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134930 octobre 2013 – C’est l’avis de Glenn Greenwald que la semaine dernière, avec les révélations des écoutes plus ou moins avérées de dirigeants européens du calibre de Géants Historiques que sont Hollande et Merkel, avec le sommet de l’UE “kidnappé” en bonne part par rapport à son calendrier original par ces affaires du type NSA, avec la panique et le désordre qui se sont signalés à Washington à ce propos, la crise Snowden/NSA a pris un tour nouveau en forçant l’attention sur son aspect extérieur (dito, l’espionnage-surveillance de la NSA sur le vaste domaine de ROW [rest Of the World], particulièrement et très spécifiquement les “amis du bloc BAO”). On lit cela dans son commentaire du 25 octobre 2013 dans le Guardian (et l’on y notera le principal argument, mis à mal par Greenwald au nom d’une dénonciation avisée de l’activisme de l’anglosaxonisme, du débat entre les robots-Système tentant d’arrêter la vague antiSystème : «everyone spies!») :
«The most under-discussed aspect of the NSA story has long been its international scope. That all changed this week as both Germany and France exploded with anger over new revelations about pervasive NSA surveillance on their population and democratically elected leaders.
»As was true for Brazil previously, reports about surveillance aimed at leaders are receiving most of the media attention, but what really originally drove the story there were revelations that the NSA is bulk-spying on millions and millions of innocent citizens in all of those nations. The favorite cry of US government apologists -–everyone spies! – falls impotent in the face of this sort of ubiquitous, suspicionless spying that is the sole province of the US and its four English-speaking surveillance allies (the UK, Canada, Australia and New Zealand).»
Il est remarquable que cette déstabilisation des relations transatlantiques, – c’en est une, sans nul doute, – se réalise après une première vague de révélations concernant l’Europe, courant juin dernier, dont les effets ont été mineurs. Cela montre la résilience antiSystème de la crise Snowden/NSA qui est une crise multi-cibles, qui n’oublie rien et repart à l’attaque quand une première poussée a échoué. La séquence actuelle par rapport à ce qui a précédé est ainsi commentée par Greenwald : «First, note how leaders such as Chancellor Angela Merkel reacted with basic indifference when it was revealed months ago that the NSA was bulk-spying on all German citizens, but suddenly found her indignation only when it turned out that she personally was also targeted. That reaction gives potent insight into the true mindset of many western leaders.»
On donne ici deux autres réactions qui envisagent le problème du point de vue plus général des effets sur l’influence et le statut “moral” des USA, – le deuxième point étant un moyen très puissant de renforcement du premier dans la politique américaniste. Les deux points de vue ne considèrent pas le facteur de l’exceptionnalisme des USA, tant dans la pratique de la NSA que dans la politique générale des USA (ce facteur de l’exceptionnalisme étant également un facteur de renforcement de l’influence dans la psychologie de l’américanisme).
• Extrait de l’interview par Russia Today le 25 octobre 2013, de Gevin MacFayden, directeur du Centre of Investigative Journalism à Londres.
Russia Today : «Are you surprised so many world leaders are allegedly being monitored?»
Gavin MacFadyen : «No, I wasn’t. I was surprised that there were so few. I think the truth is that the Americans have the capacity – as other countries do, but particularly the United States – to spy on almost anybody they want to. It’s an abuse of power on a very large scale. [...] However, the principle of interfering with other leaders is an astonishing presumption and damaging to relations. It’s also known, of course, here in Britain where I’m based, that it’s very common, much of this kind of thing. But to cover it up, there’s a kind of outrage. “Oh, this is a terrible thing.” Of course it is terrible on one level, but at the same time they all do it. So it’s not quite as awful as it appears, however that doesn’t make it any less worse for the Americans. I think they were caught out doing something they denied. They lied about it. And now we find out it’s much bigger than anybody thought.»
• Extrait de l’interview du directeur de l’Open Technology Institute, Sascha Meinrath, le 23 octobre 2013, également par Russia Today.
