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1168Le chanteur anglais Chris Réa avait écrit une chanson fameuse, en 1989, qui fut reprise comme antienne d’une série d’émission de la BBC sur la guerre civile en ex-Yougoslavie, exposant assez joliment les infamies diverses de l’Occident humanitariste. La chanson de Réa, de 1989, donc avant la guerre en Yougoslavie et sans prémonition particulière, s’appelait The Road to Hell. Le Premier ministre tchèque démissionnaire et néanmoins lucide pour l'ccasion, – mais ceci explique cela, sans doute,– offre une variation : “The way to Hell”. L’expression désignait, hier après-midi, la politique américaniste de lutte contre la crise.
Topolanek, dont on se rappelle accessoirement qu’il est également président en exercice de l’UE, parle devant le Parlement européen et désigne comme le plus grand succès du récent sommet de l’UE, la décision de refuser de suivre la voie américaniste. BBC.News nous renseigne sur cette séance au Parlement européen, ce même 25 mars 2009.
«The Czech prime minister has condemned US President Barack Obama's economic recovery plans as “a way to hell”. Mirek Topolanek was speaking in the European Parliament, in his capacity as current holder of the EU presidency.
»Hours before his remarks, President Obama appealed for all countries to bear the burden of spending to stimulate the world economy. Mr Topolanek said the biggest success of last week's EU summit was its refusal to copy the US example. […]
»Mr Topolanek, whose government collapsed last night in a Czech parliament vote of no-confidence, said the United States was not taking “the right path”. He attacked the US's growing budget deficit and the “Buy America” campaign, saying “all of these steps, these combinations and permanency is the way to hell”. “We need to read the history books and the lessons of history and the biggest success of the (EU) is the refusal to go this way,” he said.
»BBC correspondent Jonny Dymond says his comments are not quite a full frontal assault on US economic strategy - but they come pretty close.»
Le cas Topolanek est remarquable. Alors qu’il parlait, le Premier ministre tchèque venait de perdre sa majorité la nuit précédente et il devait donc donner sa démission. Il se disait et se dit prêt à former aussitôt un nouveau gouvernement. Cette mésaventure plonge l’Union européenne dans l’embarras et donne raison à Sarkozy, aux Français en général et à leurs divers doutes sur une présidence d’un petit pays aux institutions politiques instables, notamment dans de telles circonstances. (Même le Financial Times rappelle, le 25 mars 2009, que la France et Sarko avaient raison, – c’est un bel effort de la part du FT: «The unexpected fall of Mr Topolanek’s government adds strength to the French argument that the presidency of a 27-member union that forms the world’s largest economy is unsuited for smaller and ill-prepared countries.»)
Mais Topolanek s’en va (ou ne s’en va pas, c’est selon) sur une déclaration tonitruante qui est, comme nous le dit le correspondant de la BBC à Strasbourg, “presque une attaque frontale contre la stratégie économique des USA”. Il proclame que le sommet de l’UE fut un succès, et qu’il fut un succès parce qu’il fut clairement anti-américaniste. Venant d’un Tchèque qui s’est toujours aligné sur les USA depuis qu’il est Premier ministre, notamment dans les questions de politique extérieure et dans l’affaire des anti-missiles, mais aussi du point de vue économique en général, la rencontre est singulière. (Peut-être doit-on noter, à ce passage, aussi le fait que les USA, avec leurs façons un peu lestes avec les vassaux, notamment dans cette affaire des anti-missiles, finissent par lasser les allégeances les plus fidèles.)
L’attaque contre les USA se fait, nouvelle ironie et nouveau paradoxe, notamment au nom d’une dénonciation du protectionnisme US (la disposition Buy American, qui reste bel et bien dans la loi du “plan de stimulation”). Cela indique sans aucun doute, ou plutôt confirme que cette très mauvaise humeur à l’encontre des USA est partagée par nombre de milieux européens, y compris à la Commission européenne, où l’on est fort pointilleux sur la question du protectionnisme.
Ainsi les choses se mélangent-elles et la discorde est partout parmi les tenants du système, – parce qu’ils le sont, tenants du système, pour des causes et des raisons différentes, contradictoires, où les convictions vite affichées tiennent pour acquis les intérêts particuliers, où les servilités manœuvrières côtoient les arrogances d’occasion. Aujourd’hui, on retrouve, de plus en plus marqués, cette opposition, ces affrontements entre ceux qui, hier, adoraient les mêmes dieux (libre-échange, marché libre, américanisme, etc.). Chacun voir son dieu à sa façon, selon ses intérêts, selon les circonstances. Le phénomène le plus remarquable de cette terrible crise, c’est la fragilité des proximités et des alliances qu’elle révèle; le système règne (régnait) par la terreur du conformisme, la corruption des psychologies et des intérêts de rencontre. Tout cela fait un ciment de bien mauvaise qualité.
Mis en ligne le 26 mars 2009 à 05H47
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