The-Donald, dictateur-bouffe à l’insu de son plein gré

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The-Donald, dictateur-bouffe à l’insu de son plein gré

Le président Donald Trump a présidé hier à la première cérémonie militaire avec défilé pour le 4 juillet, jour anniversaire de l’indépendance des États-Unis. Trump avait été très impressionné l’année dernière par le défilé du 14 juillet auquel Macron l’avait invité, et il avait aussitôt proclamé qu’il serait du meilleur esprit et de très bonne démagogie d’en faire autant aux USA. Il avait un instant lancé le projet d’un tel défilé pour le Veteran’s Day du 11 novembre, mais avait égaré l’idée qui n’enthousiasmait personne, avant d’y revenir pour le très-fameux “Fourth-of-July”. La parade militaire a été quelque peu caricaturale et s’est déroulée dans une atmosphère à la fois fiévreuse, inquiète, bombastique dans le chef du discours présidentiel ; même et plus encore, parade militaire et le reste qu’on pourrait décrire à la limite comme dérisoire lorsque l’on considère les circonstances, les vérités-de-situation de l’effondrement de la puissance américaniste par rapport à la grossière exaltation qui en est faite, lorsqu’on observe l’agitation gluante et spasmodique de haine et de corruption qu’est devenue la vie politique de Washington. Rien n’arrête le désordre née en 2015-2016, transformant Washington D.C. en “D.C.-la-folle” ; au contraire tout l’accélère.

La cérémonie a été largement boycottée par divers segments du système de l’américanisme, tandis que Trump célébrait la puissance irrésistible et exceptionnaliste du système de l’américanisme. Les démocrates ont boycotté la cérémonie sous des motifs divers, jusqu’aux plus dérisoires comme par exemple le coût de fonctionnement pendant le défilé des éléments blindés (en tout, deux chars Abrams et deux véhicules de combatBradley !) et des quelques avions survolant le tout, les dégâts éventuellement causés à la chaussée, avec les autres classiques (Trump dictateur, etc.). Les grands réseaux télévisuels (CNN, MSNBC, NBC, etc.), sauf FoxNews très pro-Trump, ont également boycotté, ne retransmettant pas la cérémonie et marquant ainsi l’hostilité du système de la communication et de sa presseSystème au président.

Enfin, une troisième institution, pourtant fort sollicitée, a une attitude qui peut être estimée comme ambiguë : les militaires. Certes, le secrétaire à la défense faisant fonction, l’ancien secrétaire à l’US Army Mark Esper, et le président du comité des chefs d’état-major jusqu’en octobre, le général Dunford, étaient présents ainsi que divers officiers généraux. Par contre, les chefs d’état-major des quatre armes (USAF, US Army, US Navy, Marine Corps) étaient absents malgré une invitation qui avait été un instant considérée.WSWS.orgsemblaient estimer, hier 4 juillet, avant que la cérémonie n’ait lieu (dans la soirée), qu’il s’agissait d’une prudence concertée avec le président, mais nous y verrions plutôt une prudence de l’institution militaire elle-même qui ne veut pas trop s’impliquer dans ce qu’elle perçoit évidemment comme un sévère affrontement politique au sommet du système :

« Pour renforcer le caractère militariste de l’événement, une série de chefs militaires se joindront à Trump sur l’estrade dominant la cérémonie. Quatre des cinq chefs d’état-major interarmées s’absenteront, – apparemment pour éviter d’être perçus comme les acolytes de Trump. Leurs adjoints et de nombreux autres responsables militaires et civils du Pentagone serviront à fournir une claque spécialisée pour le discours de Trump. »

Aujourd’hui, WSWS.org a rendu compte de l’événement après qu’il ait eu lieu. Le début du texte rend assez bien compte de l’atmosphère, des perceptions exacerbées et souvent grotesques qui existent de tous les côtés dans “D.C.-la-folle”, donnant à cette cérémonie somme toute assez pingre par rapport à la puissance affirmée des bateleurs de l’américanisme, des allures de complot, de “coup d’État”, etc., qu’elle est à mille lieues de pouvoir prétendre être... Le désordre du pouvoir du système de l’américanisme continue, et même plus que jamais désordre en expansion, comme l’univers lui-même que l’hyperpuissance exceptionnaliste prétend inspirer, dominer et modeler à son image.