Russia Today: «Do you believe the fallout from the scandal might actually lead to Washington reviewing, or curbing its surveillance methods?»
Sascha Meinrath : «I should hope so. It is clear that what the US has been doing is not sustainable over time. This has created a massive reputational crisis for the US. This is a Sputnik moment for the rest of the globe for the entire populace is in essence on edge about what the US government is doing, what is the NSA doing, what is being surveilled. I mean we are not just talking about 70 million phone calls in France. We are talking about 70 million phone calls in a single month. So in essence what we’re saying is everyone is a suspect and everyone is being surveilled. And it is probably not just France and Germany, and Mexico and Brazil, this is probably globally.»
L’ampleur et la vitesse des conséquences de la crise Snowden/NSA, ces dix derniers jours, ont effectivement ouvert une nouvelle phase. La question et le débat sur l’espionnage, la surveillance, des écoutes ; le cortège de banalités égrenées par les défenseurs-Système mobilisés contre cette dynamique antiSystème (voir le
Le plus remarquable, c’est le “bruit de communication” général qui s’est élevé en début de séquence pour contenir ses effets, selon l’absolue certitude que la banalisation habituelle de cette sorte de tension (dite “transatlantique”) apaiserait cette dynamique, ce “bruit de communication” s’est transformé en une cacophonie dérisoire qui ne parvient qu’à se réduire elle-même en se ridiculisant. Les slogans-lieux communs que nous utilisons comme symboles de cette réaction (“Tout le monde espionne tout le monde”, et “Ces gens savent très bien qu’ils sont espionnés, leur indignation est forcée”) sont totalement inappropriés à la situation et ne produisent aucun effet, sinon celui d’ouvrir le champ à la véritable aggravation de la crise. Personne, de ce point de vue, n’a réalisé qu’il ne s’agit, on le répète ici avec force, aucunement d’une question d’espionnage, de surveillance, d’écoute. Il s’agit d’une question fondamentale de confiance et de cohésion à l’intérieur du bloc BAO, mises à mal d’une façon symbolique, non par des réseaux de surveillance et d’écoute, mais par l’expression même de ce qui représente traditonnellement le suprématisme anglo-saxon dont on pouvait parler du temps de Toynbee (voir le 15 octobre 2013), symboliquement représenté pour le domaine qui nous intéresse par les réseaux UKUSA (UK-USA) puis AUSCANNZUKUS (Australie-Canada-Nouvelle-Zélande-UK-USA) réunissant, depuis 1946, les capacités d’écoute et de surveillance des pays de l’“anglosphère”. Cette expression du suprématisme anglo-saxon, exprimé bien entendu par la NSA avec son supplétif GCHQ britannique, est effectivement le symbole de la tension rupturielle (et symbole d’un archaïsme, d’ailleurs) qui s’effectue au sein du bloc BAO, contre le gré de tous les dirigeants des pays du bloc BAO, contre les pressions du Système, contre la logique de leur rassemblement, etc., et simplement sous la poussée irrésistible de la dynamique antiSystème du groupe Snowden-Greenwald & compagnie, désormais relayé par une infinité de réseaux diffusant informations et programmes de la NSA. Ce symbolisme du suprématisme anglo-saxon, complètement anachronique dans les conditions nouvelles qui prévalent depuis 2008 pour notre propos (on verra plus loin), est devenu la représentation symbolique d’une menace qui est en train de s’installer au cœur du bloc BAO, menaçant effectivement de le déstructurer contre les tendances et les conditions qui ont conduit à sa formation. La crise de confiance se traduit d’une façon opérationnelle dans des menaces concernant la coopération des services de renseignement dans le domaine de l’antiterrorisme, la coopération financière (menace de rupture de l’accord SWIFT), la coopération commerciale (difficultés des négociations sur la zone de libre-échange, etc.) ; mais elle se manifeste surtout au niveau de la communication, par des attitudes de récrimination, de contestation, de défiance insultante (lorsque, par exemple, les députés allemands veulent entendre Edward Snowden, ou aller l’auditionner à Moscou).
