Tony super-hawk

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Tony super-hawk


17 juillet 2002 — Tony Blair a fait quelque chose d'inhabituel. Il s'est rendu aux Communes et a discuté avec les principaux chefs de file, présidents de Commission du Parlement. C'est une démarche complètement inhabituelle, la première du genre pour un PM depuis la fin de la guerre. Elle va être institutionnalisée (deux fois l'an). Pour l'immédiat, elle relève essentiellement de la volonté du premier ministre britannique de tenter d'améliorer ses rapports avec les parlementaires, y compris (et même, surtout), avec les parlementaires de son parti.

Tous les sujets, intérieurs et extérieurs, ont été abordés. Parmi eux, la question d'une possible prochaine attaque contre l'Irak, où tout indique que le Royaume Uni sera partie prenante, avec des forces importantes (25.000 hommes sur un contingent global de 250.000). Cette question est même apparue comme un des principaux sujets du dialogue PM-Communes et a suscité divers articles consacrés à cet aspect de la visite. Il est évidemment intéressant de noter qu'un sujet de politique extérieure constitue l'un des points essentiels de cet entretien avec les parlementaires, marquant à la fois son importance et son aspect polémique et diviseur actuel. Nous nous appuyons notamment sur celui publié aujourd'hui par le Guardian. (On peut également consulter l'article du Scotsman sur la question.)

Tony Blair nous a dit beaucoup de choses intéressantes durant cette intervention. Nous les détaillons et tentons de les éclairer par un rapide commentaire.

• Il n'est plus question de lier Saddam à l'attaque du 11 septembre ni à Al Qaïda, selon Tony Blair (« There, as far as I am aware, is not evidence linking Saddam Hussein to the actual attack on the 11th of September »). C'est un point important. Désormais, on doit considérer qu'il faut attaquer Saddam parce qu'il prépare des systèmes de destruction massive. Cette affirmation repose sur une évaluation à laquelle le PM britannique semble donner tout le crédit possible. Cela n'est pas l'avis général, loin de là, notamment de la part d'expert comme Scott Ritter (ancien chef américain de la mission de l'ONU de destruction des armes de destruction massive en Irak).

• Ce faisant, Blair embrasse sans restriction la doctrine d'intervention préventive de GW Bush : agir contre les menaces avant qu'elles se matérialisent. (« Mr Blair said the September 11 terror attacks on the US demonstrated the importance of acting against emerging threats. He said: ''What we should learn from that is that if there is a gathering threat or danger, let us deal with it before it materialises rather than afterwards. »)

• Une autre logique apparaît dans le raisonnement de Bush, qui est une logique de l'engagement actif. Il n'est plus au côté de GW pour chercher à retenir l'action du président. (Il l'a dit explicitement : « Mr Blair denied he was a ''restraining influence'' on US president George Bush after the terrorist attacks on the US. ») Ainsi semble disparaître l'explication initiale généralement acceptée (et à laquelle nous avions souscrit) d'un Blair agissant comme frein de GW, agissant finalement au nom des Européens pour tenter d'imposer la modération européenne à l'action américaine. Au contraire, Blair s'affirme, selon ce qu'il a dit, comme une sorte de ''super-hawk'' de l'extérieur, épousant les thèses les plus extrémistes de l'administration GW. Aujourd'hui, tel qu'il s'est présenté aux Communes, Blair est plus proche d'un Rumsfeld que d'un Powell, — et il s'éloigne d'autant des positions européennes en général. C'est un enseignement important, qui montre que, entre les deux branches de son action extérieure, — proximité des USA et politique européenne, — le PM britannique semble conduit à choisir la première. Cela ne sera pas oublié en Europe. D'autre part, on peut faire l'hypothèse que l'actuel isolement du PM sur cette question par rapport à la majorité de son parti ne fera que s'accentuer dans les prochains mois, dans tous les cas dans l'état actuel des choses où l'image d'une Irak menaçant le reste du monde est très fortement contestable et constitue l'extrême d'une évaluation déjà largement alarmiste, et qui est elle-même fortement contestée.

• Un autre point est intéressant, quoiqu'il reste à voir si cela n'est pas simplement un point tactique dans l'esprit de Blair. Il n'empêche, cela a été dit et cela ne sera pas oublié : Blair « emphasised that any action would be ''in accordance with international law''. » Quelles sont ces ''lois internationales'' ? Celles que représente l'ONU ?

• Un dernier point à noter est une remarque qui concerne la cohérence de la position de Blair. Est-il sûr qu'elle corresponde à la position US ? D'ailleurs, quelle est la position US ? Blair dit qu'il n'est plus question de lier Saddam à Al Qaïda, le même jour où Richard Perle dit le contraire, exactement. Tout cela est gênant et on souhaite bien du plaisir au PM dans son itinéraire pour accorder son petit violon avec ceux de Washington D.C.

Le reste de l'intervention de Blair n'est que pure tactique, pour ménager les Communes et l'opposition à l'intervention :

• Rien n'est encore décidé. « I say again, and it is important this, because in the general flow of stuff that comes out of Washington or here people can get the idea that all the decisions have been taken and so on. They haven't been. ''But there is a threat ... the options are open, but we do have to deal with it. How we deal with it however is, as I say, an open question.'' »

• Pour autant, Blair ne promet pas de consulter le Parlement sur l'engagement UK en Irak. « However, asked whether parliament would get a substantive vote on military conflict, should it come to that, Mr Blair said: ''I think we have just got to decide that at the time really.'' »