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237830 octobre 2017 – C’est, si vous voulez, un “tourbillon crisique“ à l’intérieur de “tourbillon crisique”, ou comment, en quelques jours d’avalanche de nouvelles toutes plus croustillantes les unes que les autres bien qu’elles eussent été déjà fortement documentées dans la presse antiSystème et ne doivent étonner nul honnête homme, Poutine & la Russie sont devenu les “vrais faux-amis” d’Hillary Clinton pendant la campagne, pour mieux frapper au cœur de l’Amérique. Première conclusion immanquable : plus que jamais, la Russie-Poutine est l’ennemie du genre humain, c’est-à-dire de la “nation exceptionnelle”... Comprenne qui pourra, même après la courageuse tentative d’explication à laquelle je me suis livré...
On ne s’est guère intéressé au fantastique retournement opéré dans le “bruit de fond“ de la communication. Dans ce tournemain de quelques jours, la poubelle de service des présidentielles USA-2016 est passée des mains putrides de Trump aux mains immondes d’Hillary Clinton. Immuable, la Russie-Poutine reste le Devil ex machina. “Ils n’apprendront jamais” (“They never learn”) écrit George James Jatras en sous-titre d’un texte où il prend justement cet argument, selon le constat que “les accusations de ‘collusion’ (de Trump avec les Russes) reviennent dans la figure des démocrates mais la Russie est plus que jamais le diable”.
Jatras nous explique comment marche cette nouvelle version, extrêmement inédite, de la narrative initiale : les Russes ne voulaient plus tant faire gagner un candidat que d’introduire désordre et discorde civile aux USA, notamment pour ce cas, – surprise, surprise, – en aidant Hillary Clinton et les différents mouvements progressistes-sociaux à saboter l’irrésistible marche en avant de Trump. On croyait, certes, que c’était le contraire (Poutine aidant Trump, etc.), mais enfin il faut suivre... Certes certes, se rassure-t-on aussitôt, il n’empêche que Poutine reste accusé d’avoir également aidé Trump, comme on l’a dit tout au long de l’élection, cela va de soi sans nécessité de preuve ni de quoi que ce soit car l’on n’oublie pas ces choses terribles. Dites une fois, elles restent dans la conscience universelle de la Grande République : Poutine, c’est à la fois Staline et Hitler et, s’il n’y avait pas la Russie, la situation aux USA serait excellente, pour ne pas dire idyllique proche de la perfection, sinon perfection atteinte.
Ecoutons quelques mots de Jatras, dans un anglais presqu’universel tant il nous concerne tous...
« With the growing sense that there’s no collusion to be found, the narrative lately had shifted towards a new story: maybe what the Russians were really doing was planting discord among Americans to exacerbate our social problems and destroy our faith in our democratic institutions. So, for a measly few hundred thousand dollars’ worth of social media ads (many of them appearing after the election) on Facebook, Twitter, etc., Russian interests (we are never told who, exactly) aimed to “sow chaos and create divisions among Americans” – evidently in general, without any link to Trump or even particularly to help him. Among the favorite topics for socially divisive ads were left-leaning memes about Black Lives Matter and the environmental hazards of fracking, as well “a range of right-wing , causes associated with Dinald Trump's campaign” such as gun rights and illegal immigration. (Regarding the latter, let’s not forget that, while remaining an unreconstructed KGB commie, Putin is also a tiki-torch wielding Grand Dragon of the global Alt-Right white nationalist movement. He’s another Stalin and “literally Hitler” at the same time.) If not for dastardly Russian meddling, we would have no social problems at all, and everybody would be holding hands singing Kumabaya. »
Jabras résume pour ceux qui ont du mal à suivre : « Pour résumer, on dira que, quelles que soient les catastrophes qui se produisent dans la situation intérieure US, la racine fondamentale, pour ce qui concerne autant les Républicains que les Démocrates, reste la vaste conspiration russe et le démon installé au Kremlin qui organise tout cela. »
Comprenons-nous bien, s’il vous plaît. Trump est bien un clown de la téléréalité, un figurant du spectacle qui mène nos sociétés, un milliardaire égocentrique et vulgaire qui a bâti sa fortune sur des tours de passe-passe baptisées Trump Towers sans la moindre vérité économique, mais ce n’est certainement pas l’objet immonde de la haine forcenée qu’on en a fait, rien du tout de cette sorte de ce nouvel Hitler qu’il importe de haïr absolument tel qu’ils nous l'ont cochonné. Pour Hillary, on a découvert officiellement le cas que nous connaissions tous, nous qui sommes parmi les gens qui savent : gavée à ce point de pourriture corruptrice, de gangrène de fric par $millions/$milliards, d’entreprises purulentes, arrogante et méprisante, et pourtant demeurant pour le troupeau de ses admiratrices icône et symbole du progressisme-sociétale.
Je suis absolument sûr que les citoyens de l’américanisme, suivis en cela, et comme des bœufs si ce n’était le respect que je dois à ces nobles animaux, par les citoyens “européens” de l’UE, je suis sûr qu’ils continuent à tous ressentir cela, de quelque côté de que soit, haine sans mesure pour Trump et emportement énamouré pour Hillary, et bien entendu, au-delà, le Diable absolument diabolique, Poutine qui règle toute cette sarabande effrénée. Trump, qui n’a jamais eu partie liée avec Poutine, reste une marionnette du Diable du Kremlin et traître à son pays, et Hillary, qui fit affaires sonnantes et trébuchantes avec les Russes, apparaît plus que jamais comme cette pionnière de la postmodernité qui, élue, eût sauvé l’Amérique et l’eût faite, – comment dit-on ? Great Again ?