On annexera à ce fait fondamental et central de la crise Snowden/NSA, le fait de l’éclatement de la structure du bloc BAO au Moyen-Orient. Même si les USA vont vers un accord avec l’Iran, comme l’affirme DEBKAFiles ce 27 octobre 2013, l’essentiel à observer est que l’architecture du bloc BAO dans la région est en train d’exploser, avec la rébellion erratique et née d’une fureur qu’on qualifiera étrangement de “commune”, sans aucune cohérence stratégique et idéologique, d’Israël et de l’Arabie Saoudite. Cette affaire suit, bien entendu, l’échec américaniste en Syrie du mois de septembre, l’impuissance à exécuter une menace de frappe du président Obama qui a vertigineusement affaibli l’influence US dans la région et porté, là aussi, un rude coup à la cohésion du bloc BAO préparant la phase actuelle de tension UE-USA.
Il est bon, avant d’enchaîner sur notre commentaire, de rappeler certaines de nos références spécifiques propres au travail de ce site, tant il nous apparaît, à la lecture de ceci ou de cela, – sans intention d’identification de notre part, qui le voudra ou le pourra s’y reconnaîtra, — que ces références sont bien souvent “désinterprétées” (comme l’on dit d’une sorte d’auto-“désinformation”), et cela déformant décisivement par conséquent le fondement de nos travaux. Dans un effort que nous poursuivons depuis près d’un an, nous avons établi un Glossaire.dde qui expose ces références à mesure de notre travail à cet égard, mais leur lecture qui demande de l'attention et du temps peut souvent avoir découragé plus d’une bonne âme, dont l'une ou l'autre prétend pourtant disposer de tous les éléments pour comprendre le sens de notre démarche. Nous signalons donc, pour le cas de ce commentaire présent mais aussi dans un but de documentation générale, que nous parlons dans le cadre historique et métaphorique de ce que nous nomme l’ère psychopolitique (voir le 12 octobre 2013), c’est-à-dire une époque nouvelle, notre époque où la communication est, d’une façon écrasante, la principale force dynamique, d’influence et de puissance ; que nous parlons dans le cadre structurel général d’un Système (voir le 8 juillet 2013), c’est-à-dire d’une entité englobant notre civilisation (en réalité, notre contre-civilisation) et ne pouvant en aucun cas se ramener à un seul de ses composants (fût-ce les USA), et ne bénéficiant en aucun cas à un seul de ses composants (fût-ce les USA) aux dépens des autres ; que nous parlons dans le cadre psychologique et politique du bloc BAO (voir le 10 décembre 2012), regroupant depuis l’automne 2008 à peu près les pays dits “occidentaux” (USA, Europe type-UE, des pays satellites tels Israël et l’Arabie, certains pays asiatiques type-Japon et Corée du sud, mais ceux-là plus éloignés), et opérationnalisant une politique-Système (voir le 17 novembre 2012) qui tient de moins en moins compte des spécificités nationales, et encore moins des conceptions principielles. On peut bien entendu ne pas être d’accord avec ces concepts qui fixent selon nous une situation nouvelle, mais on ne peut juger du sens de nos travaux qui utilisent ces concepts en écartant leur utilisation et leurs sens fondamentaux.
