The system is broken, version économie

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En quelques phrases, nous avons tout, qui ne dépend nullement de quelque thèse économique et complexe mais de notre très chère psychologie. Il s’agit d’un article du Washington Post du 21 août 2010, signalée samedi matin, ce même 21 août 2010, en manchette, par Huffington.post. En cinq heures de présence, Huffington.post avait suscité, à 09H00, 6.592 commentaires, où les divers intervenants observaient avec des ricanements de fureur qu’on traitait l’Américain moyen comme un serf qui ne fait plus son travail.

L’article du Washington Post se résume par ce sous-titre : «CEOs aren't ready to hire yet – Profits are up and companies have cash, but executives don't see American consumers opening their wallets for years to come.»

Les premiers paragraphes expliquent le propos, le reste le détaillant au travers de nombreux interviews de Chief Executive Officers (CEO) de diverses sociétés US, de diverses tailles.

«Corporate profits are soaring. Companies are sitting on billions of dollars of cash. And still, they've yet to amp up hiring or make major investments – the missing ingredients for a strong economic recovery. Many Democrats say the economy needs more stimulus. Business lobbyists and their Republican allies say it needs less regulation and lower taxes. But here in the heartland of America, senior executives say neither side's assessment fits.

»They blame their profound caution on their view that U.S. consumers are destined to disappoint for many years. As a result, they say, the economy is unlikely to see the kind of almost unbroken prosperity of the quarter-century that preceded the financial crisis…»

Le centre du débat est bien dans ce mot : “désappointer” (« U.S. consumers are destined to disappoint for many years…»). Le serf est en train d’agacer le seigneur…

Notre commentaire

@PAYANT Que disent-ils, les “CEO” de la Grande République ? Eh bien, qu’ils sont grandement “désappointés” par le “consommateur” standard et conforme, – dito, le serf en question, – qui ne consomme plus comme il a mission quasiment divine de faire. Moyennant quoi, les CEO, qui débordent de fric, ne feront plus que des investissements sur la pointe du dollar, et n’engageront de consommateur “failli” plus qu’au compte-gouttes, ce qui fait fort peu par ces temps de sécheresse/global warming. Moyennant quoi, la crise, désormais puissamment appuyée sur un chômage dévastateur, va se poursuivre en galopade déstructurante (pour le système lui-même déstructurant, donc la bonne affaire). En version économique qui fait le pendant du système politique selon Harlan K. Ullman, cela signifie : “the system is broken”. De façon très significative, nous nous tournerons vers l’explication psychologique et les rapports de l’homme sapiens avec le système.

On peut s’exclamer et juger cette attitude presque au-delà de l’absurde. Au moins, le père Ford, tout antisémite qu’il fut, avait compris que pour voir ses ouvriers acheter son modèle “T”, il fallait les payer à mesure, et d’abord les engager. Dans la perversion déjà présente de ce système (alors nommé “fordisme”), il y avait au moins dans ses bornes une logique compréhensible et respectée. Aujourd’hui, la perversion, qui a poursuivi son boulot depuis l’époque du “fordisme”, a eu raison de sa propre logique et a installé l’ensemble au-delà de l’absurde. Réclamer du consommateur standard qu’il consomme sans lui donner les moyens de consommer, alors qu’on est le seul à pouvoir lui donner ces moyens, alors que le crédit est en lambeaux en plus d’être la cause des chutes qui se succèdent, relève effectivement d’une maladie mentale du type schizophrénique. Le cas est tranché.