Les deux narrative dont l’une a un rapport avec le monde et l’autre une indifférence complète au monde continuent à évoluer parallèlement, en respectant cette fois strictement la géométrie euclidienne des parallèles qui jamais ne se rencontrent. Qui cela étonnera-t-il ? Personne, j’espère. Cette cohabitation aussi parfaite, aussi cloisonnée, est le phénomène le plus remarquable de l’époque que nous vivons. Aujourd’hui, nous savons tout des élections présidentielles USA-2016, et pas seulement par les voix dissidentes de la presse antiSystème. Tout a été acté, reconnu, parfois sur le point de faire l’objet de poursuites, aussi bien les montages, les diffamations, les affirmations officielles qui se sont révélées être fausses, les dénonciations de ceux qui étaient victimes de toutes ces manigances, etc. Tout est bien visible, tout peut être mesuré et jugé, et pourtant rien ne change dans les engagements fondamentaux, et surtout rien ne change dans le formidable courant d’hostilité vis-à-vis de la Russie alors que ces multiples montages étalés et confrontés, et donc réduits à néant les uns par rapport logique avec les autres, démontrent les uns par rapport aux autres qu’il n’y eut aucune action offensive générale de déstructuration des USA par la Russie-evil.
(Certes, tout cela concerne les présidentielles USA-2016 dont on sait bien qu’elles représentent, – du moins j’en juge ainsi et je crois avoir de solides arguments pour cela, – le cas le plus extraordinaire et le plus explosif de ce phénomène qu’on ne peut définir que comme les rapports du simulacre absolu avec le monde, ou plutôt l’absence de rapports qui laissent le simulacre absolument intact malgré la présence absolument évidente du monde que ce simulacre prétend représenter. Bien entendu, on retrouve, peut-être moins spectaculaires mais tout aussi flagrants, nombre de cas similaires dans d’autres situations spécifiques, par ailleurs dans le monde.)
Les analystes les plus indépendants et les plus justes, en même temps que les plus rationnels, sont conduits devant de telles situations, par leurs raisons même et pour tenter de comprendre et de décrire ces situations, à faire appel à des forces qui sont en général hors de l’essentiel du champ rationnel de la politique, ou ne figurant que marginalement ou accessoirement. Ils le font, pour les plus valeureux d’entre eux, avec loyauté et sans crainte de déroger à leur forme habituelle de raisonnement, car ils acceptent évidemment les facteurs de la vérité du monde et ne sont en aucune façon les dupes du simulacre.
J’ai été marqué, comme exemple de ce constat, par la forme d’analyse et l’emploi important du facteur psychologique, sinon l’appel comme référence plus à Shakespeare qu’à Kissinger, qu’on trouve dans le texte d’analyse de notre ami (ami du site, sans aucun doute), Alastair Crooke... Je les rappelle rapidement, références sans liens entre elles mais caractérisant toutes l’aspect fondamental du problème général traité, qui n’est rien moins que celui du sort de la crise qui est en train de bouleverser le monde :
« ... Ce que nous vivons aujourd’hui aux USA et en Europe de la part des pouvoirs en place, ce sont les efforts pour repousser vers les profondeurs ces impulsions “irritantes” pour une “re-souverainisation” culturelle. Mais les tensions psychologiques ne cessent de se renforcer même si on croit parfois les avoir contenues définitivement, et, comme il est arrivé à Shakespeare de nous en avertir, si elles ne sont pas apaisées en temps voulu elles peuvent mener à la tragédie (ou à la folie). [...]
» Mais peut-être la mesure dans laquelle les Etats-Unis et l'Europe peuvent réussir à réprimer l'instabilité politique et géo-financière – les enfermant et les verrouillant dans les profondeurs psychiques, là aussi... [...]
» Cette tendance à l’instabilité peut-elle être vraiment reléguée dans les profondeurs psychiques ? »
Comme l’écrit Jatras, certes “ils n’apprendront jamais”, ceux qui sont pris dans les filets des illusions folles que dispense le simulacre, – car je peux bien le faire sentir ici, dans la description faite plus haut où je tentai de ne pas paraître me situer dans un camp ou l’autre, – en vérité je suis obligé de me situer dans un camp. Cela n’a rien à voir, ni avec un individu, ni avec une cause, ni avec une idéologie, ni avec une idée, ni avec un compte en banque.
Que dire, alors ? Cela a tout à voir avec l’inscription qu’on trouve sur la tombe du sociologue Paul Yonnet, qui fut victime d’un extraordinaire lynchage de la communication dont Jean-François Colosimo a dit qu’il avait hâté sa maladie et son décès en 2011, pour avoir émis à partir des années 1990 des doutes graves, depuis largement rencontrés, sur les conceptions sociétales-progressistes (l’antiracisme notamment), c’est-à-dire sur le simulacre conceptuel par excellence... Gaudium Veritatis, est-il inscrit sur cette tombe, – “la joie de la vérité”, voilà mon parti-pris.
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