Justement, enchaînons sur le bloc BAO, qui est l’objet même de notre commentaire, et qui regroupe aussi bien des notions telles que l’ultralibéralisme, le suprématisme occidental (succédané du suprématisme anglo-saxon, qui en devenu le substitut et a complètement supplanté le suprématisme anglo-saxon) enrobé dans des concepts moralisants et sociétaux, la guerre contre la terrorisme présentée comme une dynamique libératrice et civilisatrice, la culture niveleuse (type américaniste mais désormais hors du seul champ américaniste et devenue BAO) rebaptisée multiculturalisme, le scientisme postmodernisme, la prééminence des “valeurs” sur les principes, etc. Depuis sa formation à l’automne 2008, directement sous l’empire du Système, le bloc a perdu les modalités hiérarchiques qui caractérisaient l’entité précédente, ce qu’on nommait “l’Ouest”. Précisément, il n’est plus question d’une domination des USA, qui ne furent jamais “empire” au sens historique du mot, et qui le sont moins que jamais, mais qui exercèrent une tutelle d’influence, de culture et de surveillance pendant un demi-siècle ; le processus continue mais il n’est plus vécu comme une marque de domination de l’un sur les autres mais comme une marque d’intégration et d’homogénéisation. La globalisation a évidemment préparé et opérationnalisé très rapidement cette intégration et cette homogénéisation qui se sont cristallisées avec la crise de l’automne 2008 ; le “nous sommes tous américains” de qui-vous-devriez-savoir est devenu une sorte de “nous sommes tous globalisés-Système”. Ce n’est pas une marque de puissance, de triomphe, d’hégémonie, etc., de l’un ou l’autre sur les autres, c’est une marque de la prééminence indiscutée et de l’avancement irrésistible du Système, – et de son avancement catastrophique puisque la dynamique de surpuissance, au plus elle s’affirme au plus elle devient dynamique d’autodestruction.
Le caractère nécessaire de ce bloc BAO tel qu’il s’est constitué est nécessairement l’abandon des hiérarchies encombrantes et pénalisantes, et qui, surtout, selon la pensée primale des directions politiques, constituent des freins inutiles à la promotion de modèle général, du modèle-Système que le bloc prétend représenter. Ainsi justifions-nous la perception d’un processus rapide de la dissolution de l’hégémonie d’influence et d’autorité des USA sur le reste, qui a été d’ailleurs marquée ces dernières années, jusque dans des événements grossiers (parce qu’ils ne sont pas les plus importants dans le processus décrits) quoique visibles, de type stratégique et militaire. Quelle que soit la rhétorique dépassée, des experts et autres publicistes du domaine qui continuent à utiliser le matériel sémantique de la deuxième moitié du XXème siècle, les USA ont joué un rôle d’impulsion et de communication, voire un rôle opérationnel, de second plan dans les aventures si caractéristiques de la Libye et de la Syrie. Dans le premier cas, l’impulsion fut clairement française, et même le Qatar joua un rôle dynamique plus marqué que les USA ; dans le second, le jusqu’auboutisme des Français jusqu’à la mi-septembre, la colère des Saoudiens depuis quelques semaines, ne s’embarrassent guère d’une quelconque et soi-disant hégémonie US devenue illusoire sinon disparue corps et bien. Nous n’en sommes certainement pas à proposer l’idée, qui n’a aucun sens dans notre schéma méthodologique, d’un renversement d’hégémonie ; nous développons l’idée que, dans le concept “bloc BAO” directement enfanté par le Système, lequel Système n’appartient à personne et n’obéit à personne mais qui au contraire mène la danse, l’idée d’hégémonie entre les “membres du club” est complètement dépassée. La puissance brute, celle de l’ère géopolitique, n’a rien à voir dans cet arrangement, cette puissance étant toute entière le fait du seul Système ; comptent essentiellement la perception de la communication, avec la politique à la fois moralisante et suprématiste qui l’accompagne, et dans ce cas chaque membre, ou disons divers membres du bloc BAO peuvent prétendre représenter cette dynamique à prétention idéologique et, selon les circonstances, en assurer momentanément l’hégémonie.
