Tours et détours de la sécurité nationale avec Obama

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La tonitruance était évidemment de rigueur, hier, à Chicago, pour la présentation de “l’équipe de sécurité nationale” du President-elect. Comme d’habitude, nous fûmes avisé qu’il n’y a pas un plus grand signe de prospérité et de paix que “the strongest military on the planet” («To ensure prosperity here at home and peace abroad, we all share the belief we have to maintain the strongest military on the planet», selon le President-elect»); et nous apprîmes, pleinement soulagés aussitôt, qu'il s'agit, avec Obama, d'une «new dawn of American leadership». Pour autant, la situation est plus complexe que cette belle et bonne proclamation qui remplit de soulagement Richard Perle («I'm relieved. Contrary to expectations, I don't think we would see a lot of change»).

Ce matin sur Antiwar.com, Jim Lobe note bien des nuances dans le tableau. Lobe croit à l’apparition d’une politique multilatéraliste et très réaliste, contrastant avec ce qui a précédé. En passant, il met en évidence tel ou tel point de détail qui a son importance. Hillary Clinton, par exemple, unanimement acclamée comme une “super-hawk”. Il est vrai que la position outrageusement pro-israélienne d’Hillary depuis qu’elle est sénatrice de New York, contrastant avec ses positions pro-palestiniennes des années 1990, pourrait avoir beaucoup à voir (disons à 120%) avec l’électorat juif extrêmement important de New York City…

«Neoconservatives, who have long distrusted “realists” like Gates and Jones, have been particularly enthusiastic about Clinton's appointment, noting that she was the most hawkish and most supportive of Israel of all of the Democratic presidential candidates over the past year, although the latter stance may, in the words of one commentator, “simply have been a byproduct of representing New York [which has a disproportionately large Jewish population] in the Senate.”

»During the late 1990s, Clinton's was among the most prominent voices calling for a Palestinian state, a position she then played down in her election to the Senate in 2000.»

Il est finalement difficile, au-delà ou à côté de la tonitruance, de déterminer quelle sera la ligne de la politique de sécurité nationale de l’administration Obama, s’il y aura une ou plusieurs lignes, si tout cela sera droit ou tortueux, etc. On pourrait avancer qu’une indication plus précise à cet égard se trouverait dans les intentions d’Obama vis-à-vis du Pentagone et vis-à-vis des dépenses militaires.

• Un premier point est l’étonnante confusion qui s’attache à la désignation de Robert Gates comme secrétaire à la défense succédant à Robert Gates. Il semble bien, mais ce n’est pas confirmé, qu’il ne s’agit que d’une nomination de transition, Gates devant rester un an de plus, avec la perspective de partir début 2010. Dans ce cas, il devrait prendre comme n°2 Robert Danzig, qui lui succéderait en 2010 au poste de secrétaire à la défense. La nomination de Gates prend une tout autre allure que l’interprétation politique, d’ailleurs un peu abusive, qu’on en a donnée le plus souvent, de la simple reconduction de la politique de sécurité nationale de la fin du mandat GW Bush. L’orientation de la politique du Pentagone devient beaucoup plus difficile à définir.

• Une seule indication publique précise semble avoir été donnée dans un article du 1er décembre du Wall Street Journal. Il rapporte la teneur d’une rencontre entre Obama et le secrétaire à l’Air Force et le chef d’état-major de l’USAF, le général Schwartz, le 24 novembre.

«The Air Force's top officer warned last week that his service must be ready to weather cuts to weapons programs and other budget areas as the incoming administration confronts the growing tab for the financial crisis. Air Force Chief of Staff Norton Schwartz said in an interview that he is prepared for tough choices. “I can foresee there's going to be additional pressure and, frankly, I don't think that's a bad thing,” he said.

»Mr. Schwartz said he is mindful of the impact the coming year will have on the Air Force's future. "Our role is to make our best argument to what the right mix is, from fighters to big airplanes to satellites," he said. The Air Force's budget authority for fiscal 2009, which started Oct. 1, is about $143 billion, with about $35 billion for procurement of aircraft, satellites and other systems. That funding isn't enough for everything the Air Force wants. So the service faces decisions on whether to continue production of its top-of-the-line fighter, Lockheed Martin Corp.'s F-22, and a mainstay jet transport, the C-17 Globemaster built by Boeing Co. Its newest fighter, the F-35 Joint Strike Fighter, is still under development by Lockheed, amid regular critiques of its performance and cost.»

Il s’agit ici de la première indication quasiment officielle que l’administration Obama ne semble, – au moins, - ne pas avoir l’intention d’augmenter le budget du Pentagone, comme le Pentagone le demande (au moins $50 milliards de plus chaque année dans les 5 prochaines années); et peut-être, même, semblerait-elle avoir l’intention d’envisager une certaine réduction, dans tous les cas dans certains postes des forces armées, notamment pour l’acquisition de nouveaux systèmes. Quoi qu’il en soit de la modicité de ces intentions par rapport à l’énormité du budget du Pentagone, même de faibles réductions ou un statu quoi conduirait à des décisions de réduction de programmes, tant l’actuel budget est lui-même aux limites des besoins des forces. Ainsi peut-on prévoir qu’une certaine tension va s’établir entre la bureaucratie du Pentagone et la nouvelle administration, – malgré les déclarations apaisantes du général Schwartz, qui a surtout été nommé à son poste en juin dernier, à la place du général Moseley forcé à la démission, pour sa souplesse vis-à-vis du pouvoir civil.

Il faudra sans aucun doute un certain temps avant de pouvoir acquérir une vision claire de la politique de sécurité nationale de l’administration Obama. Cette absence de certitude risque de jouer un rôle important dans la mesure où elle pourrait exacerber certaines craintes, au Pentagone et dans les milieux idéologiques bellicistes, et susciter des tensions au sein de l’establishment washingtonien.


Mis en ligne le 2 décembre 2008 à 11H54