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28 avril 2004 — C’est assez rare pour être signalé : un dirigeant politique (un haut fonctionnaire) traçant un portrait de l’Europe qui passe à 25 enfin conforme à la réalité. Il s’agit de Pertti Salolainen, ambassadeur de Finlande au Royaume-Uni. Il a participé aux négociations sur l’élargissement. Il parlait le 27 avril au Royal Institute of International Affairs de Londres et il a tenu, — peut-être le comprendra-t-on, — à préciser qu’il parlait à titre personnel.
« Finnish ambassador to the UK Pertti Salolainen, who said he was speaking in a personal capacity, said: “The EU is chaotic, it has no vision, no leadership and it seems it will have no constitution.”
» Mr Salolainen — who helped negotiate Finland's entry to the EU — says the union urgently needed a period of calm to “digest” its latest changes.
(…)
» Mr Salolainen, speaking at the Royal Institute of International Affairs […was] calling the EU “the best peace movement in Europe”. But the diplomat said his key, personal concern was “the lack of vision for Europe”.
» “We are left with the old tools to deal with a new, expanded European Union,” he later told BBC News Online. »
Il n’y a pas un domaine, dans les pays Européens, qui soit plus constamment déformé, défiguré, dénaturé, par une propagande relevant du virtualisme que le processus institutionnel européen. Alors que le discours officiel glorifie cette opération au nom d’une appréciation sentimentale qu’on veut et qui est impérative, toutes les indications, toutes les confidences que peuvent faire des fonctionnaires, conduisent à penser que l’élargissement à 25 sera un désastre. Rien n’est prêt et tous les facteurs d’une situation déséquilibrée, déstructurée, existent ; une « situation chaotique », dit l’ambassadeur.
Ce que l’ambassadeur dit moins est que cette situation chaotique, derrière une apparence d’une certaine cohésion, existe d’ores et déjà. La Commission est l’enjeu de batailles bureaucratiques et d’une constante surenchère des uns et des autres (les Commissaires) selon les intérêts nationaux et autres qu’ils représentent. Sur la question essentielle (les relations transatlantiques) la Commission a autant de colonne vertébrale « qu’un éclair au chocolat », selon le mot de Theodore Roosevelt à propos du président McKinley, tant elle est paralysée dans ses jugements par le conformisme général. Le Parlement européen agit comme un Parlement irresponsable : il est effectivement irresponsable et, lui aussi, ouvert aux jeux d’influence et aux affrontements transnationaux. Partout les interférences des pays-membres privilégient le poids de l’action inter-gouvernementale. L’élargissement à 25 va renforcer toutes ces tendances, accroître l’impuissance de ces diverses instances.
Mais ces perspectives sont-elles malheureuses ? Quentin Peel, du Financial Times, note ceci : « Some fear — or hope — that it is the end of the EU as we know it. » Il n’est pas sûr que le désordre de l’Europe à 25 ne soit pas l’incitation nécessaire à un travail de réforme jusqu’ici écarté par simple crainte de ne pas être conforme à l’image publique et virtualiste que les dirigeants et les élites européennes veulent donner de la construction européenne. Le travail qui est fait dans les domaines de la défense et de la sécurité montre la voie, de même que les réunions à trois (Allemagne, France, UK) imposant un directoire de direction de fait.
La logique extrême de certains partisans d’une Europe forte est de dire qu’un élargissement à 25 catastrophique est préférable à un élargissement semi-réussi (qui serait évidemment acclamé comme un triomphe), qui noierait toute possibilité d’une Europe structurée, affirmée et souveraine. En d’autres termes, l’échec de l’élargissement susciterait le développement d’un approfondissement qui serait fondé sur la recherche de capacités d’action plus que sur l’application de principes.