C’est essentiellement pour cette raison que l’affaire de la NSA, dont on a vu plus haut qu’elle découle en partie (en plus des obsessions US représentant la modernité, exposées le 28 octobre 2013), notamment de l’archaïque suprématisme anglo-saxon et des arrangements UKUSA et AUSCANNZUKUS, est apparue si choquante au reste du bloc. C’est dire si l’on est loin des sornettes de journalistes de salon du type cynique-naïf (“tout le monde espionne tout le monde”), rescapées des romans d’espionnage à-la-Pierre Nord (deux générations d’avant Le Carré). Il y a purement et simplement une sorte de “trahison” du règlement-Système du “club”, du bloc BAO, établi entre gentlemen-Système, c’est-à-dire pour dire net entre copains et coquins des mêmes directions politiques, des mêmes entreprises déstructurantes, des mêmes sauvetages des banques par sanctification du gangstérisme nihiliste (deux ou trois rangs en-dessous de la Mafia où existe un code de l’honneur et où l’on va à l ‘église le dimanche). Bref, leur indignation (essentiellement celle des Européens à l’encontre des USA dans la crise Snowden/NSA) n’est pas feinte. Le plus remarquable, le plus extraordinaire par rapport aux conceptions archaïques, le plus probant à cet égard, est que le principal responsable, l’ex-hégémoniste-en-chef qui dominait tout le monde jusqu’ici, a, contrairement à ses habitudes d’antan où il traitait cette volaille européenne par le mépris, réagi dans la plus profonde confusion, voire dans un sentiment, extraordinaire pour lui, de culpabilité. (“Extraordinaire” pour la psychologie américaniste, qui s’appuie fondamentalement sur l’inculpabilité. Mais cette “inculpabilité” est entrée dans la composition de la psychologie-Système du bloc BAO, tout comme le suprématisme anglo-saxon, et un membre du bloc ne peut désormais plus en faire état aux dépens des autres sous peine de faute presque-impardonnable. Washington est dans un état de faute presque-impardonnable, aujourd’hui, vis-à-vis des autres membres du bloc BAO, – et il se sent coupable à cet égard. C’est une évolution, voire une révolution par rapport à son attitude psychologique standard.)
... Ainsi en arrivons-nous à l’essentiel : le constat qu’un crise grave déchirer le bloc BAO. (Principalement, voire essentiellement les conséquences transatlantiques de la crise Snowden/NSA, mais aussi, d’une certaine façon, les fureurs erratiques israélo-saoudiennes, – unissons-les pour le cas puisqu’ils ont l’air d’y tant tenir, – vis-à-vis des USA et de leur non-politique de type-yoyo au Moyen-Orient.) C’est une immense nouveauté, et un pas substantiel fait en avant dans le sens de l’autodestruction, – laquelle n’a nulle besoin d’attaques extérieures pour se manifester, au contraire qui se manifeste toute seule, d’elle-même contre elle-même, – et les seules attaques “extérieures” étant celles qui utilisent la puissance de la chose pour l’orienter contre la chose, comme il est fait dans la tactique des réseaux Snowden-Greenwald. Il ne s’agit pas d’une mésentente, d’une incompréhension, d’une passade, d’une divergence de politique, etc., non, mais bien d’une crise par rapport à une règle non-écrite mais fondamentale du bloc, cette sorte de principe d’égalité et de bonne entente sur les questions essentielles des rapports entre les parties du bloc.
Personne ne l’a cherchée et personne ne l’a voulue, cette crise ; certes, tout le monde était prêt à passer à côté en détournant les yeux si cela était possible, comme on évite un excrément malodorant, surtout du pied gauche. Mais dès lors que le système de la communication s’est emparé de la chose et l’a répandue comme on le voit faire, dès lors que le réseau antiSystème Snowden-Greenwald & compagnie a commencé à ajuster ses coups (ses “fuites“) avec une incomparable maestria de communication par rapport aux opportunités et aux événements, le cas devenait flagrant et, par conséquent, inévitable. C’est ce qui se passe aujourd’hui.
