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41687 mai 2019 – Le tourbillon crisique (T.C. : titre de cette rubrique) tourbillonne-t-il encore ? Ma réponse, toutes réflexions faites, est un “oui” sonore et sans équivoque ; simplement, il tourbillonne si vite qu’on le croit parfois à l’arrêt et qu’on croit ne plus le voir du tout. Le problème de cette rubrique (T.C.) est qu’elle tente épisodiquement d’observer et de définir le phénomène et que cette tâche est difficile si l’observation s’avère impossible. Le Système, cette immense machinerie énigmatique qui fait peser sur nous l’empire de sa surpuissance, est aujourd’hui agité de spasmes terribles et d’une violence inouïe, dont l’amplitude est telle que nous n’arrivons pas à les identifier comme tels parce que notre vision est en-deça du mesurable du phénomène. Il faut, pour partie, s’en remettre à l’intuition...
Pourtant, il y a des signes et des évidences qui nous permettent de voir clairement le schéma fondamental des événements, derrière cette agitation agissant comme un écran de fumée. J’ai déjà signalé, dans le T.C.-70 sur « “Nos” drôles de guerres civiles ! », le rôle privilégié de la France et des USA dans cette recherche d’une impeccable décadence en bonne accélération centripète de manière à ne pas faire attendre trop les spectateurs (nous-mêmes), recherche de l’identification et du diagnostic de l’état de la crise du Système toujours en recherche d’élargissement, et de la dynamique dissimulée du tourbillon crisique, – bref comme feraient des accélérateurs de particules de la crise en recherche de l’extension de son domaine, – toujours plus grand, toujours plus vite. Je terminais cet article par un conseil : « Bref... ‘Stay tuned’, comme l’on dit. » C’est ce que nous faisons…
Dans ce T.C.70, mon conseil était de suivre leurs “pensées” : « Avez-vous vu cette formidable similitude de pensée entre deux géants [Macron & Trump] de l’époque ? » Ici, ce sera plutôt le constat de la “formidable similitude” de situation entre ces deux mêmes “géants de l’époque”. Il est entendu que nous laissons de côté les étiquettes, les choix politiques voire les idéologies, les personnalités de ces deux-là, leur communauté de caractère pour alimenter la crise, etc. ; nous ne parlons que des situations.
Pour le Français, avec le destin que l’on sait de lui, son exceptionnalité à l’origine, sa gloire éclatante par avance, il est remarquable de constater combien il se trouve totalement impuissant à se débarrasser d’une dynamique de chute régulièrement accélérée, malgré des moyens puissants, une communication quantitative formidable et une pseudo-popularité qui semble n’avoir aucun effet sur quelque soutien populaire que ce soit, un soutien aveugle et empressé des élites, un zèle de répression d’une férocité rare, apparentant la France à un Etat de qualification et de spécialisation policière. (Ils ont même trouvé un nom “à la mode”, qui pourrait nous la servir postmoderne : “démocrature”.)… Tout devait être bouclé, plié dans le sens de la longueur jupitérienne à la satisfaction du Petit-prince par un Grand Débat du type-logorrhée au lieu de quoi l’on eut en vérité, comme pour nous dire le vrai, Notre-Dame qui s’embrasa d’une sainte et métaphysique fureur.
Hier, pour la première fois, la première place dans les sondages du parti présidentiel pour les élections européennes a été mise en cause d’une façon sacrilège et provocante. C’est une perspective hypothétique parmi tant d’autres, que je signale en passant, qui achèverait bien la séquence dans le sens que l’on sait inévitable : effondrement aveuglé et confus du mandat Macron dans un chaos d’où sortirait effectivement quelque chose comme une “guerre civile” d’un nouveau genre, mauvais genre. Quant à lui, pauvre Macron, plus que jamais “pompier-pyromane”, perdu au gré des oubliettes, aggravant la situation à chaque nouvelle habileté de communication …
A Washington D.C., c’est-à-dire à “D.C.-la-folle”, ce devait être un peu la même chose. On attendait le rapport Mueller et l’on découvrit, au cours d’un processus chaotique, qu’il ne prouvait rien qui fut en quelque façon que ce soit la “culpabilité” de Trump, type marionnette-du-Kremlin. On en déduisit donc que le chaos était clos, et que la présidence Trump pouvait commencer. Que nenni, mes amis.
Bien au contraire, “D.C.-la-folle” est plus que jamais sur le sentier de la guerre. On ergote et on s’affronte sur les virgules, sur la réécriture du rapport, sur la possibilité d’une “obstruction à la justice” dissimulée du président, sur le ministre de la Justice qui refuse l’injonction du Congrès de témoigner et l’on se prépare à passer Mueller sur le grill lorsqu’il ne dépendra plus de ce ministre-là. Même Dame Pelosi, pourtant si prudente et cheftaine-en-chef des démocrates à la Chambre, commence à admettre de nouveau que, finalement, après tout hein, on pourrait tenter la mise en accusation pour une destitution.
Voilà pour “D.C.-la-folle”, domaine interne ; pour le reste, l’extérieur, le Venezuela, la Chine et le reste, on sait bien ce qu’il en est avec le grand-inénarrable Trump, prisonnier des pieds-nickelés Bolton-Pompeo, ou bien qui joue avec eux comme il a joué auparavant avec les généraux qui tenaient le même rôle. Peu importe le vrai dans tous ces détails, reste, là aussi, cette dynamique crisique qui ne cesse de s’enfoncer dans le Grand Trou Noir…
C’est à ce point que je veux en venir en maintenant ce parallèle entre France et USA, au niveau de cette dynamique de pourrissement et de destruction des structures des pouvoirs, c’est-à-dire des structures du Système. Bien entendu, l’on comprend combien ces deux pays ne sont pas des exceptions, malgré leurs prétentions à l’exceptionnalisme, mais bien plutôt des exemples de cette dynamique que l’on retrouve partout.
Voilà le vrai : le tourbillon crisique que je ne parvenais plus à retrouver s’est transformé en un immense trou noir, – le Grand Trou Noir, – qui engloutit les structures, l’ordre et la logique du Système dans un immense mouvement circulaire d’aspiration vers le bas et vers le néant. Les quelques figurants qui prétendent encore à l’influence directive sont promis à subir le même sort, comme Maistre disait des chefs révolutionnaires : « Les scélérats mêmes qui paraissent conduire la révolution, n'y entrent que comme de simples instruments ; et dès qu'ils ont la prétention de la dominer, ils tombent ignoblement. »
Courage Macron, courage Trump, menez votre mission à bien, – soyez exécrables, ignoblement…
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