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1471Dans nos Notes d’analyse du 26 mai 2014, nous avons voulu explicitement “raccrocher” les “événements de l’Est” (sommet sino-russe, la position russe, la crise ukrainienne) avec les “évènements de l’Ouest”, principalement les élections européennes du 25 mai. («... Mais l’essentiel, pour notre propos, reste de raccrocher cet événement [les élections européennes du 25 mai] à la série que nous venons d’examiner, à partir du sommet sino-russe et du chaudron ukrainien.») La chronologie fait des miracles en imposant, par le calendrier des événements, des réflexions fondamentales, en poussant des raisonnements à leur terme.
Ainsi, en entamant ces Notes d’analyse, disons le 24 mai, nous cheminions selon un état d’esprit “orientalo-centré” par rapport à la géographie de notre perception psychologique, effectivement attiré par la puissance des événements orientaux (sommet Poutine-Xi, sommet de Saint-Petersbourg). L’événement européen du 25 mai au soir, lorsque les résultats prévisibles ont pris toute la force de leur substance par le fait de leur réalisation, a changé notre état d’esprit en nous faisant réaliser comme une aveuglante évidence le lien puissant entre l’Est et l’Ouest à cette occasion. Pour la première fois de leur histoire, les élections européennes acquéraient, elles, une substance inattendue et proposaient leur essence même, dans le chef d’une profonde signification événementielle, – nous dirions, pour poursuivre selon notre perception d’un déroulement extérieur à la politique humaine et proposant sa propre signification des choses, – “une profonde signification métahistorique”.
C’est à partir de cette expérience que nous avons apprécié comme étant d’un grand intérêt une réflexion de The Saker, du site The Vineyard of The Saker, dont nos lecteurs savent l’appréciation que nous en avons. L’intérêt de cette réflexion est qu’elle vient, à notre estimation formée par la fréquentation du site, d’un commentateur débarrassé de la pesanteur catastrophique du vice affectant l’essentiel des commentateurs-Système (de la presse-Système), qui a une forte connaissance de son sujet (pour l’instant, la crise ukrainienne, la Russie au sens le plus large, notamment psychologique, culturel et spirituel en plus de la politique), avec, comme nous pouvons raisonnablement le supposer, des liens de correspondance avec des sources diverses dans ses centres d’intérêt ... Bref, répétons-le, l’antithèse de la presse-Système, notamment française pour ce propos, dont Vladimir Fedorovski, qui n’est certainement pas pro-Poutine (voir ses remarques dans la citation), disait dans une interview au Figaro le 8 mai 2014 :
«La guerre en Ukraine est triple: par les armes, par la propagande et par les services secrets. Dans cette triple guerre les journalistes occidentaux sont instrumentalisés. Même à la fin du communisme, période que je connais très bien, les journalistes étaient plus prudents, et les informations fausses ou non vérifiées finissaient par être démasquées – on se souvient de l'affaire des charniers de Timisoara. Aujourd'hui, c'est pire que du deux poids-deux mesures, je suis ahuri par le manque de professionnalisme des journalistes, notamment français. Les journalistes allemands et américains sont plus pointus, les Français, sont souvent politiquement correct et voient le monde en noir et blanc. [...] Il y a une propagande exagérée du côté russe aussi, évidement. Mais cela peut se comprendre: les journalistes russes vivent sous un régime autoritaire et n'ont pas vraiment le choix. Mais en Occident, la propagande est le triomphe du politiquement correct qui prime sur l'analyse. [...]
»Quand Mme Clinton compare Poutine à Hitler, c'est effrayant de bêtise. On ne peut m'accuser d'être complaisant avec Poutine. Je n'ai pas attendu la crise ukrainienne pour le critiquer. Mais je suis effaré par la diabolisation qui en est faite. Quand Mme Clinton compare Vladimir Poutine à Hitler, c'est effrayant de bêtise...»