Encore une fois, cela ne signifie rien des archaïsmes utilisés pour tenter de comprendre la situation (puissance de l’empire, hégémonie US, indépendance européenne, défense européenne, etc.). Tout cela fait partie d’une autre époque. Cela signifie que le bloc BAO, qui a été rassemblé avec et après la crise de l’automne 2008 pour présenter un front uni, à la fois symbole de la surpuissance du Système et arrangement actant une sorte de contraction de ses membres devant le processus d’autodestruction engendré par le même Système, qui a été rassemblé pour tenter (avec un insuccès évident et logique) d’imposer une cohérence là où cela semblerait encore pouvoir se faire, se trouve soudain en position d’incohérence, passant de la cohésion à l’incohésion, de la structuration assemblée en toute hâte à une sorte de débandade sous la poussée d’une pression déstructurante. Toutes ses entreprises, qui sont en général des mesures d’urgence pour tenir à distance les conséquences de la crise générale d’effondrement du Système en cours et qui ne cesse de se généraliser, se trouvent dès lors dans une logique opérationnelle où elles sont menacées d’être compromises, entachées du sceau de l’incompétence interne, de l’absence de rythme coordonné.
Si cette crise interne du bloc BAO dure, ce qui est aujourd’hui une sérieuse possibilité encore à confirmer, un courant de déstructuration pourrait s’installer, qui pèserait sur tous les aspects de l’action du bloc BAO, c’est-à-dire qui pourrait faire évoluer peu à peu le bloc BAO vers le contraire de ce pour quoi il a été constitué. Il passerait alors d’une formation de contraction et de rassemblement autour du Système vers une dérive de querelles et d’incompréhensions internes produisant de plus en plus d’occurrences antiSystème. On peut voir un phénomène de cette sorte dans la considération extraordinaire même si non réalisée en tant que telle par les commentateurs où est aujourd’hui tenu un Snowden par nombre de pays du bloc BAO, soit qu’on entende un Hollande faire son éloge (voir le 29 octobre 2013), soit que les députés allemands demandent à l’auditionner, en le faisant venir en Allemagne ou en se rendant à Moscou, soit qu’on prenne toutes les informations venant de lui comme une source indubitable que chaque capitale concernée fourre sous le nez de l’ambassadeur US local pour lui en faire reproche, et recueillant en échange des balbutiements embarrassés, – car lui aussi, l’ambassadeur US, tient la nouvelle-Snowden pour la seule information sérieuse du domaine.
Faut-il rappeler qu’il y a trois mois seulement, Snowden était un paria condamné par les USA et objet d’une chasse impitoyable et d’un rejet quasiment universel, en vue éventuellement d'une liquidation sommaire, notamment dans le chef de l’Europe, membre important du bloc BAO. Faut-il rappeler que l’Europe s’unissait pour intercepter l’avion d’un président en exercice (Morales), dans une initiative extraordinaire d’illégalisme et d’impudence, pour éventuellement se saisir de Snowden, soupçonné d’être à son, bord, et le livrer manu militari aux USA ? Comparez cette situation avec la quasi-honorabilité de référence dont jouit aujourd’hui Snowden et mesurez la béance de la faille que cette crise fratricide vient d’ouvrir au sein du bloc BAO. (Mais vous dira-t-on, les USA nous écoutent toujours, – la belle et coûteuse affaire, s’ils ne sont même pas capables d’éviter ce genre de dérapage, s’ils l’accélèrent au contraire d’une façon vertigineuse grâce à ces écoutes... Bref, la NSA, tant qu'elle survit, existe-t-elle aujourd’hui pour autre chose que pour enregistrer scrupuleusement toutes les informations, tous les bruits, afférant à la crise du bloc BAO, à la crise d’effondrement du Système et au déclin vertigineux de l’influence des USA ?)
Il n’y a rien à attendre de cette crise, dans le style des commentateurs ès-géostratégie (“c’est celui-ci qui a gagné, c’est celui-ci qui a perdu”, etc.). Il s’agit de la constater et de mesurer la béance de la fissure qui s’est creusée à cause d’elle dans le flanc du bloc BAO. La belle union des maquilleurs de la crise de l’automne 2008, rassemblés pour profiter de ce que le Système peut encore donner de surpuissance, débouche sur un aliment de plus de la dynamique d’autodestruction du Système. Et ainsi le concept général d’une richesse exceptionnelle de “crise” s’enrichit-il d’un nouvel élément, la “crise fratricide”.