« Le président américain Donald Trump a entonné et clamé un hymne d’exaltation de la machine de guerre américaine dans son discours du 4 juillet hier soir au National Mall à Washington.
» Avec la démesure caractéristique de Trump, l'événement a donné l'impression d'un régime isolé et ébranlé par la crise, comme un discours venu d’un bunker assiégé. Trump a fait son discours derrière un mur de verre pare-balles, sur une scène flanquée des deux côtés par des chars et des véhicules blindés.
» Un rassemblement du grand public, aux côtés des VIP triés sur le volet et des militaires assis près de la scène, avait été mis en place. L'événement n'a pas été retransmis en direct dans son intégralité par les principaux réseaux d'information, à la seule exception du pro-Trump Fox News.
» Le but de la “confiscation” de la célébration traditionnelle du 4 juillet par Trump était de promouvoir une forme autoritaire et personnaliste de gouvernement, reposant sur une étroite couche de partisans d'extrême droite et de sections de l'armée.
» Plus des deux tiers de l'allocution d'une heure de M. Trump a consisté en des hommages à chacune des cinq principales branches de l'armée américaine, ponctués par des survols d'avions militaires de chacune d'elles. »

Cette appréciation des activités de Trump à cet égard, essentiellement pour lui dans le champ de la communication et de la promotion (de lui-même, de sa politique, du reste autour de lui et grâce à lui), se rencontre en général chez les démocrates et surtout dans la gauche libérale-progressiste, particulièrement chez les milliardaires d’Hollywood et de Silicon ValleyWSWS.org se rend bien entendu compte de cela, les trotskistes étant toujours particulièrement véhéments contre ce qu’ils considèrent comme “la fausse gauche” (c’est-à-dire tout ce qui est à gauche sauf eux), en réalité parfaitement intégrée dans le Système. Ainsi leur conclusion qui va dans ce sens finit-elle par rendre un ton assez juste et à rendre compte, involontairement par rapport à cette expression dialectique, d’une incontestable vérité-de-situation... On la retrouve dans les deux textes cités, dans le même sens…

• Celui du 4 juillet, assez emphatique par rapport aux ambitions et aux buts de la Grande République, qui a pourtant largement grugé son monde depuis ces origines prestigieuses, notamment jeffersoniennes, – ce pauvre Jefferson qui, par contraste avec ses belles formules de 1776, mourut en 1825 sur ces mots « Tout, tout est fini », qui commentaient l’état de la toujours-Grande République… : « Le 4 juillet marque l’un des grands événements libérateurs de l’histoire de l’humanité : la publication de la Déclaration d’indépendance comme coup d’envoi de la révolution démocratique bourgeoise américaine. La Déclaration écrite par Thomas Jefferson est un texte impérissable, avec des mots qui inspirent ceux qui luttent contre la tyrannie et l’oppression depuis plus de deux siècles.
» Elle affirme, pour la première fois dans l’histoire, le droit à la révolution populaire: “Qu’à chaque fois qu’une forme de gouvernement devient destructrice à ces fins, le peuple a le droit de la modifier ou de l’abolir, et d’instituer un nouveau gouvernement, en posant ses fondements sur de tels principes et en organisant ses pouvoirs de telle manière qu’ils semblent les plus susceptibles d’affecter sa sécurité et son bonheur”.
» Qui peut lire ces mots aujourd’hui sans voir en eux, en adaptant ce qui doit l’être, une condamnation de l’état actuel de la société américaine? En fin de compte, la célébration militariste de Trump n’est pas une expression de force, mais de faiblesse et de peur. Derrière toute cette démagogie se cache la conscience de la classe dirigeante qu’elle est confrontée à des défis à sa domination à travers le monde, et surtout à l’intérieur même des États-Unis. »

