START-II : une appréciation involontairement européniste…

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Dimitri Simes, président du Nixon Center and éditeur de The National Interest, analyse le traité START-II. Dans Time.com (l’hebdomadaire Time), du 27 avril 2010, Dimitri Simes donne son appréciation des résultats de l’accord START-II. Il le tient pour un échec de l’administration Obama. C’est donc une thèse intéressante à examiner.

Après avoir détaillé l’offensive de communication de Washington pour présenter START-II comme un succès, Simes explique pourquoi il considère START-II comme un échec.

«The facts are quite different, however, and the Administration's handling of the agreement evokes strong echoes of history. Coverage of the deal in Russia's state-controlled media has been unenthusiastic not because it is favorable to Washington, but largely because Kremlin officials specifically advised journalists to keep their excitement under control…. […]

»I saw the real Russian attitude toward the treaty while participating in a Russian television program called “Think for Yourself.” Broadcast after midnight, it is one of the few remaining shows during which participants can speak relatively freely on sensitive matters. There, prominent Russian specialists who had previously expressed concern about what the new treaty would look like were now endorsing it. According to Leonid Ivashov, a retired three-star general and well-known hard-liner, the treaty was a “real diplomatic success,” because the Russian delegation “did not yield.” Another well-known hardliner, Sergey Kurginyan, stated bluntly that “Russia could not have an easier partner on the topic of nuclear arms than Obama.”

»Russian experts and officials have this view because they believe that America made a tacit commitment not to develop an extended strategic missile defense. As a senior Russian official said to me, ”I can't quote you unequivocal language from President Obama or Secretary Clinton in conversations with us that there would be no strategic missile defenses in Europe, but everything that was said to us amounts to this.” In this official's account, the full spectrum of U.S. officials from the President to working-level negotiators clearly conveyed that the reason they rejected more explicit restrictions on missile defense was not because of U.S. plans, but because of fear that such a deal could not win Senate ratification. A senior U.S. official intimately familiar with the talks has confirmed that the Russians were advised not to press further on missile defenses because the Administration had no intention to proceed with anything that would truly concern Moscow. Yet putting specific constraints in the treaty could block the Senate ratification. Read about how the U.S.-Russia nuke treaty is a small step on a long road.)

»This background puts a different spin on the reference to the link between offensive and defensive weapons in the preamble of the new agreement and on the Russian government's unilateral statement on the treaty, which asserts that the agreement "can operate and be viable" only if America "refrains from developing its missile defense capabilities quantitatively or qualitatively." This language, coordinated in advance with the Obama Administration, means that Moscow might withdraw from the treaty if the U.S. deploys a meaningful strategic missile defense.

»If the Administration actually wanted to build nuclear missile defenses, U.S. officials might be concerned about this prospect. Tellingly, however, the Administration has taken a rather benign view of the Russian statement, saying that since they have no plans for deploying strategic defenses in the foreseeable future, they had no reason to alarm the Russians with hypothetical situations.

»Instead, the Administration publicly and privately conveyed to Moscow that if Washington decides to pursue strategic missile defense, the U.S. would work to develop it jointly with Russia.»

Notre commentaire

@PAYANT C’est une appréciation intéressante dont on pourrait penser qu’elle complète éventuellement le précédent Bloc-Notes de ce 28 avril 2010 sur Medvedev annonçant que la Russie est intéressée par une coopération avec l’OTAN sur les réseaux ABM (anti-missiles).

Dimitri Simes est en général bien informé, avec de nombreux contacts chez les Russes. C’est l’un des grands spécialistes de la Russie à Washington, et plutôt de tendance réaliste comme les expets qui appartiennent au Nixon Center. Ce qu’il nous rapporte de l’attitude des Russes est plausible, d’ailleurs la chose avait filtré dans certaines dépêches et articles russes. L’absence de réactions enthousiastes ou satisfaites de la Russie après le traité START-II avait pour cause la volonté de ne pas compromettre le sort du traité START-II dans le cours de la ratification en insistant trop sur les clauses implicites des anti-missiles. (Malgré cela, il n’est nullement assuré que le traité soit ratifié aisément. Il faudra au moins une année, et encore selon les prévisions les plus optimistes. Les prévisions réalistes-optimistes font laisser plutôt penser à un retardement tel qu’on pourrait aboutir à une non-ratification.)

Mais ce que nous dit indirectement Simes, surtout, c’est qu’il existe une forte logique implicite de l’administration Obama d’un désengagement du programme anti-missiles en Europe, sous la forme larvée de retard bureaucratiques, technologiques et autres. (On ajoutera le désintérêt pour l’Europe, aspect politique extrêmement marquant de l’administration Obama.) Ce constat contraste évidemment avec l’insistance de l’OTAN pour une coopération avec la Russie, alors que l’OTAN a elle-même son programme ABM (qui coûte $10 milliards). On trouve alors renforcée deux tendances:

• D’une part, un certain désintérêt US, lié à START-II certes (et aux clauses russes de retrait du traité), pour le système ABM en Europe. Cela correspondrait à une tendance politique générale de l’administration de même qu’aux restrictions budgétaires vers lesquelles les USA se dirigent à grande vitesse, et dont certains disent qu’elles toucheront malgré tout, et sévèrement, le Pentagone, dont la dotation annuelle dépasse les $1.200 milliards.

• D’autre part, le développement renforcé du système de l’OTAN, où les USA n’ont qu’une partie beaucoup plus réduite au niveau budgétaire, ce qui justifie évidemment toute la manœuvre politique russe décrite précédemment. Il se pourrait bien ainsi que le projet US s’efface complètement en Europe derrière un projet OTAN à prédominance européenne, où les US serait d’ailleurs très modestes dans leur participation (surtout budgétaire, certes), ce qui renforcerait alors la logique de la démarche russe. Les Russes seraient alors fondés à croire qu’ils pourraient jouer un rôle prépondérant dans le projet commun Russie-OTAN, supplantant même à cet égard la participation US. Du point de vue russe, en fonction de la faible estime qu’ils ont pour le fonctionnement du pouvoir US, il pourrait y avoir l’idée que la manœuvre permet un rapprochement de l’OTAN en échange d’une européanisation de l’OTAN qui convient à leurs ambitions.

• On notera également que certains pays européens pourraient se rapprocher de la position russe et favoriser une européanisation de l’OTAN à l’occasion de l’affaire des ABM OTAN-Russie. C’est le ces de la France, de l’Allemagne, peut-être de la Pologne.


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Mis en ligne le 27 avril 2010 à 10H28