Tensions et audaces d’images: Gorbatchev ou Eltsine?

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La composition de l’équipe économique de l’administration Obama a beaucoup frappé les esprits, chez les “partisans du changement” aux USA, certes, mais même dans d’autres milieux et ailleurs qu’aux USA. Cette équipe est si conforme aux structures et aux orientations de l’administration Clinton, c’est si complètement l’équipe responsable de la globalisation catastrophique des années 1990 qui a conduit tout droit à la crise financière actuelle, que la chose oscille entre la caricature et la provocation.

Par contraste, les espérances qu’on met dans la venue d’Obama, qui sont pour l’instant complètement déçues, sont exprimées d’une façon de plus en plus claires et de plus en plus radicales, là aussi chez les opposants US mais ailleurs que dans ces milieux et hors des USA. Ainsi, on observe que l’“hypothèse Gorbatchev” pour définir et symboliser ce qu’on attend d’Obama est de plus en plus nettement exprimée, également dans d’autres milieux que les milieux dissidents, malgré son potentiel révolutionnaire. C’est le cas de cette observation que nous extrayons du texte de Michael Hudson, du 26 novembre, concernant l’“eltsinisation” d’Obama, – idée audacieuse qui vaut bien l'excuse pour cet horrible néologisme. Ce qui nous intéresse dans ce texte est le passage où Hudson met en évidence le contraste entre l’équipe Obama et ce qu’on en attend à l’extérieur, dans ce cas en Allemagne.

«…Individuals do not determine who owes what to whom, who is employed by whom or what laws govern their work and investment. Institutional economic and political structures are the key. And somehow the focus has been on the politics of personalities, not on the economic forces at work.

»This is as true abroad as it is in the United States. Two weeks ago I was at an economic meeting on “financialization” in Germany. Most of the attendees with whom I spoke expressed the hope – indeed, almost a smug conviction – that Obama would be like Gorbachev in Russia: a man who saw the need for deep structural change but chose to bide his time, seeming to “play the game” with the protective coloration of going along, but then introducing a revolutionary reform program once in office.

»Instead, after resembling President Carter by running a brilliant presidential primary campaign to win the nomination (will a similarly disappointing administration be about to come?), Obama is looking more like Boris Yeltsin – a political umbrella for the kleptocrats to whom the public domain and decades of public wealth were given with no quid pro quo.»

On a noté que c’est d'Allemagne que Hudson rapporte cette constatation. Une autre indication de l’humeur allemande était donnée dans le rapport que le Financial Times faisait, le 26 novembre, d’une intervention d’Angela Merkel devant le Bundestag.

«Angela Merkel, the German chancellor, turned the tables on her international critics on Wednesday by accusing the US and other governments of making “cheap money” a central tool of their economic management, thus planting the seeds of a similar crisis in five years.

»“Excessively cheap money in the US was a driver of today’s crisis,” she told the German parliament. “I am deeply concerned about whether we are now reinforcing this trend through measures being adopted in the US and elsewhere and whether we could find ourselves in five years facing the exact same crisis.”»

L’Allemagne devient effectivement un des bastions de la critique du système américaniste qui a conduit à la crise financière actuelle. Les Allemands, traditionnellement très rigoureux, ont été très critiques ces dernières années, y compris avant les premiers signes de crise, de l’évolution du système et ont insisté à plusieurs reprises auprès des Américains sur la nécessité d’une réforme. Ils ont été constamment accueillis par des réactions méprisantes et brutales de la part de leurs interlocuteurs US. Ces divers épisodes ont beaucoup marqué les Allemands et expliquent qu’ils soient aujourd’hui, alors que la crise a démontré amplement la justesse de leurs critiques, certainement parmi les plus radicaux dans la mise en cause du système de l’américanisme.

Les Allemands espéraient et espèrent toujours qu’Obama interviendra dans un sens réformiste. Les premières décisions du “President-elect” ne les ont évidemment pas apaisés, bien au contraire. D’où une radicalisation certaine dans leurs critiques, et l’expression semi-publique, comme le rapporte Hudson, que l’“hypothèse Gorbatchev” est, dans son esprit, la voie à suivre pour l’administration Obama. Cette évolution générale indique l’orientation vers une radicalisation des positions, et la possibilité que les rapports de certains pays avec les USA d’Obama se chargent très vite d’une certaine tension.

Dans ce cas également, on observe un phénomène d’“image” dans la perception d’Obama, qui charge le nouveau président d’une certaine obligation de réforme aux yeux de certains de ses partenaires. Plus Obama tend à se transformer en une sorte d’Eltsine, dans tous les cas du point de vue du symbole et des mesures théoriques, au moins on hésite à exprimer la révolutionnaire (par rapport à la pensée conforme) “hypothèse Gorbatchev”.


Mis en ligne le 1er décembre 2008 à 12H27