Sur la liquidation de l’objectivité

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Sur la liquidation de l’objectivité

• Aux USA, depuis à peu près 2014-2015 à tombeaux ouverts, s’est développée une révolution maximaliste, extrémiste de l’extrémisme, voire nihilisme, contre le concept de l’objectivité de la presse, de l’enseignement et autres matières intellectuelles. • L’idée porte sur la mise à mort de l’objectivité au profit de toutes les déformations possibles pourvu qu’elles soient conformes à la plus haute morale. • Qu’est-ce que c’est, “la plus haute morale” ? Passons... •  Jonathan Turley croit que la presseSystème y risque son existence.

Le très-grand constitutionnaliste américain Jonathan Turley aborde dans ce texte un sujet de la plus haute importance, en commentaire d’une enquête de deux anciens journalistes de très haut rang auprès de 75 dirigeants de médias sur la question de l’objectivité dans la presse ; avec cette conclusion abrupte et sans appel :

« [Les deux enquêteurs] ont conclu que l'objectivité est désormais considérée comme réactionnaire et même nuisible. Emilio Garcia-Ruiz, rédacteur en chef du San Francisco Chronicle, l'a dit clairement : “L'objectivité doit disparaître”  ».

En mettant à part cette vaste et insoluble question sur laquelle on reviendra sans aucun doute, – “Qu’est-ce que vraiment l’objectivité ?” –, on peut dire que ces réponses sont absolument révolutionnaires aux USA où la presse s’appuie traditionnellement sur ce qui est présenté en principe de départ comme la description objective des faits, pour justifier d’être à la fois le “Quatrième Pouvoir” et l’un des fondements quasi-constitutionnels des États-Unis d’Amérique.

Turley constate cela avec quelque part une sorte d’horreur qu’il a l’élégance de ne pas exprimer hautement, mais, on le sent bien, qui anime sa plume sans discontinuer. Il ne fait tout de même pas mystère, pas une seconde, de sa conviction qu’on oserait qualifier d’“objective” que si la presseSystème (MSM, pour ‘MainStream Media’) s’effondre en audience, cette attitude en est la principale raison :

« Les sondages montrent que la confiance dans les médias n'a jamais été aussi faible, moins de 20 % des citoyens faisant confiance à la télévision ou à la presse écrite. Pourtant, les journalistes et les universitaires continuent de détruire les principes fondamentaux qui soutiennent le journalisme et, en fin de compte, le rôle d'une presse libre dans notre société. Notamment, les auteurs qui ont été accusés à plusieurs reprises d'avoir tenu des chroniques fausses ou trompeuses sont parmi les plus grands défenseurs de l'abandon de l'objectivité dans le journalisme. »

 ... D’où il en déduit, ce qui n’est certainement pas pour nous déplaire, d’autant plus si le rythme de “fébrilité” pour « scier la branche où ils se tiennent” se confirme et se poursuit...

« S’il continue à y avoir aussi peu de différence en quantité et en qualité informatives entre les médias grand public et les médias alternatifs, le public continuera à se détourner des premiers. Les MSM ont le plus à perdre de ce mouvement, mais, en tant qu'éditeurs individuels, il reste populaire de céder aux défenseurs dans leurs rangs. C'est ce qu'a fait le New York Times en liquidant certains de ses propres rédacteurs pour satisfaire les extrémistes.

» Alors que les médias luttent pour survivre, ces leaders des médias scient fébrilement la branche de l'arbre sur laquelle ils sont assis. »

On fera trois autres remarques qui nous paraissent intéressantes, et qui pourraient également nourrir le même débat évoqué à propos du mot “objectivité”, – dont nous devrons nous demander, à une autre occasion s’il ne s’agit pas lui-même d’un terme “subjectif”, surtout dans notre époque d’hypercommunication...

Note de PhG-Bis : « Sur cette affaire de l’“objectivité”, il est certain que PhG y reviendra assez rapidement car je l’ai senti réagir avec une certaine vigueur, peut-être ici ou là dans un sens inattendu... Dans tous les cas, j’en mets ma barbiche à couper, il y reviendra. »

• La première de ces remarques concerne une difficulté de traduction. Turley emploie des mots comme “advocacy journalism”, comme “activism because journalism, and indeed history at his best, ils all about morality”, comme “I’m a biasead Jouralist”, etc… En général, l’équivalent français pourrait être “journaliste engagé”, mais le terme est trop vague et passe-partout et nous préfèrerions une expression assez peu employée pour montrer la rareté du projet, telle que “journaliste partisan”.