Mais il faut aller plus loin. Il faut convenir qu’entre les années 1910-1930 (Ford et son “fordisme”) et aujourd’hui, la dévastation de la “matière déchaînée” qui est la force initiale de notre système, avec ses deux branches que sont le système du technologisme et le système de la communication, a considérablement progressé et a effectivement pulvérisé toute logique interne de crainte que cette attitude puisse contrevenir d’une façon ou l’autre au diktat du susdit système. Il ne subsiste plus que les automatismes puissants et nécessairement aveugles de cette dynamique. Ainsi le rôle du “consommateur” n’est plus considéré comme un acte relevant de l’humanité, même de la plus basse qui soit dans l’ordre de l’intelligence et de la spiritualité, mais bien de l’automatisme général qui sert au développement du système. Les “consommateurs” ne sont plus des humains pervertis qui consomment, mais des machines programmées pour consommer et s'habiller d’atours divers, si possible de marques globalisées, qui les font figurer éventuellement comme sapiens de circonstance (cela leur permet notamment d’avoir le droit de vote et de maintenir vivace et exaltante l’idée de la démocratie). Ce que les CEO reprochent aux “consommateurs”, ce n’est donc pas de se comporter en humains qui faillissent à leur mission, mais en machines détraquées dont il faut attendre qu’elles soient réparées, ce qui devrait prendre un nombre respectable d’années (disons que le Saint-Esprit, adjoint au système de la “matière déchaînée”, devrait y pourvoir). Ces CEO eux-mêmes, loin d’être ces bêtes sauvages assoiffées de profits capitalistes et du sang des pauvres salariés mis sur le carreau, sont eux-mêmes partis intégrantes du système et, comme tels, relèvent beaucoup moins de l’humanité que de l’automatisme du même système. Il est inutile de s’adresser à leur “bon sens” commercial, sans parler de leur humanité, car il n’y a pas d’abonné à ces numéros qui ne sont même pas ceux d'appareils portables.

Il s’agit du spectacle d’une humanité totalement infectée, par le biais d’une psychologie épuisée et incapable de résister aux termes simplistes d’un système dont la puissance dévastatrice et déstructurante forme l’essentiel de l’argument, et effectivement cette humanité en train d’évoluer au niveau d’une communauté-zombie. Plus aucune observation autre qu’économique, et d’une économie infestée par la perversion qu’on a vue, n’est capable d’atteindre leur capacité de réflexion, grâce à la garde vigilante de cette psychologie pervertie. Ce que disent les patrons US aujourd’hui, c’est la norme désormais intangible du système. Nous ne sommes pas dans une crise classique, fut-elle la plus grave du monde (Récession, Dépression, grande ou spéciale), nous sommes dans un monde brisé, dont plus aucune réaction de sauvegarde n’est à attendre ; les dirigeants, les entreprises, ont de l'argent, mais il n'est plus question de l'investir dans le circuit d'un éventuel ”bien commun” mais d'attendre que se rétablisse un circuit conforme aux normes du diktat du système. (En attendant, l'argent ira aux actionnaires, les “super-riches” qui le seront encore un peu plus, peut-être bien “super-super-riches”.) Les liens du raisonnement commun, de la communauté d’intérêt, de la solidarité humaine élémentaire, sont totalement rompus. Il ne s’agit ni d’une crise économique, ni d’une crise politique, mais de la crise ultime de la psychologie humaine. Jusqu’alors, la psychologie fonctionnait comme un processus qui, au travers du lien établi entre l’extérieur du monde et l’intérieur de l’être, pouvait conduire à certains confluences et proximités d’attitudes, entre les gens vivant en communautés ; aujourd’hui, au stade de perversion qu’elle a atteint, elle joue le rôle exactement inverse. Nous parlions d’“autisme” plus haut, mais il faudrait finalement admettre que même cela est dépassé, qu’il serait préférable d’être autiste que de disposer de la psychologie subversive à laquelle le système a réduit ses “serfs” divers (dont les CEO, comme les autres, font évidemment partie).

Mais tout cela est inéluctable et, finalement, nécessaire. Comme on le comprend bien, cette situation surréaliste conduit à des aggravations sans fin, faisant ainsi ressortir une vérité au milieu des réalités diverses qui nous sont offertes. Cette vérité, qui est celle d’un système qui s’est transformé, d’un “serpent persifleur” en un scorpion décidé à aller jusqu'au bout, est bien entendu que ce même système se trouve engagé sur la voie très rapide, une sorte de voie express si l’on veut, – celle du suicide, suite et fin.


Mis en ligne le 21 août 2010 à 14H15

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