Washington est devenu si fantasque qu’il en est inutile. Ce qui nous intéresse dans cette nouvelle, c’est ce qu’elle nous dit, ou plutôt ce qu’elle confirme du climat peu ordinaire régnant aujourd’hui à Washington, au Congrès, notamment chez les républicains, et d’une façon plus générale pour ce qui concerne les situations, les positions, par conséquent les sentiments et les actes caractérisant les relations entre les différents pouvoirs.
On nous décrit ici une véritable fracture, à l’intérieur de l’establishment, à l’intérieur du parti républicain, sur un sujet (les grands accords stratégiques nucléaires) qui, depuis qu’il existe, est nécessairement le fondement de l’unité de l’establishment (en termes techniques, l’entente bipartisane, non pas pour signer aveuglément ceci ou cela, mais pour en débattre, et parvenir à un compromis pour le bien de la sécurité nationale, qui fasse l’unanimité bipartisane). Là, la désunion n’est même plus entre républicains et démocrates, mais entre républicains (les sénateurs et les “vieux sages”), et en songeant en plus que les républicains du Sénat qui font la sourde oreille aux avis de Kissinger & compagnie, sont eux-mêmes divisés dans la représentation parlementaire à laquelle ils appartiennent, notamment avec les membres dans ou proches de la nébuleuse Tea Party, – dont nul ne sait, d’ailleurs, quelle est sa véritable position sur la ratification de START-II et s’il y en a une…
La remarque de Politico.com est très significative : après avoir rencontré les sénateurs républicains, les “vieux sages” républicains les ont quittés “en se grattant la tête, s’interrogeant sur les vraies raisons de l’opposition des républicains” à START-II… «Je ne comprends pas très bien de quoi il s’agit», avoue Brent Scowcroft, toujours concernant les raisons de cette opposition. D’où la conclusion, inévitable : ils sont contre, les sénateurs républicains, parce qu’ils sont contre, point final, – parce qu’ils sont contre tout ce qui porte la marque Obama pour ce cas, – mais nous ferions même l’hypothèse que ce serait finalement la même chose si John Dupont ou Tartempion était président démocrate.
Il s’agit d’un état de l’esprit engendré par une psychologie particulièrement bouleversée par les divers événements en cours, par un sentiment de frustration dont on ne sait ou dont ne sait que trop bien la cause exacte, par le désordre extraordinaire de la politique washingtonienne. A notre sens, il n’y a pas une tactique d’obstruction délibérée, froidement calculée chez les républicains, mais une pathologie d’extrémisme et de nihilisme engendrée par la situation générale d’effondrement rapide de la puissance américaniste. Cette situation de “l’effondrement rapide de la puissance américaniste”, qui est plutôt une dynamique ajoutant à l’excitation psychologique par le mouvement, est identifiée soit comme une machination d’on ne sait qui (mais Obama fait l’affaire comme bouc émissaire), soit dénoncée comme une perception mystificatrice provoquée par un désordre général dont ces mêmes républicains sont en bonne partie responsables, mais dont ils accusent les autres (Obama et les démocrates font l’affaire) d’être les coupables. Là-dessus s’ajoutent les tensions des diverses sources de corruption, celle-ci étant généralisée, aussi bien que les tensions internes provoquées par les nouveaux venus typeTea Party, accusés, – pourquoi pas ? – de “néo-isolationnisme”…
Toutes ces interprétations sont secondaires parce que le problème n’est pas politique (valeur ou non de START-II, comme toutes les autres questions). Les “vieux sages”, venus voir leurs camarades sénateurs républicains pour discuter de la valeur de START-II, se sont retrouvés dans un monde où le débat n’a rien à voir avec START-II, où il n’y a d’ailleurs pas de débat, donc ni argument ni contre-argument. Même leur explication politicienne, également donnée par Scowcroft (estimer qu’il s’agit d’une attitude partisane où la seule préoccupation est d’empêcher Obama de remporter une victoire politique), si elle n’est pas fausse, n’est là aussi que secondaire et ne fait qu’effleurer la surface des choses. C’est bien la crise psychologique qui affecte le monde washingtonien dans son ensemble qui est en cause ici, et qui s’exprime d’une façon générale pour ce cas par une haine complète à l’encontre d’Obama, et, effectivement, par le désir de l’empêcher par tous les moyens d’emporter une victoire politique. L’on comprend bien que ce sentiment et ce but ne sont tout de même que des conséquences de l’état psychologique, nullement des causes fondamentales, que l’état psychologique est devenu un facteur insaisissable qui exprime son extrémisme et son nihilisme dans tous les cas et dans toutes les directions. Les “vieux sages”, habitués à d’autres temps et à d’autres mœurs, et d’autres comportements psychologiques puisqu’eux-mêmes sont retirés du débat politicien permanent de Washington en tant que tel, écartent cette explication ; ou bien, ils ont bien compris ce dont il s’agissait mais, décidément, ils ne peuvent en faire état publiquement et, de toutes les façons, ne peuvent pas en donner une explication satisfaisante du mal. On notera d’ailleurs que ce n’est pas la première fois qu’ils échouent dans une affaire publique importante à Washington, ces dernières années. A deux reprises, dans l’affaire irakienne, – soit pour empêcher ou ralentir la marche vers la guerre en 2002, soit pour aboutir à une solution rapide de retrait (l’Irak Study Group, ou ISG, en 2006), – les “vieux sages” se sont heurtés à une fin de non-recevoir, dans un climat psychologique déjà considérablement perturbé. L’on voit bien, avec la différence des sujets qui sont rappelés ici par rapport à START-II, qu’il s’agit bien de “climat psychologique” et que les choses, depuis 2002-2006, ont empiré à une vitesse impressionnante.
Pour Obama et la ratification de START-II, la seule chance restante reste une tactique habituelle qui est celle de “l’achat des voix”, la corruption courante de Washington : comment se rallier des voix républicaines en faisant des promesses diverses à l’un ou l’autre, concernant son Etat, son électorat, etc. Mais il reste bien peu de temps pour cela et il n’est même pas sûr que cette tactique soit encore efficace, tant le climat psychologique est exacerbé ; on peut être sûr que nombre de sénateurs absolument corrompus retrouveraient toute leur vertu pour dénoncer une manœuvre corruptrice qu’ils appliquent eux-mêmes d’une façon systématique en temps normal. La situation est telle à Washington que même la corruption n’est plus assurée d’être un moyen efficace pour faire fonctionner leur belle démocratie. La crise psychologique a engendré une “guerre civile” nihiliste, sans but ni dessein sinon celui de mener cette guerre d’une façon toujours plus extrémiste ; cette “guerre civile” est devenue un mur infranchissable entre la raison pratique et arrangeante qui menait le système dans ses belles années de fonctionnement et la situation présente des pouvoirs qui s’affrontent dans tous les sens.
Mis en ligne le 29 novembre 2010 à 06H26