• La seconde de ces remarques est de savoir sur quoi dans le processus du métier de journaliste porte cette action de “journaliste partisan”. Cela n’est nulle part exprimé clairement.  Notre sentiment étant qu’il s’agit d’un mouvement nihiliste qui dépasse l’extrême de l’extrême sur son extrême extérieur, dans le néant de toute structure rationnelle, rien ne devrait être écarté de cet émondage révolutionnaire : du choix des nouvelles, de la suppression de nouvelles, jusqu’à l’invention de nouvelles qui nous fait entrer dans la catégorie extrêmement populaire et pratiquée, non seulement de la propagande mais du simulacre pur et simple (désinformation, fausses nouvelles, complots, illusions, miroirs déformants, masques de carnaval, etc.). Il va sans dire, – ce qui signifie qu’il est préférable de le dire, – que cet état d’esprit qui tourne à 100% avec le wokenisme aux USA, touche au même rythme tous, absolument tous les autres domaines, – chronologiquement pour nous, le Covid et l’Ukraine. C’est une méthode universelle, ce n’est pas une politique identifiée.

• ... Pourtant, tout ce que nous indique Turley va dans le même sens. C’est l’ultra-gauche de la gauche en théorie, et la gauche comme “seule façon d’être”, qui crache sur l’objectivité, décrit faussement, dénonce, invente, etc., et proclame cette méthode comme la seule hautement morale, donc uniquement acceptable. Mais cette classification est tout ce qu’il y a de trompeuse : ce n’est pas une question gauche-droite, ces étiquettes n’ont plus de valeur et les individus étiquetés se trouvent souvent en rupture de “camp”, mais c’est le projet de refuser absolument la réalité pour y plaquer le Grand-Simulacre. Cela pose une question aux adversaires des “simulacreurs” : faut-il retourner leur méthode contre eux ou leur opposer la vérité-de-situation quand on parvient à la saisir ? Nous serions tentés, selon les cas, de répondre par la positive, non par vertu mais parce qu’il n’y a rien de plus fort et de plus déstabilisant pour le simulacre que la vérité-de-situation violemment assénée. Pour autant, cela ne signifie pas que nous rejetions absolument cette mise en cause de l’“objectivité” dans le domaine de la presse tant cette chose a été si souvent manipulée pour nous faire avaler de longues, de très-longues couleuvres...

Ci-dessous, le texte de Jonathant Turley, sur son site, ‘ResIpsaLoquitur – JonathantTurley.org’ du 1er février 2023, « “L'objectivité doit disparaître” : les leaders de l'information appellent à la fin du journalisme objectif ».

dde.org

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« L’objectivité doit disparaître »

Nous avons déjà évoqué le mouvement dans les écoles de journalisme visant à se débarrasser des principes d'objectivité dans le journalisme. Le journalisme partisan est la nouvelle pierre de touche des médias, alors même que les sondages montrent que la confiance dans les médias est en chute libre. Aujourd'hui, l'ancien rédacteur en chef du Washington Post Leonard Downie Jr. et l'ancien président de CBS News Andrew Heyward ont publié les résultats de leurs entretiens avec plus de 75 dirigeants des médias et ont conclu que l'objectivité est désormais considérée comme réactionnaire et même nuisible. Emilio Garcia-Ruiz, rédacteur en chef du San Francisco Chronicle, l'a dit clairement : « L'objectivité doit disparaître ».

Par exemple, alors que Bob Woodword et d'autres ont finalement admis que la couverture de la collusion russe [‘Russiagate’] manquait d'objectivité et donnait lieu à de faux reportages, les personnalités médiatiques font encore plus pression contre l'objectivité en tant que valeur fondamentale du journalisme.

Nous avons discuté de la montée du journalisme partisan (“engagé”) et du rejet de l'objectivité dans les écoles de journalisme. Des écrivains, des rédacteurs, des commentateurs et des universitaires, y compris le président élu Joe Biden et ses principaux conseillers, se sont ralliés aux appels croissants à la censure et au contrôle des discours. Ce mouvement comprend des universitaires qui rejettent le concept même d'objectivité dans le journalisme en faveur d’un engagement ouvert.

Steve Coll, doyen de la faculté de journalisme de Columbia et auteur du New Yorker, a décrié la façon dont le droit à la liberté d’expression garanti par le premier amendement était “militarisé” pour protéger la désinformation. Dans une interview accordée au Stanford Daily, Ted Glasser, professeur de journalisme à Stanford, a insisté sur le fait que le journalisme devait « se libérer de cette notion d'objectivité pour développer un sens de la justice sociale ». Il a rejeté l'idée que le journalisme est fondé sur l'objectivité et a déclaré qu'il considérait « les journalistes comme des activistes parce que le journalisme dans sa meilleure forme, – et en fait l'histoire dans sa meilleure forme, – est une question de moralité ».  Ainsi, « les journalistes doivent être des défenseurs ouverts et francs de la justice sociale, et il est difficile de le faire sous les contraintes de l'objectivité ».

