Tourbillon crisique-49

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Tourbillon crisique-49

10 mai 2018 – Le premier constat que je dois faire est l’extraordinaire abondance de “Tourbillons crisiques” ces dernières semaines (trois durant le mois d’avril), ce qui est en soi un signe de l’accélération du susdit tourbillon crisique, et de l’aggravation des crises que cela suppose. C’en est à un point où l’abondance du rythme des “Tourbillons crisiques” transformant la structure même de la Grande Crise devrait être en soi le sujet d’un “Tourbillon crisique“ – ce qui est un peu le cas près tout avec ce paragraphe introductif.

Le sujet est bien entendu la décision de Trump de sortir du traité nucléaire de 2015 avec l’Iran. Cette décision équivaut en importance à son élection : elle est, en bouleversement sismique, la réplique comme évènement de pseudo-politique étrangère, de son élection comme évènement de pseudo-politique intérieure. L’ancien directeur de l’OMB, alors jeune prodige désigné comme ministre du budget de Reagan David Stockman, résume l’étrange performance du président qui se révèle dans cet instant plus américaniste-Système déclenchant le pire que tous ses prédécesseurs après s’être cru citoyen et Américain à la fois, pour justifier son élection :

« L’acte de The-Donald de réduire en cendres le traité nucléaire iranien marque le sinistre triomphe complet du Parti de la Guerre. Il ne reste plus rien de America First. L'action irresponsable, injustifiée et totalement irrationnelle de Trump entraînera Washington encore plus profondément dans un vortex incendiaire au Moyen-Orient  de conflits politiques et religieux sans le moindre rapport avec la sûreté et la sécurité du peuple américain. »

... Et pour confirmation, ceci : « Trump a déstabilisé le monde par cet acte. La Russie le considérera comme plus dangereux. [...] Les stratèges russes vont réévaluer leur posture nucléaire, estimant plus grande la possibilité d’une première frappe stratégique des USA. La Chine sera plus déterminée que jamais à renforcer sa puissance militaire et son alliance avec la Russie. » (De Michael S. Rozeff, historien libertarien.)

La crise iranienne ouvre une nouvelle phase dans l’empilement des crises qui s’amoncellent depuis quinze ans, elle imprime une nouvelle accélération au tourbillon crisique, renforce le désordre, approfondit le trou noir où l’effondrement nous conduit. Les esprits tentent de réunir ce qu’il leur reste de raison raisonnable pour décrire cet acte sans précédent de simulacre politique avec les innombrables questions qu’il crée et entraîne derrière lui dans une valse folle. Cela est résumé par Daniel McAdams, complice habituel des dialogues avec le vieux et avisé Ron Paul, qui nous donne un aperçu de cette façon d’apprécier l’événement, tragédie-bouffe au-delà de tout ce qui a été fait jusqu’ici :

« La déclaration du président Trump sur le retrait des États-Unis de l'accord nucléaire iranien croule sous tant de mensonges et d’affirmations faussaires qu'il semblerait presque que les neocons qui l'ont inspirée [sinon rédigée] ont voulu le ridiculiser. L'affirmation selon laquelle l'Iran est allié à al-Qaïda est si fausse et effrontée qu'elle rivalise avec les plus formidables mensonges et simulacres édifiés par les USA pour justifier la désastreuse guerre en Irak. Donc, les États-Unis sont sortis du traité... que va-t-il se passer ? Que vont faire les Européens? Comment les Américains vont-ils réagir à la perte de 100 000 emplois de Boeing en raison de l'annulation d'un contrat de transport de passagers avec l'Iran?..[Etcetera...] »

Sur la terre martyrisée de Syrie ont déjà commencé des affrontements sporadiques entre Israéliens, Syriens et Iraniens, et certains y voient les premiers actes de la guerre inévitable qui sourd. « The shit’s on, good buddy », apprécie le colonel Patrick Lang.

Pendant ce temps, Netanyahou était avec Poutine, déposant une gerbe de fleurs au Soldat Inconnu de la Grand Guerre Patriotique, au terme de la marche épique du “Bataillon Immortel” qui mit dans les rues de Moscou plus d’un million de personnes venues rendre hommage au colossal sacrifice de la Sainte-Russie. Netanyahou portait le symbole fameux qui attise toute la haine antirussiste du bloc-BAO ces dernières années ; aussi, l’innocentDefense News, habitué de la promotion de la camelote tueuse du CMI, a-t-il cette remarque moins innocente : « Dans un geste qui va certainement attiser la polémique dans certains milieux, Netanyahou a été vu arborant le ruban orange-noir de l’ordre de Saint-Georges, un symbole russe qui a acquis une nouvelle popularité ces dernières années comme signe patriotique de l’annexion de la Crimée par la Russie. » Sans nul doute, Poutine et Netanyahou, et leurs relations, constituent les facteurs les plus étranges et les plus mystérieux de cette crise qui déploie sans plus s’en dissimuler ses fureurs et ses éclairs de feu.

Ainsi, et quoiqu’on en dise, Trump, poursuit-il inexorablement le chemin que lui a assigné le destin, au-delà de toutes les supputations, les explications, les appréciations, les circonvolutions, les conjurations : du désordre, encore du désordre, toujours du désordre. Cet homme a été mis là où il se trouve pour achever le Grand’Œuvre de la crise terminale de l’effondrement du Système. Dussions-nous trembler et nous consumer dans l’angoisse des terribles lendemains qui nous sont promis, il est de notre devoir intellectuel de reconnaître qu’il accomplit parfaitement sa mission. Quel que soit le destin de l’Iran, d’Israël, de la Syrie, de la Russie, etc., toutes choses ouvertes aux aléas de la fortune des armes, des invectives, des habiletés et des alliances changeantes, il nous semble qu’avec un tel président celui-là de destin de l’Amérique et du Système auquel elle s’est soumise est désormais scellé.

Lincoln toujours, déjà cité précédemment : « ... En tant que nation d’hommes libres, nous devons éternellement survivre, ou mourir en nous suicidant. »