Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
174111 juin 2018 – Le bloc-BAO, la civilisation occidentale, l’anglosphère, l’américanisation-globalisation, le Système enfin, appelez la chose comme vous voulez, est devenu décidément un immense champ de ruines qui semble se poursuivre au-delà de l’horizon, en fait comme privé d’horizon pour le limiter. Le G7, ou G7-1, peu importe, nous a offert un spectacle sans précédent de désintégration accélérée d’un ensemble qui tient toutes les structures politico-économiques depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
« Ce qui se déroule est un effondrement historique des relations diplomatiques et économiques entre les grandes puissances impérialistes. Pendant les trois quarts de siècle qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, la classe dirigeante a largement reconnu que les guerres commerciales de la Grande Dépression des années 1930 ont joué un rôle majeur dans le déclenchement de cette guerre et que les guerres commerciales devaient être évitées à tout prix. Ce consensus est maintenant rompu.
Les conflits explosifs et l'incertitude dominent l'économie mondiale. Les États-Unis, l’UE et le Canada préparent des tarifs qui auront des répercussions sur des milliards de dollars de marchandises et qui menaceront des dizaines de millions d'emplois dans le monde. Comme le montrent les propos de Trudeau et Trump, les menaces tarifaires américaines mettent en branle une spirale ascendante de tarifs et de contre-tarifs aux conséquences potentiellement dévastatrices. » (Alex Lantier, WSWS.org, le 11 juin 2018.)
Un premier fait essentiel est que nous sommes un certain nombre à observer en parfaite conscience et directement, instant pour instant, comme l’on dit “en temps réel”, à cet événement de l’effondrement. La majorité du public est encore dans la caverne de Platon, certes, puisque le programme reste des plus attractifs mais l’affluence commence à se réduire et, surtout, à se réduire la croyance que le programme projeté représente l’essentialité et la vérité des évènements fondamentaux.
Désormais une majorité, – ceux qui y pensent intensément, ceux qui ne veulent pas trop y penser mais qui le savent, ceux qui ne pensent pas mais ne s’en contentent plus, etc., – une majorité sait qu’il se passe des choses terribles et que nous le savons bien, et que nous voyons la chose même si nous ne comprenons pas tous comme cela doit l’être, même si nous nous perdons dans les interprétations diverses ; mais l’ébranlement, lui, est ressenti par toutes et par tous. C’est comme un énorme frisson du monde que nous identifions parfaitement et qui nous saisit, parcourt notre colonne vertébrale et serre notre âme de l’affreuse incertitude de l’inconnu...
Au début de son essai Chronique de l’ébranlement – Des tours de Manhattan aux jardins de l’Élysée (Mols, 2003), PhG, qui ne tenait pas encore son Journal-dde.crisis comme je le fais désormis, écrivait :
« D'abord, il y a ceci: en même temps que nous subissions cet événement d'une force et d'une ampleur extrêmes, nous observions cet événement en train de s'accomplir et, plus encore, nous nous observions les uns les autres en train d'observer cet événement. L'histoire se fait, soudain dans un déroulement explosif et brutal, nous la regardons se faire et nous nous regardons en train de la regarder se faire. On sait également que ceux qui ont décidé et réalisé cette attaque l'ont fait parce qu'ils savaient qu'existe cet énorme phénomène d'observation des choses en train de se faire, et de nous-mêmes en train d'observer. Le monde est comme une addition de poupées russes, une duplication de la réalité en plusieurs réalités emboîtées les unes sur les autres.
» Nous ne pouvons prétendre sortir indemnes de tout cela... »
Ce commentaire concernait, on l’a deviné, l’attaque du 11 septembre 2001. Depuis, le phénomène ainsi décrit se poursuit, au jour le jour, heure après heure, charge à nous de débrouiller le faux infiniment faux du vrai perdu dans des vérités-de-situation... Sauf que ce week-end, lors du G7 devenu l’espace de deux ou trois tweets ravageurs de qui-l’on-sait G7-1, tout le monde a vu toujours dans ce même temps réel, devenu le Temps-métahistorique, cette extraordinaire implosion de la structure fondamentale de l’ordre du monde devenu désordre indescriptible, – Les hommes au milieu des ruines, écrivait Julius Evola, qui n’avait encore rien vu même s’il en devinait pas mal... Il y avait longtemps que cela n’était plus arrivé dans ce déluge de nouvelles fausses et de discours trompeurs : nous avons tous vu la même chose, en même temps, se produire sous nos yeux.
Le plus remarquable de ce week-end magique au Québec, ce fut la façon dont les composants de la réunion d’habitude si contrôlée et si bornée brisèrent toutes les normes et tous les cloisonnements. En un instant, l’événement devint cosmique, général, concernant le Système dans son entièreté. A part celui du bouffon de Dieu ou du Diable, ou des deux qui sait, qui s’était déjà envolé pour d’autres désordres, tous les visages exprimaient la même extraordinaire incertitude : Et maintenant, qu’allons-nous faire ? Et maintenant, que va-t-il se passer ?
A l’autre bout du monde, en Chine, Xi et Poutine échangeaient des avis culinaires sur des gâteries chinoises dans une salle d’une immensité dont seul le régime communiste chinois a le secret. La réunion de l’Organisation de Coopération de Shanghai se déroulait dans un ordre parfait, comme un contrepoint moqueur au désordre de l’autre côté. Les deux hommes échangeaient des sourires complices et ironiques. La réunion s’est fort bien passée, à la satisfaction de tous. Je n’ai pas une seconde eu l’impression qu’ils étaient là pour clamer : “Nous voilà, nous allons vous remplacer !” Ils semblaient dire plutôt : “Eh bien, nous vous l’avions bien dit. Voilà les ruines désormais partout éparses. Et maintenant, qu’allez-vous faire ? Et maintenant, que va-t-il se passer ?”