Testé positif, le pilote est parti

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Testé positif, le pilote est parti

Nous reprenons ci-dessous un texte de Charles Hugh Smith, toujoursde plus en plus pessimistes mais aussi, mais également de plus en plus ésotérique, – discrètement, certes, mais significativement. Nous donnons ce texte  du 22 juin (traduction française de Jade sur AubeDigitale.com, le 23 juin) essentiellement parce qu’il introduit deux dynamiques hypothétiques (hypothèses implicites, disons) qui ne nous sont certes pas étrangères, et dont nous constatons qu’elles sont de plus en plus référencées pour permettre de donner quelque cohérence malgré tout à une situation totalement incohérente. Ces deux dynamiques concernent :
1) le constat de l’absence d’une direction humaine effective et compétente (d’une façon générale) dans la marche folle du Système ;
2) la nécessité de suggérer des références hors de la raison, passant par l’intuition et par l’esprit du poète, un peu ce que nous nommons “l’âme poétique”.

Smith juge que le dernier “privilège” que détiennent les élitesSystème (dans le sens le plus large embrassant tous les domaines de compétence/d’incompétence du pouvoir) c’est « la croyance des masses que les élites sont toujours aux commandes ». Cette croyance est évidemment en train de se dissiper, ce que nous ne pouvons manquer de confirmer d’un simple regard sur le désordre du monde. Les élites ne disposent plus de la légitimité du pouvoir, qui convainc d’obéir ; elles tentent de suppléer à ce vide par la “force”, qui veut contraindre à l’obéissance.

(L’auteur emploie “power” et “force” pour désigner les deux éléments ; pour mieux rendre compte de l’esprit de la perception, nous renforçons ici le mot “pouvoir” du concept de “légitimité” qui est supérieur au pouvoir, qui permet d’établir un pouvoir hors de toute contestation.)

D’une façon assez caractéristique, qui rejoint une perception générale que nous avons de plus en plus, Smith attache une importance particulière, très spécifique et presque étrange, à la crise-Covid19 ; c’est-à-dire qu’il semble la considérer comme disposant d’une certaine dynamique d’influence qui a échappé aux élitesSystème, en les prenant par surprise en quelque sorte, parce qu’elles ne s’y attendaient pas, parce que, peut-être, il semblait impossible qu’une chose autant d’un autre temps, aussi obsolète, aussi “ringarde” qu’une épidémie-pandémie puisse s’installer de cette façon, au-dessus de toutes nos préoccupations, dispersant nos certitudes et, finalement, désintégrant leur légitimité, – la légitimité des élitesSystème... 

Les circonstances de la pandémie, le spectacle des polémiques, des désaccords, des allusions venimeuses entre les plus hautes sommités de la médecine, les diverses “politisations” immédiates et donc la corruption de l’événement, ont participé au discrédit total des élitesSystème, qui est aussi le discrédit de la Science, donc de la Raison-toute-puissante. La pandémie, considérée aujourd’hui en perspective (bien qu’elle ne soit nullement finie ni bouclée, telle une seringue de Damoclès sur nos têtes), apparaît comme un extraordinaire facteur de désordre psychologique, d’une certaine façon la pire chose qui peut arriver à une période crisique de la sorte que nous vivons : la désintégration par une crise incontrôlable du concept de crise lui-même.

... Ainsi n’y a-t-il “plus de pilote dans l’avion”, parce qu’il est frappé de plein fouet par la pandémie, testé positif-Covid19, envoyé en “réa” ! « Je pense que tout contrôle que nous discernons est illusoire, car la dynamique déclenchée par la pandémie a déjà échappé au contrôle des élites. »

