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405La thèse d’un blocage, ou dans tous les cas de difficultés grandissantes des négociations pour un accord stratégique START-II entre les USA et la Russie, continue à se répandre. Nous avons abordé ce problème sous l’angle de la vision des Russes, ce 6 janvier 2009. Un texte de Eric Walberg, sur OnLine Journal, le 7 janvier 2009, développe également le thème.
Nous sommes loin d’être d’accord avec tous les arguments de Walberg. Lorsqu’il fait du déploiement épisodique de missiles US Patriot en Pologne un substitut provocateur à la base anti-missiles BMDE en Pologne que les USA ont abandonnée, il sacrifie à une thèse que les réalités techniques et opérationnelles, sinon bureaucratiques, démentent complètement. Nous nous attachons surtout à quelques extraits qui nous paraissent intéressantes.
• Sur le sentiment des Russes: «Russian confidence that US President Barack Obama might represent a fundamental change in the direction of US foreign policy is fast eroding. Even pro-Western analyst Dmitri Trenin, director of the Carnegie Moscow Centre reflects, “The people who see Russia as a problem are still at the Pentagon,” and he predicts that even if Obama lasts another seven years, the Russians are coming to the conclusion that “he may not be able to withstand the pressures on him.”»
• Sur l’attitude grandissante des experts US, à l’occasion des remarques de Poutine de la fin de l’année, mais plus généralement à l’égard de l’idée que les systèmes anti-missiles doivent être inclus dans un traité START-II: «And yet US Russian-watchers feign dismay at Putin’s warning. “It would be a huge obstacle in the talks if Putin now says we need limits on missile defence as part of this treaty,” frets Steven Pifer of the Brookings Institution. “It would be a huge setback, and it would make the treaty very hard, if not impossible, to conclude,” he moans.»
• …Par conséquent, un sentiment grandissant selon lequel on s’achemine vers un échec dans cette tentative de signer un second traité START, ce que les Russes commencent à prendre en compte: «With Obama’s diving popularity (60 per cent of Americans disapproved of his Nobel Prize) and an increasingly ornery Senate, the probability of US ratification of any treaty is not much above zero, so the Russians have nothing to lose by staking out their position to defend the Motherland and waiting for things military to further unravel in the US empire.»
• Enfin, une dernière observation, qui, elle, va dans le sens complètement inverse de celui que cherche Obama d’une réduction des armements nucléaires… «But, maybe all this is a tempest in a teapot, or as the Arab saying has it, salt, which disappears in a drop of water. Andrei Liakhov of Withers Worldwide, London, argues that since the 1960s, “the destructive force of nuclear weapons made them the best deterrent against another global war.” That the proliferation of nuclear states since then merely reinforces this MAD (mutual assured destruction) logic. That rather than a grandiose plan targetting only US-Russian nuclear weapons, strengthening the Non-Proliferation Treaty – which would of necessity include Israel – is the way to go.»
@PAYANT Effectivement, ce texte nous paraît inutilement polémique sur des manigances diverses, dans le détail, du côté US, sur l’affaire des Patriot, sur les arrière-pensées machiavéliques éventuelles d’Obama dès le départ (alors que par ailleurs est confirmée la confiance initiale des Russes pour la démarche d’Obama, et nulle part indiqué qu’ils auraient eu tort). Le reste confirme par contre l’évolution forcée d’Obama sous des pressions grandissantes, la perception de cette situation par les Russes, l’extension très rapide du pessimisme concernant les perspectives de START-II, voire du processus de prolifération, etc.