Voici donc le commentaire de Saker que nous jugeons intéressant de citer. Il est extrait d’un texte d’analyse générale du 27 mai 2014 et répercute l’appréciation et l’analyse du commentateur appuyées sur des contacts spécifiques avec ses sources en Russie. Il restitue l’appréciation russe des élections européennes du 25 mai. L’intérêt pour nous, nos lecteurs le devineront, est l’intention affichée du commentateur de raisonner non plus en termes de “droite-gauche” (extrêmes ou pas, on laisse cela aux salons parisiens), mais en termes de “pro-systèmes” et antiSystème, en même temps que d’identifier et de définir le “système” (le Système). Cette volonté sémantique est une arme puissante pour neutraliser les pièges du Système, qui emprisonne les esprits faibles dans les mots qu’il utilise et les images sommaires qui en découlent, qui manipule à sa volonté la perception des psychologies. (Ce passage du texte de The Saker est présenté sous le titre «Other factors which affect the Russian stance: changes in the EU».)
«There is no doubt at all that the results of the recent European elections have been received with elation in the Kremlin. I have carefully listened to the reaction to these election results by many commentators in Russia and it is absolutely clear that they have a very different view of what happened than their western counterparts. Where western analysts speaks of a triumph of xenophobic and Right-Wing parties, Russian analysts speak of a victory for anti-EU, anti-NATO and, ultimately, anti-US forces. Furthermore, what is labeled as “Right Wing” in the West is perceived as “conservative” or even “traditionalist” in Russia. One commentator said that the victory of the “Conchita Wurst” freak at the Eurovision Song Contest was the straw that broke the camel's back and that it had a direct impact on the European rejection of a morally degenerate and politically subservient Europe. I am not sure that the Wurst freak by itself has such a role, but the constant barrage of sicko gender propaganda, combined with a frontal assault on European traditional values probably did.
»I wish I had the time to write a detailed analysis of these elections here. I will say that I follow French politics very closely and that I fully agree with the Russian point of view. The National Front is not just a “right wing” movement (although in some aspects it is). It is first and foremost an anti-system movement and party which is deeply affected by the kind of values Alain Soral promotes: the “Left of Labor and the Right of Values”. True, the top leadership of the National Front is still stuck in old “Right of Labor” ideas, but most members are clearly “popular” in their politics, some even very close to Socialist ideas. In fact, I would argue that the entire Right-Left paradigm simply does not apply to Europe any more. Look at all the so-called “Left” parties in France, Germany or the UK. They are all really nasty, hardcore, capitalist and reactionary parties. I prefer to use pro-system and anti-system categories. By ‘system’ I mean the following characteristics:
»1) free-market, capitalist, globalist, pro-corporate economic policies ; 2) promotion of supra-national entities like the EU and NATO ; 3) total political subservience to the AngloZionist empire ; 4) support for and constant use of the “Ziomedia” to achieve its goals ; 5) systematic destruction of traditional European values ; 6) support for a police state internally ; 7) support for use of military force externally.
»These are the policies which the establishment or “system” parties in Europe have promoted for decades and these are the policies which have been rejected in the latest European elections. Now look at Russia's stance on the very same issues:
»1) Officially, Russia is a social/socialist state (Putin's words in his address to the Federal Assembly). In reality there are still many signs of very strong capitalism in Russia, but they are being regulated and contained. Most of the population is probably far more socialist than the current regime, but compared to the EU/US Russia is definitely a social state; 2) Russia is clearly opposed to the EU and NATO; 3) Russia, at least under Putin, has tried really hard to free itself from the AngloZionist Empire; 4) The Russian media has largely been “de-Zionistized”. There are some exceptions like the notorious Ekho Mosvky (Echo of Moscow, also called “Ekho Matsy” or “Echo of the Matzo”) and the Dozhd (Rain) TV channel, but they have very little or no traction with the general public; 5) Russia clearly support traditional values, especially Christian and Islamic ones; 6) Russia's policies on civil rights are a mixed bag. Unfortunately, the Kremlin does support Internet censorship, so-called “anti-Piracy” laws, surveillance of Internet Service Providers, etc. The Russian Duma has also passed some terrible laws banning the free discussion of WWII. The good news is that these laws seem to be applied with clear lack of determination and that they are probably more a reaction to the rise of neo-Nazis in the Ukraine than a true attempt at internal political censorship; 7) Russia clearly opposes the use of force in international affairs unless the UNSC gives it's approval, Russians are attacked or when a vital national strategic interest is threatened.
