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3 août 2002 — Plusieurs articles vont dans le même sens. Citons celui de The Independent d'hier matin. (Voir aussi celui du Guardian, même jour). The Independent résume assez bien l'ensemble des informations, d'où l'on peut voir que Tony Blair semble désormais évoluer suivant une éventuelle “stratégie de sortie” de sa position d'engagement à fond derrière GW et l'idée d'attaquer l'Irak. Au milieu de contradictions extraordinaires que seul le PM britannique semble capable de supporter sans trop de dommage, Blair est dans une position plus circonspecte, une position d'attente éventuelle, disons pour faire plus jolie une position “de conscience”. Si demain y pousse, Blair pourrait évoluer vers une position franchement critique le rapprochant à la fois de son opinion et des autres dirigeants européens. Pour réussir cette manoeuvre, il nous semble que Blair a bénéficié de l'amicale complicité du roi Abdallah de Jordanie.
Successivement, on a pu observer :
• Une rencontre Blair-Abdallah de Jordanie, lundi dernier. Le roi de Jordanie entre pour l'entretien avec Blair en opposant convaincu de l'attaque en Irak, il en sort toujours aussi partisan et toujours aussi convaincu. Comme Blair et lui-même disent que l'entretien s'est bien passé, cela laisse à penser.
• Une rencontre Abdallah-GW avec désaccord sur l'Irak. Rencontre polie mais un peu pincée. Manifestement, le président est dur comme un roc sur sa position guerrière. Abdallah, qui se révèle comme une personnalité, l'est aussi, sur la position inverse.
• Des déclarations d'Abdallah au Washington Post, disant notamment, sans l'ombre d'un souci ni la moindre conscience d'une contradiction, que Blair n'est pas loin de partager ses propres préoccupations à l'encontre de l'idée d'attaquer. Traduisons en bon français : Blair est contre l'attaque ? Puisque vous le pensez ainsi, vous qui lisez les déclarations d'Abdallah, c'est que c'est peut–être le cas.
• Des réactions à Downing Street, de la porte-parole. Pas de démenti. (On ne dément pas un Roi.) On nous laisse donc penser puisque, effectivement, il y a à penser. Extraits :
« In a remarkably outspoken interview with The Washington Post, the King pulled no punches about the alarm felt abroad at the prospect of an attack. “In all the years I've been in the international community, everyone is saying this is a bad idea.If it seems America wants to hit Baghdad, that is not what the Jordanians think, or the British, the French, the Russians, the Chinese or anyone else,” he said.
» Mr Blair “has tremendous concerns about how this would unravel,” he added. King Abdullah's remarks are the first public signal that the Prime Minister is, behind the scenes, counselling caution on plans for an assault on Iraq.
(...)
» Mr Blair's spokeswoman refused to deny the accuracy of King Abdullah's account of his meeting with the Prime Minister on Monday. “They had a constructive and friendly meeting. The Prime Minister believes that weapons of mass destruction is an issue which has to be addressed. But no decisions have been taken,” she said. »
Immanquable conclusion : si demain le PM britannique nous annonce qu'il est contre l'attaque, qui y verrait une contradiction ? Si les choses tournent différemment et si l'on annonce qu'il est toujours partisan d'une attaque, qui y verrait une contradiction ? Blair nous fait une démonstration d'une extraordinaire capacité dans le domaine des relations publiques, c'est-à-dire l'art de ce que les Anglo-Saxons nomment les spin doctors. Sur le fond, le personnage, Tony Blair, reste toujours aussi mystérieux, ou disons, pour employer un terme sophistiqué qui est plus précis et qui n'a rien de soupçonneux, — toujours aussi ubiquiste (« être partout à la fois »).
Cela dit, avec ce qu'il faut d'ironie, il faut reconnaître que la “non-évolution évolutive” de Blair est la conséquence logique d'un double constat :
• Cette semaine, l'opposition à la guerre s'est soudain nettement renforcée, sur tous les fronts, intérieur et extérieur. Bush et le “parti de la guerre” apparaissent brusquement isolés.
• Au niveau intérieur britannique, l'opposition à la guerre ne s'apaise pas, au contraire. Désormais, la position de Blair est directement en cause. Sa “non-évolution évolutive” n'est rien de moins qu'une habile mais nécessaire prudence.
Cela permet d'envisager la position de Tony Blair comme une bonne référence. Selon ce qu'elle est, vous pouvez deviner si les projets d'attaque en Irak ont du plomb dans l'aile, s'ils sont ou non soutenus par les alliés et par l'opinion. (Cette situation vient comme un complément ou une confirmation de notre texte publié en rubrique Notes de Lecture, le 28 juillet.)