• Celui du 5 juillet, qui résume encore plus nettement la situation, en remettant à sa véritable place le président Trump et en commentant justement l’état actuel de l’“Empire” : « La menace de la dictature n'émane pas des penchants personnels de Trump, mais de la crise du capitalisme américain. Face à son déclin géopolitique historique et terrifiée par la croissance de l'opposition sociale dans son pays, la classe dirigeante américaine se dirige de plus en plus vers la dictature et la guerre comme moyen de guérir ses maladies internes et externes. »

Il est certain que ce défilé du 4 juillet, présenté ainsi d’une façon un peu terrifiante (dans le style hollywoodien), ou dénoncé comme un coup de force, était d’abord et avant tout une étrange démonstration que cette soi-disant hyperpuissance gouvernée par la seule communication, par le simulacre, et en phase décadente d’effondrement, est absolument incapable de faire croire par la façon dont elle organise l’apparat et le symbolisme de sa force à l’existence d’une tradition, voire d’une immanence dont la source se trouverait dans la transcendance de l’Histoire. C’est-à-dire qu’elle n’est qu’une hyperpuissance de papier (celui sur lequel on imprime le dollar), sans aucune, absolument aucune des inspirations de l’Histoire, – cette Histoire qui est pour Joseph de Maistre « une force morale, le véhicule de la providence, le site de l’accumulation de l’expérience, et l’instrument qui révèle l’humanité à elle-même... [...] elle est l’instrument de l’éducation divine... » (selon Carolina Armenteros, L’Idée française de l’histoire).

...Bref, il s’agissait d’un défilé-bouffe pour une hyperpuissance-bouffe dirigée par un président bouffe déguisé en dictateur-bouffe, – le qualificatif pouvant être étendu à ses critiques, à son opposition, et à “D.C.-la-folle” en général.

 D’une certaine façon, lorsque Trump parle du “tout-nouveau” F-22, produit au compte-goutte et dans des conditions abracadabrantesques entre 1998 et son abandon en 2011, du “formidable B-2comme le plus moderne bombardier du monde” alors que ses 21 exemplaires (à plus de $2 milliards l’exemplaire, estimation très-basse) ont été produits entre 1991 et 1999, il parle réellement de l’état de la machine de guerre américaniste, complètement usée, inefficace, engluée dans ses technologies ébouriffantes de modernité et de coût, totalement inefficientes sinon paralysantes, avec les dizaines et les centaines de $milliards de ses systèmes hypermodernes qui semblent exister pour saboter décisivement les missions pour lesquelles on les développe, et exposer au regard du Ciel l’arrogance de circonstance et l’impuissance finale du technologisme né de l’hybris. Lorsque, dans la même envolée, Trump rappelle que les forces US ont emporté, lors de la bataille de Fort McHenry en 1814, diverses positions dont “des aéroports”, il fait simplement étalage de l’ignorance complète, voire du désintérêt même pour la moindre connaissance et surtout la moindre connivence avec la vérité, avec l’histoire, avec le destin, d’un “univers” faussaire totalement réduit à la fonction de simulacre.

Lorsque WSWS.org dit, fort justement pour une fois sur un sujet si sensible pour le catéchisme trotskiste, que la “dictature”, ou la “menace de dictature” n’est pas vraiment le fait de Trump mais le fait de ce que nous nommons “Système”, ou du capitalisme, ou de n’importe quoi d’autre qui emprisonne le monde des humains “à l’insu de leur plein gré” dans un carcan terrifiant de néantisation (« La menace de la dictature n'émane pas des penchants personnels de Trump, mais de la crise du capitalisme américain. »), il résume parfaitement la Grande Crise. Alors la messe est dite : c’était bien la Grande Crise d’Effondrement du Système qui défilait devant le président et ses ouailles diverses, dans la soirée de ce “Fourth-of-July” 2019...

Pauvre Jefferson, « Tout, tout est fini »...

 

Mis en ligne le 5 juillet 2019 à 13H28