Lauren Wolfe, la rédactrice indépendante licenciée du New York Times, a non seulement rendu public son tweet pro-Biden, mais a publié un article intitulé « Je suis une journaliste biaisée et je me sens très bien comme ça ».

Nikole Hannah-Jones, ancienne rédactrice du New York Times (et aujourd'hui professeur de journalisme à l'université Howard), est une des principales voix du journalisme partisan.

En effet, Hannah-Jones a déclaré que « tout journalisme est du militantisme ». Son projet 1619 a été contesté comme étant profondément défectueux et elle a un long passé de journaliste intolérante, de positions controversées sur les émeutes et d'encouragement des théories complotistes. Hannah-Jones a ensuite contribué à diriger les efforts du Times pour se débarrasser d'un rédacteur en chef et s'est excusée d'avoir publié un article du sénateur Tom Cotten, jugé inexact et incendiaire.

Les sondages montrent que la confiance dans les médias n'a jamais été aussi faible, moins de 20 % des citoyens faisant confiance à la télévision ou à la presse écrite. Pourtant, les journalistes et les universitaires continuent de détruire les principes fondamentaux qui soutiennent le journalisme et, en fin de compte, le rôle d'une presse libre dans notre société. Notamment, les auteurs qui ont été accusés à plusieurs reprises d'avoir tenu des chroniques fausses ou trompeuses sont parmi les plus grands défenseurs de l'abandon de l'objectivité dans le journalisme.

Désormais, les dirigeants des entreprises médiatiques se joignent à ce mouvement autodestructeur. Ils ne font pas allusion aux chroniqueurs et des animateurs du câble qui partagent régulièrement leurs opinions, mais aux “vrais” journalistes, ceux sur qui sont chargés de simplement rapporter les nouvelles.

Dire que “l'objectivité doit disparaître” est, bien sûr, libérateur. Vous pouvez vous passer des nécessités de la neutralité et de l'équilibre. Vous pouvez satisfaire votre “base” comme les chroniqueurs et les rédacteurs d'opinion. Partager un point de vue opposé est maintenant considéré comme du “bothsidesism”. C'est fait. Plus besoin d'accorder du crédit aux opinions contraires. C'est une réalité familière pour ceux d'entre nous qui travaillent dans l'enseignement supérieur, qui se montre de plus en plus intolérant à l'égard des opinions opposées ou dissidentes.

Downie raconte comment les dirigeants des médias d'aujourd'hui

« pensent que la recherche de l'objectivité peut conduire à un faux équilibre ou à un "bothsidesism" trompeur dans la couverture des histoires sur la race, le traitement des femmes, les droits LGBTQ+, l'inégalité des revenus, le changement climatique et bien d'autres sujets. Et, dans les salles de rédaction qui se diversifient aujourd'hui, ils ont le sentiment que cela nie nombre de leurs propres identités, expériences de vie et contextes culturels, les empêchant de rechercher la vérité dans leur travail. »

Il fut un temps où tous les journalistes partageaient une "identité" commune en tant que professionnels capables de séparer leurs propres partis pris et valeurs de la couverture de l'actualité.

Aujourd'hui, l'objectivité est pratiquement synonyme de préjugés. Kathleen Carroll, ancienne rédactrice en chef de l'Associated Press, a déclaré : « C'est objectif selon quelle norme ? ... Cette norme semble être blanche, éduquée et assez riche ».

Des médias comme NPR effacent rapidement toute frontière entre journalistes et défenseurs des droits. NPR a annoncé que les reporters pouvaient participer à des activités qui défendent « la liberté et la dignité des êtres humains » sur les médias sociaux et dans la vie réelle.

Downie se fait l'écho de ces points de vue et déclare : « Ce que nous avons découvert nous a convaincus que les médias d'information en quête de vérité doivent aller au-delà de ce que l’“objectivité” signifiait autrefois pour produire des informations plus fiables. »

Vraiment ? Être moins objectif rendra les nouvelles plus dignes de confiance ? Cela ne semble pas avoir fonctionné pendant des années, mais Downie et d'autres doublent la mise comme de mauvais parieurs à Vegas.

En effet, le chant “Let’s Go Brandon” est autant une critique des médias que du Président Biden.

S’il continue à y avoir peu de différence en quantité et et en qualité informatives entre les médias grand public et les médias alternatifs, le public continuera à se détourner des premiers. Les MSM ont le plus à perdre de ce mouvement, mais, en tant qu'éditeurs individuels, il reste populaire de céder aux défenseurs dans leurs rangs. C'est ce qu'a fait le New York Times en liquidant certains de ses propres rédacteurs pour satisfaire les extrémistes.

Alors que les médias luttent pour survivre, ces leaders des médias scient fébrilement la branche de l'arbre sur laquelle ils sont assis.

Jonathan Turley