La tendance générale que manifeste ce texte, qui rend peut-être compte d’une orientation possible du débat sur la question nucléaire, apparaît principalement dans la dernière citation, celle de Andrei Liakhov, qui est de prendre le contre-pied des thèses sur la non-prolifération en se référant à la doctrine MAD (la possession réciproque de nucléaire interdit la possibilité d’emploi de crainte d’une destruction réciproque). C’est une évolution possible si un accord START-II n’est pas signé effectivement – et s’il n’est pas signé, ce sera de la responsabilité directe des USA refusant d’inclure les anti-missiles dans la négociation stratégique alors que ces systèmes le sont effectivement depuis le premier accord stratégique nucléaire (le traité ABM des années 1960). L’argument israélien est également avancé, c’est-à-dire l’incapacité de faire entrer Israël dans un accord de non-prolifération régional parce que les USA ne le peuvent ni ne le veulent, parce que Obama ne cesse de reculer devant les pressions dans ce sens, écartant de plus en plus l’intention qu’il avait d’abord semblé montrer de tenter d’imposer à Israël les règles de l’officialisation de sa capacité nucléaire. S’il n’y a pas de possibilité d’accord régional de non-prolifération avec Israël, il est très probable que la question iranienne telle que la pose l’Occident ne sera pas résolue, avec des puissances telles que la Russie, la Turquie et la Chine se rangeant du côté de l’Iran et pouvant être conduites à proclamer éventuellement que l’Iran a le droit, s’il le veut, de développer du nucléaire militaire puisqu’on ne fait rien contre le nucléaire militaire d’Israël.
L’accord START-II est la clef de voute de toute cette problématique. Cela s’explique par l’importance qu’Obama lui a donné comme démarche fondatrice de sa volonté de dénucléarisation et de non-prolifération; si l’accord n’aboutit pas, c’est effectivement toute cette démarche qui est compromise. Dans ce cas, les retombées seraient considérables, et toutes les questions nucléaires à divers niveaux, régionales notamment (le cas du Moyen-Orient et d’autres), seraient revues dans le sens envisagé par Andrei Liakhov, celui de la prolifération. La responsabilité de ce mouvement plus général revient également aux USA, puisque c’est Obama qui a lancé toute cette mécanique en lui donnant une importance considérable. Si son processus échoue avec l’échec de START-II, les pressions pour le mouvement contraire de prolifération seront très fortes, d’autant plus fortes que le processus est ambitieux. Il n’y aurait dès lors plus aucun argument sérieux à opposer au développement d’un nucléaire militaire iranien, voire à inciter l’Iran à faire un nucléaire militaire qu’on l’accuse de faire et qu’il ne fait pas encore… L’enchaînement est, du point de vue des partisans de la non-prolifération, tout simplement catastrophique, avec la responsabilité totale de l’Occident qui prétend imposer des lois et des traités (START, non-prolifération) qu’il ne serait même pas capable de mener à bien pour son compte (START-II) ni d’imposer à ses plus proches alliés (imposer à Israël de faire entrer son propre nucléaire dans les règles qu’il veut imposer à l’Iran qui n’a pas de nucléaire).
On se trouve fort proche d’un point de désintégration de toute la logique occidentaliste des règles et traités internationaux sur ces questions, parce que l’Occident est dans un état de paralysie totale qui lui interdit de plus en plus d’accepter pour lui-même et ses alliés les règles et traités qu’il voudrait imposer aux autres. Encore une fois, cette situation n’a rien à voir avec une volonté hégémonique absurde, qui n’a plus aucun moyen de s’imposer, et tout avec le désordre d’un système américaniste et occidentaliste au bord de l’effondrement. Obama paraît de plus en plus prisonnier des divers groupes qui font pression sur lui dans des sens divers, et de plus en plus impuissant dans ses projets les plus importants. De ce point de vue, l’évolution internationale que fait envisager un échec de START-II doit être accompagnée, pour être bien comprise, de l’évolution intérieure, notamment aux USA, à la lumière d’un tel échec. On devrait même envisager que cet aspect se manifestât avant l’échec définitif lui-même; il est bien possible que le processus de dégradation des négociations START-II conduisant à l’échec (donc avant l’échec) conduise à des tensions considérables au sein du système, à Washington. Dans ce cas, nous retrouvons l’analogie Obama-Nixon, d’ailleurs bien comprise par les Russes.
Mis en ligne le 11 janvier 2010 à 06H28
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