Subrepticement, les anti-missiles de Bucarest

Bloc-Notes

   Forum

Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.

   Imprimer

 897

Le volumineux texte qui “couronne” le sommet de l’OTAN de Bucarest contient un article sur les anti-missiles. Il s’agit de l’article 37 du communiqué final. Voici la chose.

«37. La prolifération des missiles balistiques représente une menace croissante pour les forces, le territoire, et la population des pays de l'Alliance. La défense antimissile s’inscrit dans le cadre d’une réponse plus large visant à contrer cette menace. Nous reconnaissons donc la contribution substantielle que le projet d'implantation en Europe de moyens de défense antimissile des états-Unis apporte à la protection des Alliés contre les missiles balistiques à longue portée. Nous analysons actuellement les moyens d’associer cette capacité aux efforts en cours à l'OTAN en matière de défense antimissile de manière à ce qu’elle puisse être intégrée dans toute architecture future de défense antimissile à l’échelle de l’OTAN. Soucieux de respecter le principe de l’indivisibilité de la sécurité des Alliés, ainsi que la solidarité au sein de l’OTAN, nous chargeons le Conseil en session permanente de définir des options pour une architecture globale de défense antimissile visant à étendre la couverture au territoire et à la population de tous les pays de l’Alliance non couverts par le système des états-Unis ; ces options, destinées à préparer toute décision politique qui pourrait être prise à l’avenir, seront examinées à notre sommet de 2009.»

L’affaire a été célébrée comme il convient (“soutien de l’OTAN aux anti-missiles”). Mais une phrase, dans cet article, apparaît tout à fait remarquable, sortant du cadre du simple soutien à l’opération anti-missile en cours (USA, Tchéquie, Pologne). Il ne semble pas qu’elle ait été relevée d’une façon spectaculaire. La phrase est celle-ci: «Soucieux de respecter le principe de l’indivisibilité de la sécurité des Alliés, ainsi que la solidarité au sein de l’OTAN, nous chargeons le Conseil en session permanente de définir des options pour une architecture globale de défense antimissile visant à étendre la couverture au territoire et à la population de tous les pays de l’Alliance non couverts par le système des états-Unis...»

Cette phrase est tout à fait surprenante. «L’expression d’“architecture globale” est remarquable... Cela signifie-t-il que l’OTAN, avec tous ses membres, reprend à son compte le programme de “guerre des étoiles” de Reagan? interroge une source proche des milieux institutionnels et politiques européens. Cette phrase engage tous les pays de l’OTAN dans la perspective éventuelle d’un programme gigantesque, pharaonique! Y a-t-il quelqu’un qui a vraiment mesuré toutes les implications d’une telle phrase?»

La phrase implique en effet que nous passons du cas pour l’instant spécifique et exceptionnel des deux pays concernés par le système US (Tchéquie et Polognre) à l’étude d’une situation d’une substance complètement différente, sans aucune limitation quant aux adversaires, aux formes de déploiements, à l’ampleur des systèmes, etc. La perspective serait alors celle d’un programme qui constituerait à la fois une politique générale concernant tous les pays de l’Alliance Atlantique, une politique caractérisée par un engagement extrêmement spécifique, appuyée sur une notion de force et une “mentalité de forteresse”, sans limitation d’antagonisme à un ou des adversaires identifiés, un engagement technologique et stratégique fondamental, une perspective budgétaire pharaonique... Les perspectives seraient extrêmement déstabilisantes pour l’Alliance, de tous les points de vue.

Cette sorte de perspective est si considérable qu’on a de la peine à croire qu’elle soit le résultat d’appréciations concertées, voire d’études même générales, alors que rien de précis à cet égard n’a transpiré. Il y a alors, également, l’hypothèse de la confusion et des manoeuvres en marge du sommet, notamment l’influence des représentants du complexe militaro-industriel tels que Bruce P. Jackson, qu’on a vu en action dans le séminaire parallèle au sommet, qui a constitué une machine d’influence efficace sur certains mécanismes du sommet.


Mis en ligne le 4 avril 2008 à 20H25