»In other words, the folks in the Kremlin and the French National Front would largely agree with each other and the fact is that historically these two forces get along very well. Russia is clearly counting on the fact that before the end of the year it might see a much more friendly Europe than it has so far.»
Il s’agit donc d’apprécier l’“esprit” de ce commentaire de Saker, d’ailleurs précisé par des commentaires supplémentaires en réaction à des interventions de lecteurs sur le Forum du texte. (Ces commentaires supplémentaires également le 27 mai 2014, avec des précisions sur les partisans du FN et autres partis et groupes dits extrémistes, telle que celle-ci : «... But even if their rejection of the “system” is initially polluted by racist or secularist bigotry, these elements rapidly disappear as soon as they are explained how misguided these views are and that immigrants and Islam are not a risk for Europe, but a fantastic and possibly life-saving opportunity against the real threat: the plutocracy, globalism, turbo-capitalism and imperialism.») Nous-mêmes ne cessons de raisonner en termes de “Système versus antiSystème”, et déplorant, pour la situation française et nombre de situation européennes, la perpétuation manipulée à fond par le Système des stéréotypes gauche-droite, racisme-antiracisme, etc. (Voir par exemple notre article sur Mélenchon, le 12 avril 2012, où nous applaudissions la “politique de grande crise” du chef du Front de Gauche, et déplorions sa politique intérieure fortement idéologisée, et faisant malheureusement totalement le jeu du Système en l’opposant frontalement au FN. En réalité, sur l’essentiel, qui est la “politique de grande crise”, Mélenchon et Le Pen sont très proches, comme on le voit notamment avec leurs positions sur la crise ukrainienne et sur la Russie. Tout cela se discute faussement selon le cirque de la démagogie intérieure qui est le terrain préféré du Système puisqu’il interdit aux positions fondamentales de s’exprimer. L’essentiel est de distinguer où l’antiSystème est étouffé, c’est-à-dire dans les débats intérieurs sociétaux et des “valeurs”, et où se trouve l’antiSystème, – c'est-à-dire chez Le Pen et chez Mélenchon en France, lorsqu'ils parlent “grande politique de crise”. Comme l’écrit Saker : «So to paraphrase [Orwell] I will say this: “if there is hope for Europe it lies with the extremes” (whether Left or Right).»)
Quoi qu’il en soit, notamment de ces commentaires conjoncturels, l’intérêt de l’extrait présenté ci-dessus est, selon nous, dans ceci qu’il marque combien le nécessaire reclassement qui nous paraît essentiel dans la lutte antiSystème commence à déborder les frontières et à relier entre elles les diverses crises qui secouent le Système. Il s’agit ainsi de repousser la principale ruse conjoncturelle du Système qui est la parcellisation, le réductionnisme, la compartimentation des événements qui conduisent à des engagements limités qui sont autant d’impasses en attisant des antagonismes dépassés. Nous avons déjà évoqué ce problème le 31 décembre 2013 où nous plaidions selon l’argument de la nécessité paradoxale de la “globalisation” des forces anti-globalisation, c’est-à-dire leur détachement des problèmes et des engagements nationaux pour embrasser les questions qui transcendent les frontières et les particularismes. En un sens, tous les principes dont se réclament ces forces antiSystème, qui s’affirment ici conservatrices, ici traditionnalistes, ici identitaires et souverainistes, ici sociales et populaires, ici progressistes, etc., tous ces principes qu’on prend comme références pour des affirmations structurantes contre la déstructuration globalisante du Système doivent être réaffirmés au niveau global, d’une façon globalisante eux aussi... Il s’agit de la globalisation des principes anti-globalisation, par conséquent de la globalisation de la lutte antiSystème où les uns et les autres retrouveront d’étranges nécessairement “compagnons de route” par rapport à leurs habitudes idéologiques qui deviennent une paresse intellectuelle mortelle s’ils ne s’en défont pas. Il s’agit d’identifier l’“ennemi principal”, – le Système et rien d’autre, – et s’y tenir jusqu’au bout, jusqu’à sa destruction. Quand un ennemi a la puissance et l’universalité qu’a le Système, il ne peut être que l’“ennemi principal” jusqu’à être l’“ennemi exclusif”, et c’est de cela et de rien d’autre qu’il s’agit.
Mis en ligne le 28 mai 2014 à 09H34
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