Il y a moins une démonstration (financière, notamment, qui est son domaine de prédilection) dans son texte, qu’une conviction nourrie par l’évidence. Charles Hugh Smith décrit un paysage qui nous est familier, tourbillonnant, crisique au-delà de tout, avec les figurants-sapienscourant en rond comme autant de fous, hésitant entre hystérie, vertige et ivresse, pour tenter d’échapper au gouffre de l’angoisse. Tout cela doit évidemment nous conduire à l’allusion spirituelle, qu’on trouve dans l’allusion à Yates (« Dans le poème de W.B. Yeats, le faucon ne peut plus entendre le fauconnier ; une fois que l’autorité des élites sur la narrative est perdue, les masses se détournent d’elles. »)

Charles Hugh Smith fait ici allusion au plus fameux poèmes de Yates, ‘The Second Coming’ (‘La Seconde Venue’), écrit en 1919 alors que le poète veut présenter dans son œuvre l’atmosphère terrifiante qui règne en Europe après le carnage épouvantable de la Grande Guerre. Le poème vaut citation pour illustrer les temps que nous vivons, et sans doute, sans plus s’en expliquer, Charles Hugh Smith l’entend-il ainsi :


Tournant, tournant dans une spirale s’élargissant,
Le faucon ne peut plus entendre le fauconnier.
Tout se disloque. Le centre ne peut plus tenir.
L’anarchie se déchaîne sur le monde
Comme une mer noircie de sang : partout
On noie les saints élans de l’innocence.
Les meilleurs ne croient plus à rien, les pires
Se gonflent de l’ardeur des passions mauvaises.

Sûrement, quelque révélation paraîtra bientôt.
Sûrement, la Seconde Venue paraîtra bientôt.
La Seconde Venue! A peine dits ces mots,
Une image, immense, du Spiritus Mundi
Trouble ma vue : quelque part dans les sables du désert,
Une forme avec corps de lion et tête d’homme
Et l’oeil nul et impitoyable comme un soleil
Se meut, à cuisses lentes, tandis qu’autour
Tournoient les ombres d’une colère d’oiseaux…
La ténèbre, à nouveau; mais je sais, maintenant,
Que vingt siècles d’un sommeil de pierre, exaspérés
Par un bruit de berceau, tournent au cauchemar,
– Et quelle bête terrible, son heure enfin venue,
Traîne la patte vers Bethléem, pour naître enfin?
(*)


La couleur et l’humeur de ce texte, renforcées par l’image du faucon perdu par son fauconnier, tiré du poème ésotérique de Yates, sont un bon exemple du constat nécessaire que doivent aujourd’hui faire les commentateurs, qu’ils se trouvent devant des perspectives incroyables et jamais vues, et par conséquent indescriptibles dans des termes courants et une expertise as usual. C’est donc le bon sens et la sagesse de l’esprit qui recommandent l’audace, qui est dans ce cas évident de faire appel à des références poétiques, ésotériques et spirituelles, non pour tenter de dessiner une réponse mais pour faire bien percevoir dans quelle extraordinaire occurrence nous nous trouvons aujourd’hui.

Le titre complet du texte est « L’illusion du contrôle : Et si personne n’était aux commandes ? », et la réponse est évidemment positive.

dedefensa.org

Note

(*)2005, Anthologie Bilingue de la Poésie Anglaise, trad. de Yves Bonnefoy, (La Pléiade).

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Et si personne n’était aux commandes ?

La dernière parcelle de pouvoir détenue par les élites est la croyance des masses que les élites sont toujours aux commandes.

Je comprends le désir naturel de croire que quelqu’un est aux commandes : qu’il s’agisse de l’État profond, du Parti communiste chinois, du Kremlin ou des mondialistes de l’Agenda 21, nous sommes prêts à croire que quelqu’un quelque part contrôle les événements ou poursuit des programmes qui entraînent des réactions mondiales aux événements.

Je pense que tout contrôle que nous discernons est illusoire, car la dynamique déclenchée par la pandémie a déjà échappé au contrôle des élites. La raison fondamentale pour laquelle les élites ont perdu le contrôle est que tous les systèmes dont elles dépendent ont été brisés pendant 12 ans, mais qu’elles ont réussi à s’en remettre en faisant davantage ce qui les avait brisés au départ. Ce recouvrement des systèmes défaillants a généré une illusion de fonctionnalité : tout semblait fonctionner comme avant, même si les dysfonctionnements se sont répandus dans tous les coins de chaque système.

Comme le fait de faire davantage de choses qui brisaient les systèmes au départ est en train de s’effondrer, l’illusion de fonctionnalité a été mise en pièces. Maintenant que l’illusion de fonctionnalité a été perdue, le contrôle de la narrative par l’autorité institutionnelle a également été perdu.

J’ai souvent écrit sur la différence entre la force et le pouvoir ; les élites croient souvent à tort que les deux se valent, mais ce sont des mondes séparés. Ceux qui détiennent le pouvoir persuadent les masses d’obéir sans être contraintes et d’accepter les récits égoïstes de l’élite sans poser de questions. Le pouvoir s’appuie sur l’autorité institutionnelle et les mythes et croyances culturels.

La force a un coût, comme la coercition a un coût. La force est un piètre substitut au pouvoir, non seulement parce que les coûts sont si élevés, mais aussi parce que les masses n’agissent pas de leur propre gré ; elles n’obéissent que parce que les coûts de la non-obéissance sont très élevés. Mais les réticents ne peuvent jamais être aussi productifs que les volontaires, et donc le régime qui dépend de la force stagne alors que les coûts de la coercition augmentent et que la productivité des forcés diminue régulièrement.

Lorsque le pouvoir est perdu, les masses cessent tout simplement d’écouter les autorités. Dans le poême de W.B. Yeats, le faucon ne peut plus entendre le fauconnier ; une fois que l’autorité des élites sur la narrative est perdue, les masses se détournent d’elles.

Les systèmes sur lesquels reposent l’autorité des élites et leur pouvoir ne sont plus que fractures d’incompétence, des structures dominées par l’incompétence à tous les niveaux et dans tous les recoins, des employés les moins bien payés aux dirigeants.

Tous ces systèmes servent d’abord les intérêts des initiés et des groupes d’intérêts, ensuite les priorités des élites et enfin le public/clients, si tant est qu’il y en ait.

Les élites ont perdu le contrôle de tout ce qui est essentiel à leur survie : les flux de capitaux, la foi en l’avenir d’une croissance éternelle sans coûts, et la montée du mécontentement et de la désillusion.

Les élites découvrent, à leur grand désarroi, que maintenant que la compétence a été perdue, le pouvoir est perdu, et que la force ne remplace pas le pouvoir.

Toutes les astuces de paperasserie ne fonctionnent plus. La baisse des taux d’intérêt à zéro ne va pas accroître la consommation ou les investissements, elle ne fait que pousser la frénésie spéculative vers de nouveaux sommets de plus en plus fragiles. Imprimer des $milliards et les donner aux super riches ne va pas réparer ce qui est cassé, car c’est ce mécanisme qui a brisé le système en premier lieu.

La dernière parcelle de pouvoir détenue par les élites est la croyance des masses que les élites sont toujours aux commandes. Cette croyance se dissipe, malgré les cris et les hurlements des élites qui pensent qu’elles ont toujours le contrôle. Les événements éclairent leur orgueil et les fractures d’incompétence qui se forment sur leur chemin.

Nombreux sont ceux qui pensent que les super riches passent toujours sans heurt d’un régime à l’autre. Mais ce n’est pas toujours le cas. Les plus grandes fortunes personnelles de l’histoire (appartenant à des particuliers, et non à des ménages royaux/impériaux) ont probablement été accumulées par les élites romaines. Leurs villas étaient par essence de petites villes et leurs fortunes étaient, en termes romains, mondiales.

Pourtant, lorsque les institutions qui ont permis leur fortune se sont effondrées, ces élites n’ont pas transféré leur richesse et leur pouvoir sans heurts à la domination barbare : tout s’est effondré, leurs villas ont été abandonnées et leur pouvoir a disparu.

Le capital fantôme est éphémère, tout comme le pouvoir.

Charles Hugh Smith

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